Gloria Uribe

Une peinture nommée innocence et attente

Gloria Uribe est une artiste peintre colombienne née à Bogota, et qui vit à Paris. Elle y expose et donne également des cours d’aquarelles.
Le choix des aquarelles est emblématique de la fluidité qui circule dans ses images. L’eau, la rivière, les pêcheurs sont là en attente d’une caresse des ondes, et les gouttes d’eau sont traversées d’une lumière intérieure.

Mais son œuvre comprend principalement des huiles sur toiles et des gravures.
Deux expositions au Centre culturel de l’Aerospatiale en mai-juin 1985, et en avril-mai 1996 l’ont fait connaître ainsi que son compagnon, Franscisco Rocca.
Puis dernièrement lors d’un spectacle poétique d’Elrik Fabre-Maigné Genèse sur des poèmes de Xavier Grall à l‘espace Bonnefoy en décembre 2011, une exposition d’œuvres récentes a montré l’évolution de l’artiste. Mais toujours demeure cette aura poétique qui imprègne chacune de ses toiles.

Et la peinture de Gloria Uribe est un hymne à une nature immuable, tendre et intemporelle. Certes il devrait s’agir de la nature colombienne, loin de toutes les violences urbaines. Dans une série intitulée « Les Voisins » elle dessinait une cité idéale faite de branchages et d’amour où tout le monde s’entraidait, se parlait.
La peinture de Gloria Uribe est aussi un appel à la fraternité.
On pourrait la trouver naïve, elle est murmure d’amour, de fusion avec la terre-mère. Des papillons de tendresse semblent vouloir se poser sur l’épaule de celui qui les regarde.

Les souffles fantasmés de l’éphémère

Il y a des souffles d’éphémère, de fragilité aussi. Dans son monde, même les arbres voyagent. L’évasion se fait par une échelle dressée sur le ciel. Et des caravanes s’en vont par les plaines et les arbres les protègent. Les humains, comme dans la peinture chinoise sont dessinés petits dans ses toiles, mais ils occupent tout l’espace, et concentrent le regard.
Une douce nostalgie d’un « beau temps », d’un âge d’or, sans violence, pris dans les bras des fleurs coule doucement dans ses images d’un temps messianique sans doute où les hommes vivront d’amour.
Et où la tâche la plus urgente sera de cueillir des oranges ou de rêver aux lointains, aux merveilleux nuages. De danser aussi parfois, et d’aller au marché se perdre dans les odeurs de la terre.
Les paysages sont fantasmés et les oiseaux, plus ou moins de paradis, volètent autour de fleurs magiques.
Car il y a de la magie dans la peinture de Gloria Uribe. Magie de la lumière qui tournoie sans cesse, de l’immensité qui accepte de faire halte un moment, profondeur de ce monde sud-américain hors de la mainmise du progrès. Seuls des chemins, déserts, vont vers une solitude d’avant les hommes, une solitude d’avant, mais juste aux matins de la création.
Il faut vouloir rêver pour entrer dans ce monde de Gloria Uribe qui est une marelle de l’imaginaire. Un nouveau monde, encore intact., aux couleurs éclatantes et vives.
Dans ces jardins d’Éden tout est attente et espérance. Liberté et tendresse hors du temps. Tout est douceur et beauté.
Accepter de passer de l’autre côté du miroir de ses tableaux et alors on voit un monde d’onirisme poétique s’étaler frémissant, comme au premier jour de la rosée du monde.
C’est bien sûr un monde d’enfance, un monde d’innocence et d’attente. Des poèmes d’enfant griffonnés sur la margelle des jours.
Ses tableaux sont là immobiles sous le vent, nous passons, et notre imaginaire est soudain plus fort et léger en nous. Une vague de beauté vient de passer.
Un espace s’est ouvert et nous attendons la venue du silence.
Nous sommes au point du jour.

...Je bois cette heure comme l’eau, je me réfugie dans le séjour lorsque l’aube se mélange avec la rosée...
et je suis libre, je me sens enfin, définitivement
comme le temps dans le temps, et la lumière dans la lumière
et toutes les choses qui sont au centre, le cœur de
la réalité qui coule comme des larmes
.(Linguagem, 1951. Ledo Ivo)

Gil Pressnitzer

L’éternel printemps de Gloria Uribe

L’ETERNEL PRINTEMPS DE GLORIA URIBE

Mon rêve en poésie
Serait de donner a entendre
Le violoncelle de William Turner
L’orgue de barbarie du Douanier Rousseau
Le saxophone soprano de Vincent Van Gogh
Et harpe éolienne de Gloria Uribe

Aventures de la couleur
Expéditions secrètes
Lagunes diaphanes
Et vertigineux à-pics

Son blanc sonne comme un silence
Son jaune vole tel un phénix
Son rouge est un « Amérindien dans sa réserve »*
Son bleu précolombien apprivoise l’azur de mes rêves

Son poème pictural
Me donne à voir le pays de l’éternel printemps
Sans me brûler aux broussailles du songe démiurge

Mon ode pour les toiles de Gloria Uribe
Sera brève
C’est des mains qu’elle crée
Et des yeux que je rêve !
*Léo Ferré

E.Fabre-Maigné, 2-IV-1996

Gloria Uribe, qui domine profondément sa technique, est Diplômée des Beaux Arts Graphiques de l’Université Nationale de Colombie et de l’Ecole des Beaux-Arts de Paris, elle a réalisé de nombreuses cartes postales et calendriers pour l’UNICEF et AMNESTY International (1976,1994), des fresques en Espagne dans le cadre de Mémoire d’Amérique (1993), en plus de très nombreuses expositions en France et à l’Etranger. Elle pratique non seulement la peinture à huile mais aussi l’aquarelle et la gravure en couleur, utilisant deux planches pour une seule gravure, et pas moins de 20 tonalités et dégradés différents. Colombienne, elle peint un monde onirique proche de l’Amérique des origines, où le Peuple du Premier Homme vivait en harmonie avec la nature avant l’arrivée des Conquistadores, le monde de la Genèse, ce monde de la Création décrit par Don Pablo Néruda dans son « Canto General ».

E.Fabre-Maigné