Franz Marc

Le peintre mystique des animaux ou la quête de l’innocence

Aujourd’hui, nous recherchons des choses dans la nature qui sont cachées derrière le voile des apparences... Nous tentons d’atteindre et de peindre cet intérieur, ce côté spirituel de la nature. Franz Marc

Franz Marc sera passé des tranchées de l’abstraction où il s’aventurait hardiment, de 1912 à 1914, aux tranchées de l’histoire, quand il fut fauché à Verdun en 1916, à 36 ans.
Le souffle de ses chevaux bleus ne l’aura pas sauvé de celui des obus et Franz Marc, alors même que son art allait vers les voies nouvelles de l’abstraction, aura été anéanti par le réel, comme son ami August Macke lui aussi tué plus tôt, en Champagne, en 1914.

Franz Marc fut ce peintre expressionniste, marqué par les fauvistes, par Van Gogh, Paul Cézanne et Paul Gauguin, et qui recherchait intensément son or du temps à lui, à savoir « le spirituel dans l’art ».
Et pour lui le peintre était une sorte de martyr, intercesseur avec les mystères de la nature, sachant fusionner avec ses frémissements.
Homme mystique, pétri de théologie, il faillit d’ailleurs devenir prêtre, avant que l’amour de la philosophie et des élans romantiques de la nature et du cosmos l’amènent à fusionner avec les animaux.

Dans sa quête éperdue vers l’innocence, il va vouloir peindre «les choses les plus simples et les plus intérieures» et le thème majeur de sa peinture sera le cheval.
Le cheval, non pas domestique ou placide, mais interrogeant le paysage, porteur du rythme de l’univers, symbolique de la force vitale naturelle.

L’animal est pour lui plus pur que les hommes, il est élévation spirituelle et il peut faire communiquer avec les sphères si l’empathie se fait.
Le cheval est dans sa posture, ses attitudes, déjà un sentiment spirituel, une sentinelle de l’univers, celui que voulait approcher le peintre.
Franz Marc transfère dans l’attitude des chevaux ses envolées mystiques. Il s’appuie sur la symbolique des couleurs, conçue comme une musique, et il joue des courbes rythmiques entre paysage et animal, comme pour la recherche d’une transcendance, d’une osmose.
« Je recherche une communion panthéiste avec la vibration et le flux du sang de la nature, dans les arbres, dans les animaux, dans l’air [...]. Je ne vois pas de meilleur médium pour "l’animalisation " de l’art, comme je voudrais l’appeler, que la peinture de l’animal ». (Lettre de décembre 1908).

Ce retour à cet Art animalier qui accompagne l’homme depuis la nuit des temps, est unique dans l’expressionnisme allemand. Fortement symbolique, cette peinture onirique, permet de le situer à la confluence des tendances cubiste, futuriste et expressionniste, dont il réalise une synthèse magistrale. Il aura trouvé sa voie vers une sorte de sainteté dans une iconographie presque totalement dévolue aux animaux : chevaux bleus ou marrons, biches, renards, sangliers, chevreuils, loups, chats, moutons, tigres, éléphants, …peuplent son univers alors que les humains y seront rares après 1911-1912.

Ses amis animaux sont ses avatars, ses doubles, eux capables d’être en fusion avec la nature. Et cette nature est certes cruelle et violente, mais d’une étrange pureté, comme un paradis perdu, comme une intense musique d’ailleurs, une musique des sphères, tendue de rythmes et de pulsions.
Il est celui qui a le mieux illustré l’empathie panthéiste, et ses animaux sont des icônes dressées, comme en adoration.
Son grand ami Paul Klee, très influencé par lui, partageait cette quête vers l’absolu de l’innocence.

Il sera inconsolable quand il apprendra la mort de son ami.

Franz Marc et ses animaux expressionnistes, à l’orée des rêves et des fusions avec la nature, est le plus connu des peintres expressionnistes allemands, mais pour des raisons simplistes, comme un fournisseur d’images pour posters, alors que bien des ombres sont dans son œuvre qui appelle aussi l’apocalypse.
Autant que Kandinsky, il aura amené la peinture vers des voies nouvelles, vers l’abstraction chaleureuse afin de découvrir quelques lois de l’univers :
« Je suis en train d’intensifier mon sentiment pour le rythme organique de toutes choses, pour atteindre une empathie panthéiste avec le battement et l’écoulement du sang de la nature dans les arbres, les animaux, dans l’air. »

Son été flamboyant n’aura pourtant duré vraiment que moins de quatre ans, et toutes les espérances auront été mises à bas, et même son tableau mythique « La tour des chevaux bleus » a disparu en fumée, comme lui.

Destins des bêtes, destins des hommes

Un des plus beaux tableaux de Franz Marc s’intitule « le destin de l’animal » et représente des biches, dont une biche bleue tendue vers le ciel, écartelées dans des éclairs rouges. Ainsi fut la mort de Franz Marc à Verdun, liant son destin au destin des bêtes qu’il aura tant aimées. Ce tableau prémonitoire date de trois ans avant sa mort.
La fable des animaux fut donc la légende de sa propre vie.
Au dos de cette toile il avait écrit : « Et tout être est sa propre douleur enflammée ».

Et sur le front il écrira à sa femme que cette peinture «est comme une prémonition de cette guerre - horrible et bouleversante. Je peux difficilement concevoir que je l’ai peinte. » Il l’avait peinte de façon prémonitoire voyant le cataclysme qui s’avançait sur le monde, mais il avait une approche de la mort sans crainte :
« Je comprends bien que vous parlez aussi facilement de la mort comme d’une chose qui ne vous effraie pas. Je pense exactement la même chose…. rien n’est plus apaisant que la perspective de la paix de la mort... la seule chose commune à tous. Elle nous ramène à la normalité de notre "être". L’espace entre la naissance et la mort est une exception, dans laquelle il y a beaucoup à craindre et souffrir. Le seul vrai, et constant effort philosophique est la prise de conscience que cette condition exceptionnelle va passer et que notre conscience personnelle toujours inquiète, toujours en quête du monde inaccessible, sera à nouveau retombée dans sa merveilleuse paix d’avant la naissance... Celui qui s’efforce ainsi devient pureté et connaissance, pour lui la mort vient toujours comme un sauveur. » (Lettre à Paul Klee).

Cette mort espérée, il va s’y jeter, comme pour une expiation, en s’engageant comme volontaire.
La Grande Guerre aura dévoré ou écrasé bien des artistes peintres : Vallaton, Marc, Macke, Derain, Braque, Léger, Kokoschka, Beckmann, Derain, Camoin, Dix, Kirchner, Schmidt-Rottluff, … comme une apothéose cubiste avec les corps démembrés et les lignes des tranchées :
« Tant d’obus en tant de temps sur une telle surface, tant d’hommes par mètre et à l’heure fixe en ordre. Tout cela se déclenche mécaniquement. C’est l’abstraction pure, plus pure que la Peinture cubiste "soi-même". » (Léger).
Presque aucun à part Otto Dix ne voudra en témoigner.

La plupart furent contraints de faire cette guerre, d’autres s’y précipitèrent avec enthousiasme comme Franz Marc et August Macke. Ainsi sa mystique et ses études de théologie n’auront pas protégé Franz Marc de la frénésie nationaliste.

Quelques repères pour jalonner son existence :

Franz Moritz Wilhelm naît le 8 février 1880 à Munich, d’un père peintre paysagiste et professeur de peinture à l’Académie des Arts de Munich.Wilhelm Marc, et de Sophie Maurice, venant d’Alsace et voulant donner une éducation calviniste stricte et une formation bilingue à ses fils, car elle parlait parfaitement le français, ayant vécu en Suisse francophone.
Il avait un frère Paul né en 1877.
A 14 ans, à sa confirmation, il se découvre une vocation religieuse et il étudie la théologie, afin de devenir pasteur.
Mais à 18 ans après bien des hésitations il s’oriente vers la philologie pour devenir professeur et renonce à ses études religieuses. Puis il est tenté en 1899 par la philosophie. Mais ses études universitaires sont interrompues par une année de service militaire, après quoi il décide de devenir un artiste-peintre.

C’est à l’armée qu’il deviendra cavalier et aimera les chevaux.
En 1900, il entre à l’ Académie des Beaux-arts de Munich, mais l’académisme et l’absence de liberté lui pèsent, il n’y restera que de 1900 à 1902, avec pour professeurs Gabriel Hackl et Wilhelm von Diez.
En 1903 il effectue un voyage en France de quelques mois, où il découvre les œuvres de Gustave Courbet et d’Eugène Delacroix, les peintres impressionnistes français, mais aussi les estampes japonaises et d’autres arts premiers.
Il ouvre en 1904 son atelier à Schwabing, près de Munich. Sa liaison tumultueuse avec la peintre Annette von Eckardt, une marchande d’antiquités de neuf ans son aînée, déjà mariée, mais possessive, le plonge dans un climat dépressif. Leur relation explosive durera pourtant plusieurs années.

Pour s’en échapper, il effectue un voyage en Grèce en 1906, avec son frère, expert en art byzantin, à Salonique, au mont Athos…, mais il va de dépression en dépression jusqu’en 1907 et se renferme sur lui-même.
Il se décrit « comme une âme chancelante et craintive. »
Il avait rencontré auparavant des peintres animaliers qui vont l’influencer. Et il fait ses premières esquisses de cheval dès cette année, et étudie l’anatomie des animaux.

Il parvient à vendre quelques-uns de ses dessins pour améliorer sa situation financière très mauvaise, et il donne à d’autres peintres des leçons d’anatomie animale.
Il rencontre simultanément deux femmes-artistes, à Lengries: Marie Schnür, de onze ans plus âgée que lui, et qu’il épouse par devoir en mars 1907, tout en s’enfuyant à Paris à Pâques, juste avant la nuit de noces.

Il divorcera rapidement en 1908. Et Maria Franck deviendra sa véritable compagne malgré les plaintes en justice de Marie Schnür. Il pourra enfin se marier avec Maria en 1913.

Son voyage à Paris en 1907 lui permet de découvrir avec enthousiasme Paul Gauguin, Vincent Van Gogh, les cubistes, les expressionnistes. Puis Henri Matisse lors d’une exposition à Munich en 1908.
Il peint à cette époque surtout des animaux et l’influence de Van Gogh est manifeste dans sa peinture.
« Van Gogh est pour moi le plus authentique, le plus grand, le peintre le plus poignant que je connaisse. Peindre un peu de la nature la plus ordinaire, en plaçant la foi et toute son aspiration en elle – voici la réalisation suprême... Maintenant, je peins... seulement les choses les plus simples... Seulement en elles peuvent être trouvés le symbolisme, le pathos, et le mystère de la nature. » Deux rencontres vont marquer sa vie : August Macke en 1910, de sept ans son cadet, et Paul Klee en 1911.
En 1911, Franz Marc fonde le journal Der Blaue Reiter, qui devint le centre d’un cercle d’artistes avec Macke, Wassily Kandinsky, et d’autres comme Jawlensky et Gabrielle Münter, qui ont décidé de se séparer du mouvement de la Neue Künstlervereinigung, la Nouvelle Association des artistes de Munich.

La première exposition du mouvement der Blaue Reiter a lieu le 18 décembre 1911.

Une visite à Paris en 1912 a permis à Marc d’établir une relation étroite avec le peintre français Robert Delaunay, ainsi qu’avec les futuristes Italiens, ce qui va changer sa façon de peindre.
Fasciné par le futurisme et le cubisme, Marc va vers un art de plus en plus austère, profond, et abstrait, en continuant toutefois à représenter la nature.

En 1913 avec Kandinsky, Alfred Kubin, Paul Klee, Gabrielle Münter, Erich Heckel et Oskar Kokoschka, il édite un almanach illustré.
Au printemps de 1914, Franz Marc et sa femme Maria achètent une petite maison de campagne à Ried.

Il gardait avec lui un chien et un cerf apprivoisé, et des chevreuils.
L’année 1914 est celle des grands chefs-d’œuvre, de sa pleine maturité, mais aussi celle du commencement en août 1914, de la Première Guerre Mondiale. Comme Macke il s’enrôle dans un enthousiasme collectif et nationaliste. La guerre serait une forme de purification de l’ancienne civilisation et de sa corruption, une rédemption par la souffrance pour cet être religieux.

Mais l’horrible réalité de la guerre et la mort de son ami Macke, lui font rapidement changer d’opinion :
« La guerre est l’une des choses les plus diaboliques pour laquelle nous nous sommes sacrifiés ». (Franz Marc, 1915) Il écrit d’innombrables lettres magnifiques à sa femme Maria pendant la guerre.
En 1915, Marc a reçu la croix de fer et il est promu lieutenant. En février 1916, le ministère allemand des Affaires intellectuelles et de l’Éducation décide de protéger les artistes émérites qui servent dans les forces armées et de les retirer du front.
Franz Marc était sur la liste, mais avant que les ordres de réaffectation lui parviennent, il a été frappé à la tête et tué sur le coup par un éclat d’obus, le matin même de l’ordre d’évacuation, alors qu’il faisait une reconnaissance à cheval lors de la bataille de Verdun.

Marc meurt le 4 mars 1916, près de Verdun-sur-Meuse, France.
Le lendemain matin on l’enterra dans le jardin du château de Gussainville.
Son corps sera rapatrié à Kochel en 1917, à la demande de sa femme.

Les nationaux-socialistes après leur prise de pouvoir ont alors condamné Marc en 1937, comme étant « un artiste dégénéré », et ils ont ordonné que quelques 130 de ses œuvres soient retirées des musés allemands.

Ce qui fut fait.

Une mystique des couleurs

L’art n’est rien d’autre que l’expression de notre rêve ; plus nous nous abandonnons à elle plus on se rapproche de la vérité intérieure des choses, notre rêve de vie, la vraie vie méprise les questions et ne les voient pas. Franz Marc

Comme les cabalistes, et plus tard Robert Delaunay et Mark Rothko, Franz Marc croit au langage spirituel des couleurs, à leur symbolique profonde, leur faculté de nous faire accéder à la transcendance. Les couleurs étaient pour eux intrinsèquement porteuses d’émotion, de passage vers le spirituel.

Marc a donné une signification émotionnelle aux couleurs qu’il utilise dans son travail: le bleu était utilisé pour la masculinité et la spiritualité, le jaune représentait la joie féminine, et le rouge recouvrait le pouvoir de la violence.
La couleur est donc un langage symbolique dont il joue comme un compositeur de musique :
Le bleu est le principe mâle, sévère et spirituel. Le Jaune est le principe féminin, doux, joyeux et sensuel. Le rouge est matière, brutale et lourde et toujours la couleur qui doit être combattue et vaincue par les deux autres.

Il utilise des couleurs primaires vives qui s’opposent, se combattent, et délimitent un nouveau monde.
Sa toile est riche de touches empâtées, elle est tendue tout entière par des courbes rythmiques.
Mais la partie connue de son œuvre, chatoyante, profonde est en fait tardive.

Avant 1910 sa peinture est souvent convenue, académique, sans originalité.

Mais vite des influences se font jour.
Sa formation académique, faite d’un naturalisme assumé et solide, se trouve interrogée dès 1903 par la découverte de la peinture des impressionnistes français.

Puis plus tard celle du mouvement de Munich, le mouvement Jugenstill, - L’Art Nouveau-, lui apprend une certaine sensualité picturale avec des formes courbes et chaleureuses.

Son travail principal, pendant longtemps, aura consisté essentiellement à des études animales, car ces formes de vie non humaine seraient la manifestation la plus expressive de la force vitale naturelle.

« Nos idées et non idéaux doivent porter un habit grossier, nous devons les nourrir de sauterelles et de miel sauvage et non d’histoire afin de sortir de la lassitude de notre manque de goût européen» (Franz Marc)

Ce panthéisme aura hélas plus tard chez d’autres des plongées vers l’obscur et les mythes aryens.

La révolution de la couleur se fera surtout vers 1909, moment de son adhésion au mouvement Neue Künstlervereinigung (Nouvelle association d’artistes).

C’est là qu’en août 1909 il rencontre August Macke, plus avancé que lui en ce domaine, avec son utilisation des couleurs flamboyantes, et des larges surfaces coloriées.

Franz Marc en sera imprégné et voudra utiliser ces techniques nouvelles.
L’autre rencontre fondamentale sera celle de Wassily Kandinsky en 1910, si proche de lui au niveau des recherches spirituelles. Avec lui il va éditer le journal Blaue Reiter, qui donnera après la sécession en 1911 avec la Neue Künstlervereinigung, son nom au mouvement si important du même nom, Der Blaue Reiter, venant après celui connu sous le nom de « Die Brücke » de 1906 (Kirchner, Nolde, Otto Müller, Karl Schmidt-Rottluff…) plus attaché à vouloir fonder un art allemand, alors que le Blaue Reiter se veut internationaliste.

Ces mouvements furent les fondements de l’expressionnisme allemand.

Ce groupe rejetait avec force les conventions académiques et le réalisme, pour faire émerger une nouvelle esthétique, héritière du mouvement symboliste, laissant libre cours à l’instinct et ne reconnaissant comme expression que « la nécessité intérieure ».
Les peintres de ce mouvement rejetaient les modes et les soumissions aux formules conventionnelles du passé.
« L’homme vit toujours parmi les tombes et, selon la dignité qu’il met à se mouvoir parmi elles, on peut augurer de son comportement futur. », disait Franz Marc, à la recherche d’une éthique profonde.

Franz Marc, féru de théologie calviniste et de philosophies orientales, ne pouvait être que prédisposé aux thèses mystiques de Kandinsky disant «que l’art doit mettre à nu l’essence spirituelle des formes naturelles au lieu de copier leur apparence objective avec la vraisemblance exacte. »

Sous l’influence de Kandinsky, Marc croyait que l’essence spirituelle des choses est en fait un invisible mieux révélé par l’abstraction.
Il était persuadé que la civilisation humaine détruit inexorablement ce que nous pouvons percevoir de la force spirituelle qui emplit toute la nature.
Pendant longtemps les personnages, partie intégrante de son même lyrisme décoratif, ont habité ses toiles, soit sous forme de nus, soit de bergers ou de femmes. Franz Marc va les abandonner définitivement après 1912, pour ne laisser parler que les animaux, seuls garants de la spiritualité.
Il était passionné par l’art premier des peuples primitifs, par les enfants et les malades mentaux, encore protégés de la corruption du progrès et de la civilisation.
L’être humain, si peu pieux, qui m’entourait n’éveillait pas mes vrais sentiments, alors que la joie de vivre de l’animal faisait résonner tout ce qu’il y avait de positif en moi» En 1912, Marc découvre émerveillé les travaux de R. Delaunay et des futuristes italiens, ce qui va l’influencer profondément dans sa tentative de représentation « du destin animal », dont il cherche à redonner à la fois la force et la puissance et aussi la fragilité profonde.
À partir de compositions cubistes, de traits brutaux de couleurs, de blocs rythmiques, d’une symbologie des couleurs, il magnifie la vie animale. Et peu à peu il se dirige vers l’abstraction à partir de 1914, sans délaisser la folle intensité des couleurs qui sont sa théologie personnelle.

Il veut rendre « les rythmes absolus de la nature » et la vérité intérieure des êtres, avec les animaux comme témoins de l’innocence.
Paul Klee disait : « Franz Marc se penche humainement vers les animaux. Il les élève vers lui. »

Notre cavalier bleu nous a quittés, glissant un jour de son cheval éventré près de Verdun, mais il galope toujours en nous.
Comme toute chosevéritable, sa vie intérieure garantit sa vérité. Toutes les œuvres d’art créées par des esprits sincères, sans égard pour l’extérieur conventionnel du travail demeurent véritables pour tous les temps.

Il a voulu faire œuvre de vérité, au plus près des vibrations des choses invisibles. Il était au plus près de son but, alliant dans une sorte d’abstraction mystique et lyrique les frémissements des mondes intérieurs qu’il voyait dans les animaux, proches eux du paradis perdu.
Il croyait en une loi créatrice de l’univers que l’abstraction aurait permis d’approcher.
Le mouvement envahissait ses peintures, avec de grandes obliques comme les lignes de force, où se tapit encore l’animal. Une énergie intense passe alors dans ses toiles.

Alors que ses ailes se déployaient, il sera fauché à mi-course de cette année de 1914, fabuleuse pour sa création.
Une série de dessins abstraits, exécutés au front, sont les derniers témoignages laissés par Marc, et montrent ce qu’aurait pu devenir le parcours artistique de ce peintre.
Fauché certes en pleine mutation, mais il repousse en nous.
Dans les forêts des rêves, le cri de sa peinture résonne encore, sans effaroucher daims, biches et renards et cerfs. Une histoire de bleu, sa couleur spirituelle, continue à nous être racontée.

« Quand le Cavalier Bleu fut tombé…Nos mains se saisirent comme des anneaux…un puissantpersonnage biblique sur lequel pendait un parfum d’Eden.

Au travers du paysage, il jeta une ombre bleue

Il était le seul qui pouvait encore entendre les animaux parler,...Et il transfigure leurs âmes incomprises. » Else Lasker-Schuler.

Gil Pressnitzer

Sources :
le site Franz Marc et ses peinturesFranz Marc Précurseur de la peinture abstraite par Susanna Partsch

Un site : Franz Marc et ses peintures

Bibliographie

Franz Marc, Victoria Charles, Sirroco Publisching, 2013

Franz Marc, Susanna Partsch, Taschen, 2001

Franz Marc, Mark Rosenthal, Prestel, 2005

Franz Marc, 1880-1916, Susanna Partsch, Taschen, 1992

Ecrits et correspondances de Franz Marc, Ecole supérieure des Arts Paris, 2007

Franz Marc, Lettres du front, Fourbis, 1996