Kalimantan

Exposition « La peur, l’accueil, le passage »

Peut-être parce que les routes de notre pays, routes d’expansion ou de découverte, ne sont pas passées par ce que, longtemps, on a appelé Insulinde, cet archipel fiévreux qui va de la Malaisie aux Philippines en incluant l’arc indonésien, l’art des communautés ethniques de l’île de Bornéo reste en France l’un des plus mal connus des arts premiers.

Hormis le cercle assez étroit de collectionneurs, de voyageurs, ou d’ethnologues dont les recherches et les travaux sont de diffusion très restreinte encore qu’ils aient beaucoup contribué à un déchiffrage des données, (historiques, géographiques, ethnologiques, etc...) la familiarité des arts de l’île est encore superficielle.

Dans de nombreux catalogues d’exposition ou de ventes publiques où des oeuvres, parfois importantes sont présentées, les attributions restent sommaires.
On parle d’art «Dayak», ce qui signifie «les gens de l’intérieur» ou les "insulaires" et qui équivaut à peu près à l’appellation «d’art nègre», couramment utilisée dans les premières décennies de ce siècle pour qualifier l’art des différentes ethnies africaines.

Bornéo est moins grande que l’Afrique, c’est certain.
Environ une fois et demie le territoire de la France.
Mais la mosaïque des communautés y est extrêmement compliquée. On compte six grands groupes de Dayaks comportant des groupes principaux et des ethnies satellites ou apparentées, et pas moins de 200 tribus ou communautés distinctes, chacun ayant, par rapport à un «adat», (ensemble de traditions) des différences rituelles considérables, des dialectes, des modes de vie liés à des environnements différents, et, bien sûr, des styles d’expression complètement distincts, en dépit de thématiques communes.

Cette connaissance,assez succincte, des arts de Bornéo - rituels ou usuels - n’est d’ailleurs pas que française.
Les différents chercheurs ou amateurs qui ont travaillé sur ces thèmes restent, dans la plupart des cas, extrêmement réservés sur l’appartenance des objets (statues ou masques, par exemple) leur fonction d’utilisation au cours des cérémonies rituelles, le lieu où ils ont été collectés.

Tout ici contribue à entretenir le flou, parfois même le mystère. Aussi bien la géographie que le découpage politique de l’île (le Nord en deux provinces, le Sabbah et le Sarawak, appartient à la Malaisie avec, en son centre l’enclave indépendante de l’Emirat de Brunei, le Sud, qui représenteles deux tiers des 740 000 km carrés de l’île étant indonésien et s’appelant Kalimantan).

Parviendra-t-on dans l’avenir à affiner nos connaissances, à amener celles-ci au niveau où nous sommes parvenus avec l’art africain?
Rien -n’est moins sûr. Bornéo, dans sa partie malaiseen tout cas est, comme de nombreux pays du Sud-Estasiatique, en train de sauter sans filet, de l’âge du bronze à l’espace Internet et les anciens dayaks ne sont pas d’une grande loquacité lorsqu’on évoque leurs rites, ce qui peut se comprendre.

Les «coupeurs de têtes» n’ont arrêté leurschasses que depuis cinquante ans, c’est dire que les souvenirs en sont très proches.
De plus le fond animiste reste vivant et fort, comme partout en Asie, ce que l’on sous-estime.
Les conversions aux grands courants religieux, qu’ils soient aussi bien chrétiens que bouddhiste ou surtout islamiste, restent traversées de réminiscences rituelles, de superstitions, de codes ancestraux.
De la Thaïlande aux Philippines, l’univers reste peuplé d’esprits qui assistent les Dieux.

Et c’est à ces « esprits » que nous devons tant de richesses.

Henry Lhong

Les textes (Henry Lhong), et les photos (Patrick Riou), de cette étude ont été publiés à l’occasion d’une exposition La peur, l’accueil, le passage, réalisée par Didier Pignon.
Cette exposition s ’est tenue du 18 Février au 19 Avril 1997 au Centre Culturel Aerospatiale Toulouse
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