Leon-Paul Fargue

L’écriture comme vie de secours

La poésie est cette vie de secours où l’on apprend à s’évader des conditions du réel, pour y revenir en force et le faire prisonnier.( Suite familière- Sous la lampe)

Leon-Paul Fargue ne semble encore exister parmi nous que par ses immenses talents de chroniqueur, d’amoureux des rues de Paris.
Il est bien plus que cela. Il faut aller vers Leon-Paul Fargue par désir d’enfance, de tendresse, de retrouver les chemins cachés de la ville et des hommes, envers celui qui bien au-delà de son livre Le piéton de Paris aura tant cheminé en nous.
Paul Valéry disait de lui : Poète, constamment poète, et Rilke écrivait en 1926 «Fargue est un de nos plus grands poètes. »
Et même Paul Claudel dans une autre révélation :« Poète né, Faiseur de vie, associé et collaborateur de la création...(1927) et « un de ces hommes exceptionnels de qui on est constamment en droit d’attendre l’inattendu ».

Il était l’homme errant, portant en lui un sentiment du tragique, il était un veilleur du temps qui fuit, de la destinée qui se dérobe. On a surtout retenu le chroniqueur étincelant, l’amoureux des rues de Paris, mais il fut aussi un bien grand poète frappé du sceau de la tristesse.

Il avait écrit :
Mon destin, c’est l’effort de chaque nuit vers moi-même, c’est le retour au cœur, à pas lents, le long des villes asservies à la bureaucratie du mystère. … Je suis de ceux qui sèment le destin, qui ont découvert le vestiaire avant de se risquer en pleine vie. Je suis arrivé tout nu, sans tatouages cosmiques. Le doux géant qui me tracasse quand je me sens encore désossé par le sommeil, c’est l’Univers que je me suis créé, qui me tient chaud en rêve. Et si je meurs demain, ce sera d’une attaque de désobéissance. (Extrait de "Horoscope" - Ha ute solitude)

Leon-Paul Fargue que l’ami Jean-Claude Pirotte me fit découvrir instamment est cet homme rieur et profond qui nous enseignait ceci : « C’est un effort d’espérance et d’aveuglement vers plus de surprise et moins de mort, car le grand problème sera toujours de contourner les miroirs et de couper à la visite des habitudes... » (Tragique)
Il aura contourné les miroirs, arpenté les squares et les rues, les caboulots et les bistrots, les impasses des gens et du réel.
Sans désespoir, sans renoncer à l’espérance en l’homme : La moindre destinée est couverte d’étoiles et de torrents.

Il fut un passant considérable, une présence merveilleuse, notre désordre si magnifiquement familier.
Admiré également par Valéry Larbaud, Gide, Ravel, Satie, Jarry, Joyce, Saint-Exupéry, Picasso et bien d’autres, sa paresse et sa timidité ont longtemps été un obstacle à la publication de ses œuvres. Haute Solitude et Le Piéton de Paris vont briser son isolement littéraire, mais c’est davantage pour ses proses de souvenirs que se fait sa réputation. Il finit par n’être qu’une sorte de témoin de son temps et de Paris, un peu à la Doisneau ou Prévert.

Après 1955, un silence assourdissant tombe sur l’œuvre entière. En 1963, c’est Saint-John Perse qui remet Fargue dans la mémoire des gens en signant une préface à ses poèmes chez Gallimard :

« Et par la grâce d’un chant pur au plus secret de l’être et du songe de l’être, il sut, d’un même mouvement, mener le sentiment des choses à leur source, l’ombre des choses à leur clarté première : jusqu’en ce lieu très sûr, ou très suspect, où l’homme et le langage confondus sont, comme dans un seul acte et dans une même parole, d’un même souffle proférés. » (Saint-John Perse).

Mais depuis, la poussière à nouveau retombe, comme neige du passé enfui, sur Fargue.

En effet il est par trop inclassable, hors des courants, des systèmes de pensée, des chapelles littéraires.
Il est insaisissable avec sa lucidité aveuglante, son ironie décapante.
Faisons-le revenir parmi nous en lui rendant un hommage affectueux.

Ici seul le poète sera honoré, car lui reste à découvrir, alors que le chroniqueur, l’errant, est devenu légendaire.
Et c’est bien dans ses poèmes que vit son domaine profond, lui le témoin du monde éphémère.

Ami autant de Marcel Proust que de James Joyce, de Mallarmé que de Paul Valéry, d’Alfred Jarry son condisciple et Valéry Larbaud son ami fidèle, Léon-Paul Fargue a ébloui son temps. Il lui reste encore à illuminer le nôtre.

Le piéton de sa vie, l’âme au fond des poches

« Je ne suis ni philosophe, ni théologien, ni partisan. Peut-être ne suis-je poète que par le drame de voir mourir autour de moi des physionomies et des façades. Je ne voudrais n’être qu’un pardessus jeté sur ma vieille âme, et trottiner avec mon sac à tendres malices et ma boîte à regrets dans ces appartements que sont les grandes villes et les pays où j’ai voyagé » Léon-Paul Fargue, Azazel dans Haute solitude.

Il a fait les cent pas sur la terre et tant flâné dans sa propre vie.
Flâneur de sa propre vie, sa paresse et sa poésie en bandoulière il aura arpenté vaille que vaille le sourire aux lèvres et le vin comme compagnon, sa vie et les nuits noires de monde, aux Halles ou ailleurs :
Ces nuits dont le poids le maintenait debout :
« L’aube composait alors sur l’arrivage des fleurs une verrière pareille aux Roses de Chartres, les arceaux sanglants de la boucherie s’enfonçaient jusqu’au cœur du monde, de grands poissons encore vivants frappaient les grilles de leur queue puissante et d’étranges figures gothiques, porteuses de fardeaux, semblaient se courber sous le poids de la nuit ».

Avec ses compagnons de tournées nocturnes, Alfred Jarry, André Beucler, Valéry Larbaud, Brassaï, Léon-Paul Fargue n’était pas un simple fêtard, il bâtissait sensation après sensation, rencontres après rencontres, son univers poétique, son art de vivre. Là il se délivrait de ses fantômes, de ses angoisses tapies en lui, sans gémir :
Sache souffrir. Mais ne dis rien qui puisse troubler la souffrance des autres.

« Léon Paul Fargue, errant de bistros en coins saugrenus pour alimenter des petits poèmes en forme de camées où le délice d’une image se colore aux odeurs et aux secrets d’une ville endormie. Le pas du rêve se met dans celui des heures où l’honnête citoyen dort, quand l’aventurier s’égare, jusqu’au petit matin, pour trouver la réponse à toutes ses angoisses. » (Jean-Jacques Lévêque)

Lui « dont les souvenirs feuillettent le cœur. », sera le chroniqueur de sa vie, vie refusant la fausse lumière de la gloire ou des relations, qu’il avait pourtant nombreuses, tant on admirait ce funambule des mots.

Champion de billard, champion de la gymnastique des mots, il marchait en fait au bras de la nuit.

Et il n’aura jamais, au grand jamais, exercé la moindre fonction officielle.

Libre et ludion de la vie qui passe, il montait et descendait dans ses marches des émotions, dans ses états d’âme souvent cachés au fond de lui-même.
Il se disait « admirablement inutile, mais tout aussi indispensable qu’une robe de femme. » Léon-Paul Fargue aura été finalement un badaud, parfois dolent et paresseux, car trop doué, souvent piquant, toujours tendre. Pourtant il est l’attraction des dîners mondains où l’on se l’arrache pour ses bons mots, sa magie verbale.

Mais il termine ses nuits aux halles devant la soupe à l’oignon ou dans un bordel, ou dans un hôtel escorté de ses belles amies, où le long des réverbères de la vie.

Sa vie « comme le long de quelque zinc qui joue un si beau rôle de miroir aux alouettes devant tous ceux qui s’accoudent et songent. » Jean-Claude Pirotte, son frère de sang et de vin, le fréquentait assidûment, le lisant et le relisant et nous enjoignant de le lire et le déguster goutte à goutte.
Sa vie déformée par tant d’anecdotes plus ou moins vraies, sera en fait tragique : Lui le « piéton de Paris », comme il se nommait, et qui illuminait de mots cocasses ou profonds les rues et les nuits va finir cloué dans un lit (dans l’immeuble du café baptisé le François Coppée, à Montparnasse) après une attaque lors d’un repas avec Picasso.

Lui l’homme en marche sera l’homme cloué.

Il a semé son destin, certes les blés des mots ont poussé, mais il ne l’a pas semé, car celui-ci l’a rattrapé :

Celui qui sème son destinGare de la douleur j’ai fait toutes les routes.Je ne peux plus aller, je ne peux plus partir.Sous la lampe (1929)

Homme libre, mais terrassé par l’ombre du père enfui, il se dévoile peu, avec une vie qui semble certes bizarre mais sans événement considérable, « sans drame éloquent », sans engagement profond. Il laisse accroire une certaine image de lui.
Accoudé à la fenêtre de sa propre vie, il regarde défiler les gens, les souvenirs et les années.
« Accoudé à ma fenêtre…je pleurerais de longues heures de larmes sur ces silhouettes qui promènent ma place dans la foule- oui je pleurerais d’impatience et de ferveur, je pleurerais de solitude, si je ne savais que moi aussi, tout à l’heure, je me laisserai glisser sur la pierre décolorée et meurtrie, l’âme au fond des poches, les poches béantes, la vie pesante comme un journal mouillé et les yeux fatigués par les nuits de souvenirs… » Haute solitude, accoudé.

Il raconte ainsi sa vie :
« Je suis né à Paris dans le 1er arrondissement, au 8 de la rue Coquillière, dans une maison où il y avait deux magasins importants et significatifs, la crémerie Nortier, célèbre par son beurre et la charcuterie Battendier, par ses pâtés en croûte. Cela explique bien des choses, ma gourmandise notamment.Mon père était né à Paris de famille bordelaise.Mon père et mon oncle avaient des ateliers de céramique et de verrerie.J’ai été élevé à Montrouge, rue Mouton-Duvernet. De là nous allâmes à la Chapelle où mon père, après avoir été ingénieur chez Faber en sortant de l’École Centrale, fit fortune en inventant une plume miraculeuse écrivant sans encre, qui annonçait le stylo, et un traitement nouveau des perles de couleur. Cette fortune, il l’a perdue en la plaçant dans d’autres inventions.Après la Chapelle, ce fut la rue du Colisée, puis la rue de Dunkerque. Nous commencions à entrer dans le 10e arrondissement où j’ai été au collège Rollin en même temps que Barbusse.Ensuite nous habitâmes Passy, rue Gustave-Courbet.Quand j’étais tout enfant on m’a montré deux fois le père Hugo qui rentrait chez lui dans son petit hôtel bas de l’avenue d’Eylau.De Passy nous retournâmes dans le 10e où se trouvaient nos ateliers de céramique, faubourg Saint-Martin et rue de Saint-Quentin.À ce moment-là je faisais de la peinture. Au lycée, j’avais toujours les prix de dessin, et je me croyais quelque chose. Un jour, je suis allé pour la première fois à l’Exposition des Indépendants, qui se tenait au Cours-la-Reine.Cette année-là, il y avait des envois de Van Gogh qui venait de se tuer à Auvers-sur-Oise, Cézanne, d’immenses Seurat.- Gauguin, Émile Bernard, Lautrec, etc. Je fus sidéré. En une minute je reçus le choc, et je compris que c’étaient ces peintres-là qui avaient raison et que c’étaient ceux du Salon qui se trompaient. Et je renonçai modestement à mes pinceaux.
Je ne fis donc plus beaucoup de peinture, mais j’avais déjà mon cahier de poésie. Je faisais aussi de la musique. Il était bien entendu, – chez mes amis de la vingtième année qu’on ne se spécialiserait pas : on avait envie de tout faire. Choisir dans notre esprit, c’était sacrifier tout le reste, Gide a dit : « Prendre Un parti, c’est le pire parti prendre. »Nous faisions un peu de tout. Nous n’avions pas de soucis de carrière
.…Nous fondâmes des revues : l‘Art littéraire, avec Alfred Jarry, qui était mon camarade de lycée. C’est à cette époque que je fis mes vrais débuts littéraires au Mercure de France.Toute cette vie un peu dispersée fut entrecoupée de périodes de travail avec les céramistes de mon père. Je crois qu’on sait le reste. »

Le reste rappelons-le brièvement :
Léon-Paul Fargue est donc né à Paris, de Marie Aussudre, modeste couturière, et de Léon Fargue, ingénieur, qui ne devait le reconnaître que seize ans plus tard ; ce dont il souffrira sa vie durant.

Et la figure du père absent sera toujours présente dans son œuvre. Ce père qui veilla quand même sur lui et lui ouvrit l’univers de la lecture et des études.
D’abord placé à l’institution de jeunes gens de la rue Montaigne, il fit de brillantes études collège Rollin, dont le professeur d’anglais était précisément Mallarmé, puis au lycée Janson de Sailly. Il entre au même moment en khâgne au lycée Henri-IV, où il suit les cours de Bergson et rencontre son complice Alfred Jarry. Il refuse la vie royale de Normal Sup’ pour se réfugier dans l’oisiveté en essayant la peinture et le piano, et surtout la poésie. Très tôt introduit dans les cercles littéraires, où il brille de mille feux, il se lie d’amitié avec Claudel, Valéry et Gide, Debussy, Marcel Schwob, Henri de Régnier, Pierre Bonnard, Raoul Dufy, Maurice Denis, et Maurice Ravel avec qui il fondera la bande des "Apaches d’Auteuil" en 1902. Il fonde des revues, mais reste fidèle à Montmartre et au Chat Noirà l’ombre de Verlaine.
En compagnie d’Alfred Jarry, parfois Beucler et Brassaï, il va vivre intensément la vie nocturne de la ville et la magnifier, tout en menant une vie de bohème fort désargentée.. Mais Jarry meurt à trente-quatre ans en 1907.

Demeuré seul, Fargue va continuer ses périples dans la nuit, dans des endroits plus ou moins avouables, plus ou moins connus.
Il continue à déployer toute sa verve, son génie du jonglage des mots dans les salons, mais sa part d’ombre il la réserve à l’écriture de poèmes.
En 1900, après trois ans de service militaire dans l’Est, Fargue retrouve Paris et épisodiquement la fabrique de son père, verrier d’art et céramiste, dont il héritera à la mort de celui-ci en 1909. Mais cela n’était pas sa vocation.
Il ne publie presque rien durant cette période, mais il participe au début de La Nouvelle Revue Française. En 1909, il rencontre Valéry Larbaud et ce sera une amitié profonde et durable. Enfin en 1912 paraît Poèmes son second livre,
Mobilisé en 1914 à Laon, il se fera vite réformer et retrouvera Paris, et ses amis Jean Cocteau et Erik Satie.
Dans les années 20, Fargue fonde et dirige la prestigieuse revue Commerce avec Valéry Larbaud et Paul Valéry, puis Jean Paulhan. Il côtoie le mouvement surréaliste, Philippe Soupault et Robert Desnos, mais sans vouloir rejoindre le groupe. Mais il rencontre aussi Malraux, Saint-Exupéry qui fut son ami « Tonio », Joyce, Beucler ou Michaux.

Manquant désormais d’inspiration il se réfugie dans les années 30 dans la chronique journalistique, où il abordera pleins de sujets allant des rues de Paris, à la mode, à la critique d’art ou bien d’autres thèmes allant du loufoque au sérieux.
Sa mère tant aimée meurt le 21 avril 1935.
En 1939 il publie son livre le plus connu, qui lui servira aussi de surnom : Le piéton de Paris.En 1941 il publie Haute solitude son chef-d’œuvre poétique.
Il est frappé d’hémiplégie en 1943, lors d’un déjeuner avec Pablo Picasso. Cloué par la paralysie au 1, boulevard du Montparnasse, domicile de sa femme peintre Chériane (1900-1990) qu’il avait épousée en 1935, il garde cependant jusqu’à la fin une activité littéraire intense en ce lieu et tous les dimanches tient salon. Il y meurt le 24 novembre 1947 à 71 ans.

Et on peut penser qu’il aura voulu dire une dernière fois sa boutade :
« Le métier de croque-mort n’a aucun avenir. Les clients ne sont pas fidèles. »

Celui qui contourne les miroirs, homme et langage confondus

« J’y ai fait un effort […] pour réaliser une forme de prose nouvelle où soit maintenu l’équilibre entre la plastique et la musique, entre la vision du peintre et le rythme… »

Léon-Paul Fargue avait avant tout l’exigence de la langue, la jubilation des mots.
Gourmand autant des mots que de la bonne chère, Léon-Paul Fargue, comme son grand ami Brassaï, savait les mystères de la nuit, les greniers de la mémoire.
éon-Paul Fargue a laissé, presque négligemment derrière lui, une œuvre faite de proses poétiques et de poèmes.Ses descriptions, ses tableaux de la ville, ses souvenirs d’enfance si présents, semblent improvisés, imprégnés d’ironie et de tendresse, de déchirante solitude aussi.Léon-Paul Fargue est profondément lyrique.

Du symbolisme dont il est issu il a gardé le goût de la musique des mots, lui qui aimait tant la musique de Debussy, Satie et surtout de son ami « apache » Maurice Ravel.

Il a aussi le sens du mot juste, de l’évocation mélancolique et limpide à la fois.

De sa parenté forte avec le surréalisme, dont il sera un drôle de compagnon de route fort indiscipliné, il a le sens des mots cocasses, des non-sens, de la dérision :
Paix sur la terre aux hommes de bonne incohérence! Telle fut sa devise.

Et son refus de la routine et de l’embourgeoisement sera constant :
J’appelle bourgeois quiconque renonce à soi-même, au combat et à l’amour, pour sa sécurité. Sous la lampe (1929).
Il prône l’imagination contre la raison raisonnante :Vous faites le ménage de l’univers avec les ustensiles du raisonnement. Bon. Vous arrivez à une saleté bien rangée.

Dans ce bel ensemble disparate, mais lié par la bonté chaleureuse des mots, ce qui frappe est sa fraternité d’écriture, le lecteur est bien pour lui son frère, presque un copain de virée dans l’imaginaire.

La musique des mots était donc pour lui inhérente à son style, et sa belle langue si souple, si chantante, si rythmée, était sa sortie de secours face à l’ennui et à la solitude :
« Je travaille à ma solitude, cherchant à la diriger dans la mer d’insomnie où nous a jetés la longue file des morts…» (Haute solitude)

« Le plus grand poète lyrique français vivant. » (Walter Benjamin), cela peut se discuter, mais en tout cas le plus brillant conteur de son temps, de la ville et de son enfance, et de tous les fantômes des rues de Paris.
Il est à la fois le poète de l’enfance, la sienne, et comme Baudelaire celui de la ville, avec qui il fait corps, qu’il fait vivre et frémir en nous.
«Par les chemins cachés d’une ville, à une heure trouble, par certaines routes prisonnières dans le filet des bruits, comme un dessin se perd dans l’orchestre, un homme obscur, un homme invisible avance et pense, vers un quartier calme où sommeille un parc. » (Poèmes)

Léon-Paul Fargue est cet homme, cet homme errant.
Et la ville est son miroir, parfois cocasse, souvent tragique :
Le dernier refuge coulera tantôt sous la dernière marée (Refuges)

Poésie de sensations, poésie de sentiments, l’écriture de Léon-Paul Fargue semble une respiration nocturne, habitée et singulière.
Et souvent la ville le vampirise, l’envahit l’empêchant d’écrire autre chose que des chroniques, des tableaux du quotidien.
«Toute cette vie vécue, éparpillée, fondue, qui se retourne quand je me retourne, qui se baisse quand je me baisse, qui s’endort quand je m’endors. Je la revois souvent, souvent, je la reçois comme un élancement, et je m’y perds, comblé d’espérances instantanées qui m’assaillent et me quittent. » (Haute Solitude).
Et il porte enlacé en lui son enfance bleue, sa campagne de Chaillac. Il marche dans la ville avec ses sens d’enfant :
«Un coup pour retrouver le contact, me rhabiller de mes sens d’enfant, ramasser combien j’étais bon, sentir mes yeux se mouiller, mes joues rougir. Vacances » (Épaisseurs).

Ces mots de Rimbaud (Chanson de la plus haute tour) vont le hanter.
Oisive jeunesseÀ tout asservie,Par délicatesseJ’ai perdu ma vie.Ah! que le temps vienneOù les cœurs s’éprennent.

Car il est persuadé d’avoir gaspillé sa jeunesse et va se réfugier dans une enfance « bleue » un peu imaginaire, en tout cas dont il fait un âge d’or.
Il a besoin de plonger dans son enfance pour vivre le présent :
« L’homme qui plonge dans l’Éternel ramène sa vie d’un coup de nasse. Du milieu de ce charbonnage, son enfance monte comme un campanile. Il se souvient d’un village plein d’hirondelles et de pioches bleues, de grands vantaux de granges, de chasseurs solides, de figures savantes de vieilles, de filles dures et tournantes comme des fuseaux. Des chiens toujours dans vos jambes et des oies battues par les enfants. La boulangerie qui sent la levure et la suie. La bouche édentée du four de campagne… » (Vulturne)

Lui qui parlait aussi remarquablement qu’il écrivait, « Je suis tel sur le papier qu’à la bouche », aura fasciné son temps, sans doute gâché bien de son talent, pour le plaisir d’un bon mot, d’un éclair spirituel. Grand enfant en fait qui n’aura pas « guéri de sa jeunesse. ».
Sa tristesse désabusée fait de lui l’un des poètes les plus insolites, et qui nous demeurent chers.

Si parfois il s’absente de sa vie, en cache une partie c’est pour aller du côté du ciel le plus sombre, pour descendre dans la ville, et s’enfoncer dans les rues la nuit, pour pister sa jeunesse et chercher les « yeux de l’Inconnu ». Et il nous entraîne avec lui, avec la musique de ses mots qui nous dévoile la mer.

Des larmes ? Parfois sans doute, mais toujours des embruns de sentiments et des goulées de souvenance.
Souvent « une main d’ombre le serre à la gorge et l’arrête au bord de sa vie béante… ».Léon-Paul Fargue longe les chemins creux des souvenirs, les tranchées de la ville et sa voix chante tout cela, et un vent ancien monte de sa poésie, parfois aussi un vent violent s’élève quand il se fait visionnaire et « voit » la fin de la terre.
Léon-Paul Fargue était un homme de « haute solitude » et ses mots montent la garde sur ses secrets. Mais laissent percer les sources même de sa vie intérieure.

« Depuis cent ans, je parcours les impasses, je cogne les portes, j’implore les lucarnes. Qu’il fait noir dans ce monde où l’on finit par se heurter à son propre corps. Que faire pour éviter ces hordes de soi-même, ces rues pleines de sosies qui longent les murs, silhouettes lancinantes, démarches tordues, figures échevelées qui sortent en coup de vent sous un coup de lumière moqueuse. » Extrait de "Marcher"- Haute solitude, Gallimard

Gil Pressnitzer

Source : un site dédié Léon-Paul Fargue

Tous les textes ou extraits de textes de Léon-Paul Fargue sont sous copyright des éditions Gallimard.

Choix de textes

Fais-moi quitter mon corps visible.
J’escaladerai les échelles
Des épreuves et des blessures,
Je traverserai les systèmes,
Incube de tous les soleils,
Goutte de feu, goutte de boue,
Dans ma soif de te reconnaître.
Sans toi, sans ta douceur sévère,
Ma vie est le rêve d’un rêve
Hanté de fantômes trop tendres....
Extrait de L’exil - Sous la lampe.

NOCTURNE

Un long bras timbré d’or glisse du haut des arbres
Et commence à descendre et tinte dans les branches.
Les feuilles et les fleurs se pressent et s’entendent.
J’ai vu l’orvet glisser dans la douceur du soir.
Diane sur l’étang se penche et met son masque.
Un soulier de satin court dans la clairière
Comme un rappel de ciel qui rejoint l’horizon.
Les barques de la nuit sont prêtes à partir.

D’autres viendront s’asseoir sur la chaise de fer.
D’autres verront cela quand je ne serai plus.
La lumière oubliera ceux qui l’ont tant aimée.
Nul appel ne viendra rallumer nos visages.
Nul sanglot ne fera retentir notre amour.
Nos fenêtres seront éteintes.
Un couple d’étrangers longera la rue grise.
Les voix,
D’autres voix chanteront, d’autres yeux pleureront
Dans une maison neuve.
Tout sera consommé, tout sera pardonné,
La peine sera fraîche et la forêt nouvelle,
Et peut-être qu’un jour, pour de nouveaux amis,
Dieu tiendra ce bonheur qu’il nous avait promis.
Poëmes, Gallimard

MON DESTIN

Mon destin, c’est l’effort de chaque nuit vers moi-même,
c’est le retour au cœur, à pas lents, le long des villes asservies à la bureaucratie du mystère.
Que m’importe d’être né, d’être mort,
d’avoir cent ans de cheveux, des dispositions pour la marine marchande, un mètre d’esprit de contradiction et des femmes fidèles
dans les lits des autres ? Que m’importe d’avoir ma place retenue d’avance sur ce monde que je connais pour l’avoir fait ?
Je suis de ceux qui sèment le destin, qui ont découvert le vestiaire
avant de se risquer en pleine vie. Je suis arrivé tout nu,
sans tatouages cosmiques. Le doux géant qui me tracasse
quand je me sens encore désossé par le sommeil,
c’est l’Univers que je me suis créé, qui me tient chaud en rêve.
Et si je meurs demain, ce sera d’une attaque de désobéissance.
Horoscope, Gallimard

RÊVES

Un enfant court
Autour des marbres...
Une voix sourd
Des hauts parages...

Les yeux si graves
De ceux qui t’aiment
Songent et passent
Entre les arbres...

Aux grandes orgues
De quelque gare
Grande la vague
Des vieux départs...

Dans un vieux rêve
Au pays vague
Des choses brèves
Qui meurent sages...
Pour la musique, Gallimard

SPLEEN

Dans un vieux square où l’océan

Du mauvais temps met son séant
Sur un banc triste aux yeux de pluie
C’est d’une blonde
Rosse et gironde
Que je m’ennuie
Dans ce cabaret du Néant
Qu’est notre vie.
Ludions, Gallimard

KIOSQUES

En vain la mer fait le voyage
Du fond de l’horizon pour baiser tes pieds sages,
Tu les retires

Toujours à temps.

Tu te tais, je ne dis rien.
Nous n’en pensons pas plus, peut-être.
Mais les lucioles de proche en proche
Ont tiré leur lampe de poche
Tout exprès pour faire briller
Sur tes yeux calmes cette larme
Que je fus un jour obligé de boire.
La mer est bien assez salée.

Puis une méduse blonde et bleue
Qui veut s’instruire en s’attristant
Traverse les étages bondés de la mer,
Nette et claire comme un ascenseur,
Et décoiffe sa lampe à fleur d’eau
Pour te voir feindre sur le sable
Avec ton ombrelle, en pleurant,
Les trois cas d’égalité des triangles.

Phases

L’enfant pourra bien mourir
S’il se fatigue à courir
Parmi les objets aimés
On écoute à la croisée
Le pauvre faire sa cour
Au silence du grand jour.
Bruit du jour fait ta prière.
L’heure passe lente et claire
Sur la place somnolente,
Sous le ciel d’hiver tremblant.
Comme la vie fait souffrir,
Sans reproche, sans mots dire,
Pour un rien, pour le plaisir...
Tancrède, Gallimard

DIMANCHES

Des champs comme la mer, l’odeur rauque des herbes,
Un vent de cloches sur les fleurs après l’averse,
Des voix claires d’enfant dans le parc bleu de pluie,

Un soleil morne ouvert aux tristes, tout cela
Vogue sur la langueur de cet après-midi...
L’heure chante. Il fait doux. Ceux qui m’aiment
sont là...

J’entends des mots d’enfant, calmes comme le jour.
La table est mise simple et gaie avec des choses
Pures comme un silence de cierges présents...

Le ciel donne sa fièvre hélas comme un bienfait...
Un grand jour de village enchante les fenêtres...
Des gens tiennent des lampes c’est fête et des
fleurs...

Au loin un orgue tourne son sanglot de miel...
Oh je voudrais te dire...

Pour la musique, Gallimard

INTÉRIEUR

Des toiles, des choses sèches pendent aux poutres...
Le vieux fusil dort fixement
Au mur clair...
Rêve à ton gré. Tout est comme autrefois. Écoute...
La haute cheminée
Fait sa plainte ancienne et son odeur éteinte
Et tasse son échine de vieil oiseau noir...
Elle porte encore au front ses images d’âme crue
Et ses vases de loterie aux prénoms d’or...
Et l’horloge recluse dans l’ombre et la bure
Berce son cœur avec une douceur obscure...

Et ce sont des couleurs vivantes, refroidies...
Et ce sont des odeurs d’intimités suries...
Pareils à des visages ronds de spectateurs
Les plats se penchent aux balcons du vieux dressoir
Où des files de fruits qui font la chaîne, fleurent
Dans leur ruelle d’ombre couleur d’aubergine...
J’ouvre un tiroir où je vois passer des noix vides,
Un gros couteau à vingt lames, qui contient tout,
Et l’ombre de mes mains qui glisse sur les choses...
Ça sent la malle, et le poivre des vieux départs.
Et le livre de classe, et la chapelle éteinte...

Un vent tiède pousse des guêpes
Frapper à la lucarne bleue...
Un grand chat doucement passe comme on chuchote,
Et vous lève un regard où veille l’ennui sage
Du soleil dans la douve aux lentilles d’or vert...
Sois calme. Tout est là comme autrefois.
Écoute...
Pour la musique, Gallimard

Au fil de l’heure pâle

Un jour, au crépuscule, on passe, après la pluie.
Le long des murs d’un parc où songent de beaux arbres...
On les suit longtemps. L’heure passe
Que les mains de la nuit faufilent aux vieux murs...

Mais qu’est-ce qui vous trouble au fil de l’heure pâle
Qui s’ourle aux mains noires des grilles?
Ce soir, le calme après la pluie a quelque chose
Qui fait songer à de l’exil et à la nuit...
On entend le bruit nombreux
Des feuilles partout
Comme un feu qui prend...
Des branches clignent. Le silence
Épie
Et il passe des odeurs si pénétrantes
Qu’on oublie qu’il y en ait d’autres
Et qu’elles semblent l’odeur même de la vie...

Plus tard, un peu de soleil dore
Une feuille, et deux, et puis tout!
Alors, l’oiseau nouveau qui l’ose le premier
Après la pluie
Chante!
Et comme une âcre fleur sort d’une lampe éteinte
Il monte de mon cœur l’offrande d’un vieux rêve...

Un rayon rôde encore à la crête du mur,
Glisse d’une main calme et nous conduit vers l’ombre.
Est-ce la pluie? Est-ce la nuit?
Au loin, des pas vieux et noirs
S’en vont
Le long des murs du parc où les vieux arbres songent.
Pour la musique, Gallimard

La vie tournait dans son passé…

La vie tournait dans son passé, dans sa musique et dans sa joie. Sur la plage on voyait briller tous les aimés, tous les disciples attentifs. Debout, la figure penchée vers ce qui arrive, avec des fleurs et des ombrelles! Oh tous les espoirs formaient le cercle, à plein cœur, dans les pays blonds tressés tout autour et blanchis des villas où se reposaient les peines... Les voiles des vaisseaux gonflaient leurs joues blanches... On n’était séparé de l’immense Amour et de la Mort que par des premiers plans noirs d’étranges visages, des villes, des fêtes foraines, des jardins sombres remplis de détritus où des cornemuseux faisaient danser des spectres, des caves, des casiers où mangeaient les souvenirs, un comique nasillard, une vieille femme accroupie en bonnet de paysanne, et l’homme des foules aux yeux impurs et si tristes!.. Et tout bataillait de grands gestes, d’offrandes et de reprises, pour venir buter à l’irréfragable... Les passions tordaient leurs cariatides. Les fleurs des yeux souvent balancées adoucissaient seules les formes poignantes, les formes sombres... Et tout un bouquet de noms propres, qui parfumaient l’air de leur intimité si vieille, partaient et chantaient comme un lâcher d’oiseaux!
Le soir vint. Nos groupes marchaient et souffraient sur un grand ciel rouge. On vint fermer des grilles d’or.. Le sommeil jetait ses pavots d’honneur et la Mort donnait des acomptes...

Nous autres, friands de l’odeur d’un parc, nous nous obstinions à y pourchasser la bête du Bonheur... La bête infidèle aimée dès l’enfance...
Et les hautes maisons haussaient les épaules, toutes noires...
Poëmes 1902, Gallimard

De la tendresse – et de la tristesse

….Souvenirs d’un passé qui dort dans une ombre si transparente... Des intimités insaisissables qu’on se croit bien seul à connaître et dont on voudrait enchanter les autres... Certains regards. La voix d’un être cher. La gaucherie d’une âme ardente.. Une inflexion familière très douce et bien humaine...
Des yeux qu’on revoit parmi vingt ans de souvenirs, dans une rue grise, un jour de promenade. Du soleil sur un peu de paille, devant la porte d’un malade...
Un regret sobre. Une parole d’un chagrin vague... Un nom touchant qu’on n’arrive pas à retrouver... Tout ce qui porte une chanson triste au bord des lèvres.. Et ce mutisme avant les larmes...

...Le retour, un soir, dans un quartier où l’on a vécu jadis. Le tremblement de la voiture entre des arbres.. L’odeur d’une avenue frissonnante où il a plu... L’odeur d’un chantier, sépulcrale et tendre...
Un geste passe sur une fenêtre éclairée très tard, tout en haut d’une maison qui se reflète dans un fleuve.. Le grondement lent d’un train sur un pont de fer.. L’adieu long d’un remorqueur... Et la persistante vision de ce coin de faubourg où la vieille maison que j’ai tant aimée ne me connaît plus. Rien qui bouge à ses vitres. Un boutiquier maussade y tourne et pèse. Elle est sans regard, elle est sans rêves. Et il n’y a même pas de lumière à la fenêtre où j’ai songé...
J’allume pour nous deux les lampes... Une parole heureuse, un visage de femme, une fenêtre brûlante, des voix connues passent et se brisent... Ah je voudrais serrer tous les souvenirs sur ma poitrine, en bouquet, pour te les offrir. Mais ils sont lointains comme des signaux. Signaux du soir, avec leur douceur menaçante.. Fanaux des trains et des bateaux, qui ont toujours ce regard triste.. Signaux d’amour, tendres et fins comme des cœurs à la fenêtre... Signaux du ciel, un peu perdus, comme des fleurs dans un champ d’ombre...
De beaux accords plans se recouvrent. La mer qui remonte. Un rayon de Chopin m’arrive — et fait la lumière où je veux m’étendre — sans plus rien dire — avec un ami qui sache tout de moi-même, qui me reproche tout — et qui me pardonne...
Extraits, De la tendresse - et de la tristesse, Poèmes, Gallimard

AETERNAE MEMORIAE PATRIS

...Depuis, il y a toujours, suspendu dans mon front et qui me fait mal,
Délavé, raidi de salpêtre et suri, comme une toile d’araignée qui pend dans une cave,
Un voile de larmes toujours prêt à tomber sur mes yeux.
Je n’ose plus remuer la joue; le plus petit mouvement réflexe, le moindre tic
S’achève en larmes.

Si j’oublie un instant ma douleur,
Tout à coup, au milieu d’une aventure, dans le souffle des arbres,
Dans la masse des rues, dans l’angoisse des gares,
Au bras d’un vieil ami qui parle avec douceur,
Ou dans une plainte lointaine,
A l’appel d’un sifflet qui répand du froid sous des hangars,
Ou dans une odeur de cuisine, un soir
Qui rappelle un silence d’autrefois à table...
Amenée par la moindre chose
Ou touchée comme d’un coup sec du doigt de Dieu sur ma cendre,

Elle ressuscite! Et dégaine! Et me transperce du coup mortel sorti de l’invisible bataille,
Aussi fort que la catastrophe crève le tunnel,
Aussi lourd que la lame de fond se pétrit d’une mer étale,
Aussi haut que le volcan lance son cœur dans les étoiles
Je t’aurai laissé donc partir sans rien te rendre
De tout ce que tu m’avais mis de toi, dans le cœur !
Et je t’avais lassé de moi, et tu m’as quitté ;
Et il a bien fallu cette nuit d’été pour que je comprenne... Pitié! Moi qui voulais... Je n’ai pas su... Pardon, à genoux, pardon !
Que je m’écroule enfin, pauvre ossuaire qui s’éboule, oh pauvre sac d’outils dont la vie se débarrasse, d’un coup d’épaule, dans un coin...

Ah je vous vois, mes aimés. Mon père, je te vois. Je te verrai toujours étendu sur ton lit,
Juste et pur devant le Maître, comme au temps de ta jeunesse,
Sage comme la barque amarrée dans le port, voiles carguées, fanaux éteints,
Avec ton sourire mystérieux, contraint, à jamais fixé, fier de ton secret, relevé de tout ton labeur,
En proie à toutes les mains des lumières droites et durcies dans le plein jour,
Grisé par l’odeur de martyr des cierges,
Avec les fleurs qu’on avait coupées pour toi sur la terrasse ;
Tandis qu’une chanson de pauvre pleurait par-dessus les toits des ateliers dans une cour,
Que le bruit des pas pressés se heurtait et se trompait de toutes parts,
Et que les tambours de la Mort ouvraient et fermaient les portes!

Je t’ai cherché, je t’ai porté ;
Partout. -Dans un square désert au kiosque vide, où j’étais seul
Devant la grille du couchant qui sombre et s’éteint, comme un vaisseau qui brûle derrière les arbres...
Un jour.. dans quelque ville de province aux yeux mi-clos, qui tourne et s’éteint
Devant la caresse hâtive des express...
Dans une boutique où bougent d’un air boudeur des figures de cendre ;
Sur la place vide où souffle l’oubli ;
Aux rides des rues, aux cris des voyages...

A l’aube, hors barrière, dans un quartier d’usines,
... Au tournant d’un mur, une averse de charbons lancée par des mains invisibles ;
Un tuyau qui fume en sanglotant...
Dans les faubourgs et les impasses où meuglent les sirènes, où les scieries se plaignent, où les pompiers sont surpris par un retour de flamme, à l’heure où les riches dorment...
Un soir, dans un bois, sous la foule attentive des feuilles qui regardent là-haut filtrer les étoiles,
Dans l’odeur des premiers matins et des cimetières,
Dans l’ombre où sont éteints les déjeuners sur l’herbe,
Où les insectes ont déserté les métiers...

Partout où je cherchais à surprendre la vie
Dans le signe d’intelligence du mystère
J’ai cherché, j’ai cherché l’Introuvable...

O Vie, laisse-moi retomber, lâche mes mains !
Tu vois bien que ce n’est plus toi! C’est ton souvenir qui me soutient !
Poëmes, Gallimard

Retourne aux pays sans amour où Ton était cruel pour toi.
Retourne aux pays sans douceur où Ton revient toujours.
Ils sont pleins de souvenirs qu’on déteste et qu’on adore.
On ne saurait s’y montrer fier de ce qu’on quitte. On ne peut rien en rapporter vers ce qu’on retrouve.
Le temps et la distance y perdent leurs mirages. Aucune magie n’y rayonne.
On y a laissé vieillir des hontes et de l’inconscience. Elles vous entendent marcher sur la route, de si longtemps et de si loin qu’on vienne.
Et tu vas t’y pencher encore, de toute ta hauteur, comme la plus lointaine étoile au fond d’un puits où dort le silence, dans les yeux morts, sur le cadavre des ténèbres...
Poëmes, Gallimard

LA GARE ABANDONNÉE

Ces trois âmes se retrouveront, n’en doutez pas, toutes saisies, toutes ravies d’avoir été chantées. Je les chercherai toujours autour de la gare abandonnée. Je veux revoir la grosse lampe de la ferme qui s’allume à l’arrivée du premier train du matin. J’y gagnerai par l’étroit sentier trempé de rosée les voix qui se lèvent tôt pour la bienvenue qui coupe le pain bis dans le bol de lait encerclé de mouches. C’est l’heure où l’odeur qui vient de l’allée des tilleuls fait vaciller la lumière. Mais la diligence encense et grogne. Il faut prendre la route où la chaleur arrive par le courrier de dix heures quand les premiers papillons Vulcains posent leur écharpe le long des fossés. D’ici là j’ai tout le temps de m’arrêter aux premiers villages bleus d’enclumes, de revoir quelques cousins dans des maisons à sapins et à grilles... Que la paix descende sur moi et qu’on ne me reparle plus de cette immense aventure de vivre. Et que, dans la ruelle d’un étrange demi- sommeil prophétique, j’entende la douce voix du calme chuchoter de quelque part : Laissez-le.
Poëmes, Gallimard

Le soir se penche avec langueur

Le soir se penche avec langueur — et les arbres au bord de la route des songes — comme de grands oiseaux la tête sous l’aile — s’endorment. La lune pleure dans les branches — comme un regard entre des mains tremblantes... Elle y noue ses froides faveurs. Elle suit le fleuve tout contre la berge. Elle s’y balance, et il semble qu’un grand cygne ait perdu ses plumes sur l’eau plate où le ciel se berce..
Il y a une garde de roseaux au tournant escarpé où la lune entre par échardes. Un long souffle d’air qui chasse par instants les noms et les souvenirs de leurs nids sombres écaille le fleuve et le feuillage.. Alors, le veilleur et l’éclusier de la contrée fiévreuse — le gros lézard gris où s’est réfugiée une âme ancienne — souffle d’une voix lointaine et qui évoque un rite et un instrument sauvages — parce qu’il voit passer des choses que nous ne savons pas voir — et qui rejoignent l’horizon où le passé dort sous la cendre...
Poëmes, Gallimard

Un ange se pose aux créneaux du jour…

Un ange se pose aux créneaux du jour… Des fenêtres qu’on ouvre, au loin, se signent l’une après l’autre d’un lent coup d’aile.. Il semble que de longs bras d’argent tournent les pages d’un livre vague, épars, sans bornes.. Ils font aux murs, en face, de pâles caresses. Ils touchent les velours qu’oubliait la nuit d’été, basse et chaude..
Le soleil poursuit sur toutes les pistes les âmes qui courent dans leur plante libre, les pauvres cœurs vêtus qui frappent à la porte.. La lampe et la tour des visages, les regards sortis de la mer haussent vers Dieu ou l’Orateur la grimace du drame intérieur, crépi de feu, sculpté dehors, ronflant et sourd dedans comme un poêle..
L’Amour et le Crime passent et dorment dans leur gaine de la même démarche et du même silence. D’autres rêvent, les mains comme mortes, et lâchent les rênes.. Des soldats tuent le temps à coups de pied rythmiques.
— Le squelette attend, debout dans son corps comme un emmuré dans sa niche. Il suit comme un aveugle. Il singe dans son coin la chair qui goûte et parle.. Il sait qu’il rira le dernier...
Le jour se déroule et gronde. — Les bruits se répètent.
— Le rythme pérore. — La musique s’étire jusqu’aux bruits les plus faibles.. Les rongeurs grincent dans les vieilles chambres.. Les tarets percent le navire et l’envahissent comme une idée fixe..
Le soir tombe. Une à une, les lampes entrent dans leur veille.. Aux tempes des rues s’allume un dortoir de pensées fiévreuses.. Les braises tintent et chantent dans leur vase de fer avec un bruit fin et triste… On entend fraîchir la voix des écluses. Toute l’engeance d’Adam bat la lumière à coups de basques et d’élytres.

L’Homme pleure, et attend toute sa Nuit le bruit d’une clef dans sa serrure.. Il s’endort au bruissement du jour qui monte..
Il s’éveille.. Un autre jour parcourt au front des maisons leurs songes de pierre et de verre. Et l’homme entend frémir et se reformer la plainte unanime des âges, où nage le thème de sa vie qui chante, lasse de refléter les ciels et les terres...
Poëmes, Gallimard

Un homme a penché la tête en arrière

Un homme a penché la tête en arrière : son âme accourt, monte embrasser la houle énorme.. Dieu vient reprendre son trésor dans sa caverne.. Et des écluses chantent, et le brasier noir de la vie charbonne...
Il y a si longtemps que son cœur frappait pour sortir! La mer s’est retirée des voûtes de sa tête. Le silence, à pas de loup, s’y installe. Mais nous seuls sommes morts, et tous les bruits sont morts, au bord de ses oreilles..

J’aime les cimetières des grandes villes où des têtes blanches et sans regard dépassent les murs, et les belles chapelles où des lampes brûlent en plein jour, et les allées de grands arbres où il bruine, et les lents chemins sablés d’or où les cyprès défilent comme des pleureuses...
J’aime les beaux cyprès tout vernissés de pluie. J’aime le vol lointain des cloches. « Tu t’en iras, chantaient les cloches dans les villes.. Tu partiras, criaient les trains dans les tranchées.. Tu t’en iras dans une autre lumière.. Tu partiras comme en voyage... »
Mais pour Toi — qui sais t’accouder sur la pierre, les morts fredonnent sous leur voûte. Les regards des aimés sont montés dans les fleurs où la pluie d’été brille encore... Le fleuve souterrain nous parle, engendre, encourage et rassure. Qu’as-tu dit? Les regards des aimés, aux fenêtres? Ils n’apparaîtraient plus jamais?..
Tu ne peux mourir, toi qui te demandes s’il est bien vrai que tu ne verras plus le ciel, et la lumière fiévreuse des hommes, et les regards des bien-aimés qu’on retrouve au fond d’une ville obscure après une journée de fatigue, et les corps adorables, et le visage inexplicable de l’Amour... Par toi sont immortels tes horizons choisis, tes villes mystérieuses, et les moins grands désirs, et les moins beaux visages. Tu viendras quand tu seras las de la course, de l’ennui tiède où tout s’éboule et rapetisse — et des fantômes du bonheur...
A l’horizon, par-delà les orages, derrière une grêle ligne végétale, au bord d’une route — un regard d’amour, cette chose immense et qui semble emplir le monde, n’est plus visible...
Extraits, Poëmes, Gallimard

Dans la rue qui monte au soleil morne…

Dans la rue qui monte au soleil morne et grand ouvert, des voix conseillent qu’on s’accoude aux fenêtres, pour voir passer les trains de luxe, au bord du ciel, à droite, par-dessus les arbustes du jardin de la gare. Un train écume et se rendort. Des musiques diffuses rôdent. La vie antérieure émerge et chuchote..
Villes de songe, lorsqu’on pense à vos noms plaintifs, on prête l’oreille.. Il semble que des voix longues vous hèlent par-dessus les barrières et les chants des âges, et que des odeurs, comme des veilleuses, et que des fougères d’étoiles s’allument.. Il semble que vos ruines tremblent sous leur châle de lune, et que l’horizon bouge, au plus profond des nuits repues de silence, d’une lente pluie de larmes...
Mais j’en sais bien plus de cette pauvre ville.. Vous venez comme moi, sans doute, sur une place, y chercher le spectre d’un vieil amour? Dans les Forges couchées à l’Est, aux corps de femmes nues et rousses, des formes se hâtent avec une sûreté ancienne. Les Hauts Fourneaux de Bieulles flambent. — Depuis le canal d’or où l’écluse trempe solidement dans l’émail chaud, jusqu’à l’horizon lourd, barré des sourcils des stratus, où se terrent d’autres songes, l’allée de peupliers rame sans frisson, comme à la parade et d’un geste infini...
Passe le pont. Des porteurs encombrent la rue.. J’allais la dire. L’œil cerné d’un quinquet tourne là sa rousseur.. Les beaux regards et les bras nus de Carmen et de Juliette glissent aux fenêtres.. Celles qui battent leur quart sous les hangars détournent les partants de leur voyage.. De vieux murs tournent le dos à ces gaietés..
Tu passes sous une voûte brillante de salpêtre. Tu trouves des cyprès bien grands et noirs sur une place vaste et vide que le couchant touche d’ors calmes.. Elle est ceinte d’escaliers rouges, comme l’âtre du crépuscule.. Ils exhaussent des boutiques touchantes aux modes désuètes, et d’autres, aux jupes de femmes pauvres, et d’autres fermées, étroites et grises d’usure, qui ressemblent à des signets de vieux livres..
Plus tard, il semble que les rues s’enfoncent au-devant du soir comme un orphelinat qui rentre.. Un piano pense avec lenteur.. Alors, au fond de vieilles impasses, béantes comme des muets qui voudraient parler, bat l’étrange lumière des cœurs humbles et troubles.. Et tout était doré et mort dans la vitrine de l’horloger pauvre...
Mais dans une rue qui a un nom d’oiseau triste, demeure et sourit, jour et nuit, l’éternelle Myrtis au clair visage.
Poëmes, Gallimard

Marcher (extraits)
Je parle et j’écris pour tous ceux qui marchent comme moi, courbés dans leur vie. Ils s’arrêteront comme moi, ils se retourneront sur ces chemins, sur ces sentiments qui s’enrobent doucement dans la nuit. Ils songeront, ils tâcheront de comprendre et d’emboîter leur histoire dans l’immense jeu de patience mouvant de la vie terrestre. Et peut-être qu’un jour, peu à peu, quelqu’un, dans les siècles des siècles, arrivera à remonter patiemment, par petites secousses intérieures, par infiltrations, par viols feutrés, à pas de loup, comme un chasseur exercé qui s’approche sans faire même le bruit d’une respiration imperceptible, à remonter jusqu’au début de la rafale qui nous a jetés sur la terre, à toucher timidement, mais à toucher enfin l’écume de l’immense cataracte du départ…

Toute cette vie vécue, éparpillée, fondue, qui se retourne quand je me retourne, qui se baisse quand je me baisse, qui s’endort quand je m’endors, je la revois souvent, souvent, je la reçois comme un élancement, et je m’y perds, comblé d’espérances instantanées qui m’assaillent et me quittent comme des vertiges. Je n’en finirai pas d’être stupéfait, ravi d’avoir vu d’un coup Dieu dans le monde, comme on s’aperçoit dans une glace à l’autre bout de la chambre... Et d’avoir vu, groupées autour de moi, cinq ou six ombres souriantes qui sont toujours celles des miens.
Et depuis cent ans, je suis à la recherche de ces ombres, depuis cent ans je parcours les impasses, je cogne aux portes, j’implore des lucarnes. Mais les couloirs me ramènent aux couloirs. J’attends mon tour de sortir. Qu’il fait noir, dans ce monde où l’on finit par se heurter à son propre corps, par s’apercevoir partout en caravanes! Que faire pour éviter ces hordes de moi-même qui remontent les avenues, font la queue aux gares, occupent les tables des cafés ? Ah! ces rues du crépuscule où, sur un ciel couleur de zinc, une lune ronde et pansée comme une tête de blessé a l’air de voguer, ces rues pleines de sosies qui longent les murs, silhouettes lancinantes, démarches tordues, figures échevelées sortent en coup de vent sous un coup de lumière moqueuse...
Le ciel nous attend à toutes les portes, au vantail de toutes les rues. A chaque tournant, il nous dépiste, étalant devant nous de grandes étendues de désespoir, tandis que nous piétinons cette terre pareille à une pomme de terre qui aurait fermenté un jour, à l’époque quaternaire, cette terre bondée comme un pain au raisin, cette terre pleine de morts qui ont glissé en bas, invisibles, par une trappe. Nos ossements, prolongement des squelettes de nos grands-pères... Le monde... Immense chaîne de squelettes qui se tiennent par les mains, par les pieds, comme une troupe d’acrobates, qui se sont faits les uns les autres, les uns aux autres, qui se sont déduits l’un de l’autre, qui tressent un hamac innommable qu’on ne voit pas qui se balance au- dessus de l’abîme, et dont chacun se décroche du précédent, retombe sur ses pieds, se reçoit seul, devient cette espèce de chaise à bascule, de chevalet d’Homme...
Maintenant, dans ces semailles de la ville, dans ce gâteau de miel où les maisons rentrent leur ventre, ces maisons qui louchent par leurs yeux d’hommes, maintenant, je ploie à droite, à gauche. J’ai commencé jeune cette vie de pierre foulée, cet interminable monologue le long des chemins de halage. J’ai enfilé ces boulevards, j’ai frôlé en série ces portes ouvertes. Souvent, des filles glacées, aux bouches béates comme des fruits, apparaissaient sur les seuils en sautillant, pareilles aux coucous des pendules. Filles blêmes et roses comme les dragées de plâtre des baptêmes de pauvres. Elles avaient l’air crachées par la cave et déposées là, comme des chrysalides chlorotiques, inventées pour remuer jusqu’à l’épais l’âme des passants, des solitaires et des ivrognes. Alors, déjà, je cherchais ce que je n’ai pas trouvé. Cette découverte doit-elle se faire dans l’espace, ou dans le temps ? Quand tombera de l’Inconnu l’avertissement ? Quelle porte s’ouvrira dans le flanc d’une mêlée de maisons ? Quelle voix appellera soudain ? Oui, quelle voix, pour que je me retourne...
Haute solitude, Gallimard

Haute solitude (extraits)

Me voici planté devant cette nature morte : l’armoire à glace, le lit, la tenture couleur d’oiseau triste, les larmes d’un jour cholémique et pluvieux sur les vitres. Un petit bruit de ville bout au ras de l’immeuble. Des caresses de vent, courtes et pressées, filent, pareilles à des mèches de feux follets. La nuit est d’un noir de route d’usine. Au loin, sur la toile cirée d’une rue déserte, l’ombre des arbres s’allonge pour dormir.
Hier, je n’étais pas si loin... Il me semblait apercevoir des côtes encore, un horizon de têtes d’hommes, entendre des glissements de voitures qui frottaient ma route vers l’obscur. Aujourd’hui déjà, l’écorce du souterrain s’est rapprochée, les fantômes de grand fond rampent à flocons sournois sur les mystères familiers, l’encoignure, le chambranle, le renfoncement, le couloir. De brusques remous me donnent à penser que toute la machine démarre dans une autre existence, qu’il y aura pour moi de nouveaux frères, de nouvelles anciennes maîtresses de nouveaux amis au bout de la course. Je cours aux fenêtres de l’exil mouvant. Mais les lointains se mangent. Je me porte comme une dépouille jusqu’aux hublots presbytes et percés dans l’éternité pure….
Je n’ai plus de terre sous mes pieds. L’un après l’autre, ceux qui disaient mon nom sous les lampes, ceux qui m’ouvraient des portes, ceux qui me souriaient aux terrasses, ont plongé. Je n’ai plus de place nulle part. Et la vie me pousse, me donne de l’épaule, comme si j’avais quelque chance encore de voir une longue poignée de main se dresser comme un barrage...
La vie ne me laisse pas m’arrêter. Elle ne me permet pas de construire des paliers dans ma solitude. Il faut que je descende. Mon destin m’encercle, me cerne déjà, me jette dans la direction qu’il veut, et que j’essaierai de comprendre jusqu’à la fin. Toutes ces fenêtres, et tous les jours l’approche de la nuit... Tous les jours... Chaque jour bat les mêmes cartes, finit par en perdre, en ajoute de nouvelles, qui ressemblent aux autres. Ces descentes et ces remontées, du jour à la nuit, comme de wagonnets dans une carrière, me vident d’un sable nécessaire...
Haute solitude, Gallimard

Si la poésie est, tout compte fait, une vie de secours, une vie de rechange, une vie au second degré, l’art de se charmer pendant les crises, l’art de se mêler âme et corps aux phénomènes, aux emportements, aux dieux, de faire bloc avec les ravages, de se baigner dans son propre sang ; si elle est aussi un art suprême de se confier à ses semblables par le déchirant canal des larmes et des cris ; si elle est enfin l’art de rendre sensibles les énigmes de la douleur et de remords dont la vie peuple nos jours monotones, écrivons que Thérèse Aubray est, au nombre de celles et de ceux qui savent le manier, une des plus habiles et des plus inspirées. » Léon-Paul Fargue, préface à Défense de la Terre de Thérèse Aubray, GLM, 1937

Bibliographie sélective

Poésies. Paris, Gallimard, 1963. Préface de Saint-John Perse.
Le Piéton de Paris, D’après Paris. L’imaginaire Gallimard, 1993
Haute solitude, L’imaginaire Gallimard, 1982
Méandres, L’imaginaire Gallimard, 1999
Poésies, Tancrède, Ludions, Poëmes, Pour la musique, Poésie Gallimard, 1967
Refuges, L’imaginaire Gallimard, 1998
Déjeuners de soleil, L’imaginaire Gallimard, 1996
Dîners de lune, L’imaginaire Gallimard, 1997
Épaisseurs – Vulturne, Poésie Gallimard, 1971
Maurice Ravel. Fata Morgana, 2014
André Beucler - Léon-Paul Fargue : Correspondance 1927-1945, Presses Universitaires de Paris X, 2014
Passants considérables, Fata Morgana, 2012
Fantôme de Rilke, Fata Morgana, 2007
Boussoles particulières, Fata Morgana, 2014
Poisons, Le Temps qu’il fait,1999
Etc..., collection Blanche Gallimard, 1999