Gil Granero

Les manuscrits de la lune

Gil Granero est née le 3 juillet 1956 à Barcelone. Elle appartient à cette grande floraison artistique qui donne mille fleurs à Barcelone.

Mais plus que les fleurs, la lune hante son œuvre comme thème d’une série sorte de manuscrits du cosmos. D’autres séries peuvent surgir aussi. Les objets de la vie commune aussi. Les fragments des choses, morceaux de papier, de journaux, des retombées du monde, trouvent abri dans sa peinture.

La lune se raconte dans ses projections d’images sans perspective, mais avec la profondeur matérielle et délicate de l’univers symbolique de Gil. Son monde est fait de métamorphoses et de fascinations.

Gil Granero a trouvé sa voie rapidement en allant vers la densité de l’objet.

Dès 1984, de nombreuses expositions collectives et individuelles l’ont affermi dans sa démarche.

Sa forte personnalité l’a conduit vers un langage personnel utilisant aussi bien les collages que les transparences, les allusions au réel, et l’envol de l’imaginaire. Ni abstraite, ni figurative sa peinture va, parfois une esquisse du réel vient signifier le mystère.

Sa peinture est une alchimie, une "cérémonie alchimique" même, qui transforme les restes du réel. Des formes passent, le monde passe et le tamis de sa toile en retient la poésie et la sensualité. Tout semble osciller entre la tentation des natures mortes et l’appel de la transcendance des objets. Tout est fragment.

Ils sont là, à peine esquissés, mais ils ne sont présents que par leurs empreintes, leurs signes comme des graffitis du temps, des signes du passé.

Bien sûr d’autres, depuis les premiers hommes sur les pierres à Paul Klee, furent des sorciers de la même eau, mais il appartenait à une âme à la fois juvénile et féminine de transmettre à travers une technique rigoureuse, une palette spécifique, l’état des choses.

Dans ses toiles restent prises des images, des tendresses, des bouts de lune, des extraits de journaux, comme sur une terre givrée les feuilles d’automne, et sa peinture nous raconte les nouvelles d’en haut. Gil Granero se tient parfois devant ses toiles, mais reste muette quand on veut l’interroger, elle n’a rien à ajouter à la toile.

Manuscrits retrouvés, ces tableaux ne parlent pas, ils reflètent.

Miroirs à émotion, quelque chose d’entrevu, à peine reconnu, matières qui affleurent sur la poussière d’un monde enfoui, les tableaux de Gil Granero sont les sédiments d’un réel ambigu. Sédiments plastiques sont ses tableaux, comme métaphores. Le hasard et la matière ont célébré leur noce dans ses tableaux.

Le seul espace ouvert est l’espace plastique, les couleurs convoquées sont les blancs et les noirs, les siennes et les ocres, et beaucoup de terre brûlée. Toiles ou papiers, Gil Granero poursuit le cycle de la lune au travers des témoignages élémentaires qui restent. Sa peinture, très élaborée, paraît aussi simple qu’une comptine, tout est visible, presque mis à plat et pourtant, l’invisible respire là dans l’ombre de la lune.

Les métamorphoses sont en marche, et la mémoire avance dans les manuscrits de la lune de Gil Granero. La vie a laissé ses traces de sédimentation sur ses toiles, une mer s’est retirée, à nous de comprendre