Kalimantan

Partie 3/3 : Le dragon - les Pua Kumbu - les masques Hudoq’ - les communautés ethniques Dayaks

Exposition « La peur, l’accueil, le passage »

Le dragon

Le thème majeur de l’art des communautés de Bornéo est le Dragon. On le retrouve sous différentes formes, réalistes ou stylisées, dans toutes les formes de leur production et, pratiquement, dans tous les groupes. Aussi bien sur les hampatongs, les masques Hudoq’, les charmes, les boucliers, les gongs, etc...
La profusion décorative qui caractérise l’art de Bornéo est très largement inspirée du motif du Dragon, ce qui amène à dire que la surcharge décorative que l’on reproche parfois aux Dayaks est peut-être moins «décorative» qu’on veut bien dire. Arabesques, volutes, circonvolutions qui abondent dans tous les éléments, peints ou sculptés, sont la représentation d’une symphonie majeure, ce qui n’est pas forcément le cas, pour nous occidentaux, des arts dits décoratifs (du Rococo à l’Art Nouveau) dont la profusion d’arabesques ou d’entrelacs est purement ornementale.
D’après Bernard Sellato, le Dragon de Bornéo correspond au « makara » indien, au « barong » balinais, au « singa » Batak. Mais alors que le Dragon chinois est de sexe mâle, le Dragon de Bornéo est irrévocablement femelle. C’est la déesse liée aux eaux primordiales, à la création, celle du Monde d’En-Bas, proche des hommes.
La Déesse Dragon est partout, elle accompagne tous les gestes de la vie quotidienne, participe à tous les rites, à toutes les cérémonies.

Elle est le symbole de toutes les fertilités et associée aux éléments, à la terre, à l’eau, à la lumière.

C’est pourquoi son rappel sera fait sur de nombreux objets d’usage, des instruments de cuisine aux proues de bateaux. Elle accompagne aussi les morts dans leur voyage.

Selon les groupes, le Dragon peut prendre des avatars différents: serpents chez les Ibans, pythons ou cobras chez les Kayans ou encore et surtout chien dit « aso » lorsqu’on veut accentuer le danger et la défense active qu’elle représente.
Tous les reptiles et les animaux aquatiques qui peuplent l’île sont aussi, semble t-il, des représentations analogiques du thème du Dragon: crocodiles, lézards, tortues, serpents, poissons ou grenouilles.

Dans les régions de plaines, c’est le buffle qui peut remplacer le thème du Dragon, dans l’art funéraire notamment. Dans l’autre ce sera le cerf ou le daim.

Les Pua Kumbu

Littéralement «couvertures» les PUA KUMBU sont une des productions les plus parti­culières, et peut-être celle qui est la plus connue des com­munautés du groupe Iban. Son utilisation a toujours largement dépassé la seule fonction utilitaire. Les puas sont sortis, accrochés sur les murs des longues maisons com­munautaires pour les cérémonies rituelles, les mariages ou les FESTIVALS.

’Pour les évènements solennels, comme les cérémonies liées à la récolte ou les séances chamaniques de guérison, le pua était utilisé pour voiler les charmes ou les offrandes offertes aux dieux; Enfin, autour des guerriers, chasseurs de têtes, c’est dans.les puas que les femmes recevaient des hommes la «récolte des crânes».

Le PUA KUMBU, tissé sur un métier à courroie attaché dans le dos, est l’apanage des femmes qui s’en transmettent la technique de mère à fille.Les motifs extrêmement soumis à une stylisation géométrique sont innombrables: personnages humains, réputés pour avoir une influence bénéfique, animaux tels que crocodiles, grenouilles, oiseaux ou lézards, arbres, plantes ou fruits ou encore zig-zags, évoquant le cours de l’eau dans les rivières et montrant les routes que doivent suivre les pirogues pour remonter les rapides ou éviter les courants.

Les masques Hudoq’

Ce sont surtout les communautés Kenyah, Kayan et Modang qui vivent dans l’Est de Kalimantan et dans la zone supérieure du Sarawak qui utilisent les masques Hudoq’ pour les rites et les cérémonies importantes où ont lieu les sorties de masques, pendant les « festivals ».
Ces masques sont, en général, soigneusement conservés et repeints régulièrement pour participer aux rites agricoles. Eux aussi sont composés d’éléments mixtes, animaux et anthropomorphes, le mélange servant dans tous les cas, à accentuer la férocité.
Leur fonction est complexe: ils peuvent encourager les ancêtres à revenir aider les vivants, selon certains commentateurs.
Plus communément, entrant dans le village par la rivière ou la forêt ils sont porteurs de protection et de fertilité, aussi bien pour les hommes que pour la nature, ils garantissent de bonnes récoltes et promettent la naissance de beaucoup d’enfants. Ils inspirent aussi un mélange de respect, de plaisir et de crainte.

Les communautés ethniques Dayaks

Comme on l’a vu dans les pages qui précèdent, la population de Bornéo/Kalimantan est une véritable mosaïque de peuples et, pour les anthropologues, un puzzle touffu qu’il a fallu longtemps pour reconstituer.

Les Dayaks ne représentant, rappelons-le, que le quart environ de la population, les trois autres quarts se répartissant en Malais, Chinois (ceux-ci arrivés essentiellement aux XVIIIe et XIXe siècles comme commerçants ou ouvriers de plantation, voire pêcheurs, étant essentiellement des Hakka, originaires du Yunnan), Indous, Bugis venus des Célèbes, Indonésiens (venus de Java et de Madura), d’autres, au Nord-Est/venus des Philippines.
Les Dayaks sont considérés comme les véritables indigènes, de tendance animiste, alors que les Malais ou Melayu sont islamistes, comme le sont devenus d’ailleurs de nombreux chinois convertis. Ce sont les musulmans ou les populations côtières qui ont appelé les peuples de l’intérieur les Dayaks.

Les territoires occupés par les différents groupes sur la carte ne sont pas, bien entendu, clôturés.
Au cours des siècles, des migrations ont eu lieu,
créant, dans certains cas, des poches isolées du gros des territoires;
il y a eu aussi des occupations brutales, des guerres ou des rivalités tribales.
Par exemple, sur la Rajang, une ville a été créée, Kapit, à la limite du territoire Iban, pour contenir l’invasion des Kayans.