Bernard Lacombe

Une peinture nommée patience

Bobin écrit dans le Très-bas: "L’enfant partit avec l’ange et le chien suivit derrière".

Ce chien est peut-être dans la Bible, mais il est aussi dans les toiles de Bernard Lacombe "et l’enfant et l’ange, le rire et le silence, le jeu et la grâce.

Les toiles de Bernard Lacombe sont emplies de repères terrestres, d’éclats de Bosch,Courbet, Durer ou Giotto.
Envolées abstraites et humbles figurations où chiens, lièvres, silhouettes et fenêtres se côtoient, Bernard Lacombe essaie de créer un univers qu’il puisse habiter.
Dans cet univers on croise le portrait énigmatique de Glenn Gould, les piliers de Cuxa, les traces d’Assise et des rideaux de peinture où ocres, bleus et rouges, couleurs du sang de colombe affluent.

À Roquecourbe, près de Castres, dans le silence figé du Sidobre avec ses coulées de pierre et de mousse, Bernard Lacombe avance en peinture, allant indifféremment de l’abstrait au figuratif, secret et souriant. Bernard Lacombe est né en 1949 à Albi, maintenant il a quitté ces paysages parfois âpres et il vit et travaille à Hyères.
Évoquant des choses le réel au travers de la fenêtre du tableau pour n’en retenir que la couche de réalité, ou laissant parler la peinture à nu - Ses toiles abstraites se dénomment d’ailleurs tout simplement Peinture - Bernard Lacombe construit patiemment son édifice, ramassant parfois les pierres de Cézanne ou d’autres.

Fuyant la perspective, ses toiles cultivent l’aplat sur lequel on se cogne ou se réfléchit. Des strates, des couches géologiques de réel ou d’irréel couvrent et recouvrent les signaux codés, les chiffres magiques qui tentent d’apparaître.
Les toiles de Lacombe ont étouffé le mouvement, elles attendent leur heure, le flux et le reflux du regard de l’autre ; sans âge, figées.
La profondeur vient de la poétique enfermée dans le cadre et comme dans cette toile "7" ou silhouette, de la projection des signes.
Bernard Lacombe a encore bien des chemins devant lui, et autant de rencontres qui laisseront des images et des reflets. Mais déjà l’éclat du quotidien est présent dans ses toiles qui sont encore des maisons ouvertes.

"Par la force des images nous sommes encore dans le temps mais aujourd’hui avant que le semeur n’ait fait un pas, le moissonneur est déjà là" (Vladimir HOLAN).
Loin de nos impatiences, Bernard Lacombe fait tourner lentement le moulin de sa peinture, et cette peinture est patience.

Bernard Lacombe a souvent marqué dans son œuvre des séries d’hommage aux personnages qui l’ont marqué (portraits de Glenn Gould ou autres), des lieux comme les bibliothèques chargées de livres et d’oublis, des sériés sur les Caprices de Goya, sur le vin herbé des amants Tristan et Yseult, la figure érotique de Salomé, des paysages comme Port-Cros ou le Tarn.

Ce sont pour lui des rencontres et non de simples anecdotes. Presque humblement Bernard Lacombe trace des liens d’humanité. Sa peinture se veut alors très simple, presque sans profondeur, en aplats. L’espace vient du dedans. Ce sont des voyages imaginaires, parfois inquiètants ou grinçants, comme quelques miroirs qui "réfléchissent avant que de refléter "(Cocteau).
Il y a recomposition qui semble évidente, naïve même, et l’étrange apparaît car un mystère s’installe. Sorte de promenoir des rêves, les tableaux de Lacombe sont comme des tableaux d’une exposition intérieure avec des liens au réel que l’on croit évidents et qui pourtant l’éloigne.
Galeries curieuses où les pas du silence nous accompagnent.

Son hommage à Kafka n’était absolument pas fortuit.

"Ce silence immense et écrasant, ces teintes éteintes, ces harmonies trop sourdes révèlent, dans le jeu de leurs paradoxes, la vie intense, la vie ardente qui y règne. Cet amour, cette passion, cette quête si mélancolique, cette volonté de préserver ces images d’une beauté qui s’estompe inexorablement, le peintre nous les fait partager pour que nous comprenions que les bibliothèques ne sont pas que des sanctuaires de la mémoire du monde. Ce sont aussi – et plus que jamais - des espaces où le sacré et le profane ne font plus qu’un, où le sublime et l’immanent s’échangent et parfois se fondent"…

Depuis Bernard Lacombe s’est enivré au vin des amants et imprégne ses toiles récentes de ce philtre (exposition de 2008 au Château de Carrouges -Orne -Basse-Normandie).

Les combats avec les monstres, que le sommeil de la raison engendre, sont derrière lui et les hommages à Goya destinés au Musée Goya de Castres laissent place à la lumière du désir, à la solitude de la création.