Kalimantan

Partie 2/3 : Hampatong

Exposition « La peur, l’accueil, le passage »

Le mot « hampatong », du malais « patong » qui signifie marionnette ou statue, subit des orthographes très diverses: hempatong, tempatong, empatoeng, kapatong, patung en indonésien. Il est généralement utilisé pour désigner la statuaire de bois de Bornéo, laquelle a souvent, sur le plan rituel des fonctions très diversifiées.

La plupart des hampatongs sont sculptés dans la bois de bélian ou « ironwood », le bois le plus dur et le plus lourd de l’île. Celui-ci se ravine en vieillissant en strates verticales et peut prendre, selon l’exposition à laquelle il était placé, des aspects ruinés, en tout ou partie, ravagés par la violence du climat et la pluie incessante. C’est dire que l’aspect d’usure, pour les pièces installées dehors, près des longues maisons, à côté des tombes, dans les champs de riz, est bien supérieur à ce qu’on pourrait attendre.
Cent ans de présence dans la jungle leur donnent l’apparence d’objets sculptés quatre ou cinq siècles plus tôt. En vieillissant, les hampatongs du dehors prennent aussi une teinte caractéristique, vaguement grisâtre. L’apparence des bois n’est, bien entendu, pas du tout la même pour d’autres hampatongs d’intérieur: ceux du couloir des longues maisons, ceux qui étaient plus ou moins à l’abri dans des sanctuaires, tels que les grottes.

Les hampatongs peuvent aller de statuettes de quelques dizaines de centimètres (très proches de charmes et amulettes mais n’obtenant jamais la même patine car ils ne sont pas en permanence caressés) aux immenses statues de Kampongs qui peuvent atteindre 2 mètres 50.

Dans certains groupes - Ngaju ou Ot Danum, par exemple - les hampatongs sont réputés être des figures d’ancêtres, protégeant la communauté des mauvais esprits. Les personnages peuvent être représentés en entier ou, plus fréquemment, en posture assise, surtout accroupis, les coudes reposant sur les genoux, posture classique pour toutes les représentations d’ancêtres dans le Sud­-Est asiatique, mais aussi posture courante de repos pour les habitants de ces pays-là.

Les statues d’accueil tiennent souvent une boîte ou une coupe dans leurs mains. Certaines - assises ou accroupies - sont prévues pour reposer sur le haut de grandes jarres, chinoises aujourd’hui, parfois près des sandongs. Ces jarres ont de nombreux usages.
Dans certaines ethnies, elles servaient à accueillir les défunts lors de la « première mort », Certains hampatongs portent, sur le visage surtout, des traces de kaolin voire de chaux, liées à la fertilité. Les quelques rares hampatongs peints sont affectés aux rites funéraires.

Dans certains cas, des offrandes leur étaient faites pendant les « moissons de crânes », afin d’empêcher les esprits des victimes d’opérer des représailles sur le monde vivant.

Pour de nombreux groupes également, les Ibans et les Bidayuh, par exemple, certains hampatongs occupent la fonction de «gardiens de riz» et sont posés dans les essarts
pour protéger la récolte.
Appelés « paddy gods » ou dieux du riz, ils vont en général par paires (mâle et femelle) et sont sculptés soit en torse soit en personnages debout.

Les hampatongs Bidayuh sont les plus anthropomorphes.
L’expression des visages, leur regard, n’est pas parfois sans rappeler les « Tau-tau » de Sulawesi.
Les statues Iban sont plus hiératiques, les pièces Bahau ou Kantu’ qui, bien qu’éloignées, ne sont pas sans affinités, allient rigueur et énergie plastique.
Quant à la statuaire Kayan et Kenyah, elle se reconnaît tout de suite et mérite une place à part tant sa singularité stylistique saute aux yeux.

Les hampatongs de ces deux communautés se caractérisent par leur force ·expressionniste, l’accentuation des traits de défense ou de férocité et de mélange délibéré des formes animales et anthropomorphes. Il n’y a pratiquement pas de représentation humaine qui ne soit flanquée d’animaux qui veillent à ses côtés; dans la plupart des cas, se mêlent des éléments hybrides. Une statue, rappelant l’apparence des hommes, peut avoir des éléments multiples qui la constituent: une tête de chien «aso», des yeux de crocodile, des oreilles de rongeur, un corps de singe, des griffes de lézard, des pieds de sanglier, etc.