Michel Batlle

Au-delà du prolongement rigide de la vie

Michel Batlle est bien plus qu’un peintre engagé, il est un peintre enragé qui sous l’éperon des jours et des visages va magnifier l’humain, dont il témoigne encore des restes parfois flous qui restent en nous.
Ses peintures, ses dessins, ses sculptures sont des symboles éclairants pour nous mettre en garde face à la déshumanisation en cours.

« Le ciel va nous tomber sur la tête » et des « Avatars » s’avancent vers nous, sorte de cri contre la menace qui nous entoure :
« Ce sont des sculptures en bois ou en métal. Elles représentent des hommes transpercés par des bâtons, des barres… C’est un symbole ? Oui. On est transpercés de partout : par les informations, par les ondes… Je suis un peintre engagé et humaniste. Je ne fais pas de l’ornemental, de la décoration, comme Jeff Koons par exemple, je fais quelque chose de plus humain. » (Interview dans la Dépêche du Midi du 17/02/11).

Acteur essentiel de la vie culturelle toulousaine et autre il a pu assister au lent glissement des artistes vers la perte de sens, l’uniformisation, le futile : « J’en ai été l’un des principaux acteurs de cette vie, j’ai été le créateur et l’éditeur de la revue Axe Sud. Je constate qu’aujourd’hui, ici comme ailleurs, on évolue vers une culture industrielle, homogène. Les musées exposent les mêmes œuvres. Il y a une pensée dominante. Beaucoup d’artistes se servent d’une astuce et la développent avec des grands moyens dans des expos gadgets. L’artiste aujourd’hui doit se positionner contre le marché de l’art. » (Interview dans la Dépêche du Midi du 17/02/11).

Ainsi son œuvre devient étendard de résistance et un hurlement perçant face au consensus qui nous envahit, mou et prostitué à la mode maintenant. Ses visages apparaissant comme des rostres, des dernières balises vers nos véritables visages en douleur. Ses visages vous regardent au fond de vous: «Réveillez-vous, il y a encore des terres à irriguer en vous et hors de vous » semblent-ils nous jeter à la face.

Nous devons revisiter le labyrinthe de l’histoire de l’art afin de réhabiliter certains artistes et groupes d’artistes restés injustement dans l’ombre, qui, avec le recul apparaissent comme d’importants novateurs.
Face à la déferlante de l’information, osons remettre en question ce que nous dictent les médias, et les marchés de la pensée dominante.
Aujourd’hui où on confond, art et culture, invention et expression, il est bon de se rappeler ces combats d’idées de formes et de couleurs menés par quelques artistes, leurs exigences et leur volonté à vouloir changer la vie
. (Michel Batlle, 2001).

Une sourde angoisse monte des peintures et des dessins, un écho des luttes et des batailles affleurent et captent à jamais notre regard. Cet homme de souche catalane, vivant à Revel est aussi celui de l’univers africain où il a voyagé dans les yeux des gens et des choses, pour approcher la mémoire des peuples, du Niger mais en fait de toute parcelle de terre encore ardente.
Sans compromission aucune il vit dans l’actuel et non pas le virtuel. Il est dans l’histoire contemporaine des hommes, et de toutes les traces de notre passage terrestre. Il fait remonter la glaise immémoriale des aborigènes, des amers indiens, des grottes de mémoire, pour nous faire tenir debout. Il parle haut et fort de cette « irréductible réalité » qui fait l’homme et sa grandeur.
C’est par le visage et le corps que passent maintenant ses symboles de la vie en marche. Ses portraits, ses rostres, sont une radiographie de l’inaltérable en nous, radiographiés depuis les carapaces intérieures, les arêtes du nez, les os du crâne, le squelette tapis en nous.
Plus loin que la peau, celle des apparences, l’invisible sourd, journal intime et secret des êtres, « miroir des âmes ». Une carte géographique de nos profondeurs souterraines, une archéologie de l’insondable est là face à nous, déjà en nous, autobiographie de chacun de nous,
Ils nous regardent en face, phares tragiques du temps présent.

Gil Pressnitzer, le 20 Février 2011

Michel Batlle en douze tests

- Michel Batlle a passé son premier test :
J’arrive a reconnaître un Michel Batlle entre mille autres artistes.

- Michel Batlle a passé son second test :
Après une bonne nuit de sommeil, je me souviens à quoi ressemble sa toile.

- Michel Batlle a passé son troisième test :
Elle parle à mon imagination et me raconte une histoire de Terre Sainte.

- Michel Batlle a passé son quatrième test :
Celui de l’angoisse, c’est le vent qui souffle et un homme qui lutte dans ses toiles.

- Michel Batlle a passé son cinquième test :
Il a refusé des propositions pour faire du cinéma, être une star du rock’n roll, une vedette du demi fond ou flic à New York, il a préféré la peinture.

- Michel Batlle a raté son sixième test :
Il sait trop bien peindre, il a trop de talent.

- Michel Batlle a raté son septième test :
Il ne connaît pas les numéros de téléphone des 118 galeries parisiennes.

- Michel Batlle a réussi son huitième test :
Il a séduit le continent africain dans les yeux des petites berbères.

- Michel Batlle a réussi son neuvième test :
Il peut assister à l’expo d’un copain sans pleurer de jalousie.

- Michel Batlle a réussi son dixième test :
Il est capable d’apprendre à dessiner à Louis Cane et Garouste réunis.

- Michel Batlle a réussi son onzième test :
Comme il avait copié Picasso à treize ans, il n’a pas eu à le faire, dix ans, vingt ans ou vingt cinq ans plus tard.

- Michel Batlle a réussi son douzième test :
Il a abandonné en 1971 la peinture que les autres ont fait en 1979.

Résultat de l’examen: Michel Batlle est bon pour le Guggenheim ou le Musée d’Art Moderne de Paris.

BEN février 1985

Michel Batlle est un artiste important car sa peinture apporte autre chose que de la démangeaison formelle et décorative. Il est le seul peintre que je connaisse dont l’art crève l’abcès du débat culturel aujourd’hui.
Dans ses toiles, il superpose les signes profonds de mémoires culturelles différentes, le Roman le Gothique, Lascaux et la perspective…
Dans la mesure où la peinture est prémonitoire des préoccupations du pouvoir en place, celle de Michel Batlle reflète les préoccupations du pouvoir à venir. Je parle ici de la série des « Guerres Culturelles », qui démontre qu’il est un des rares à comprendre que la peinture n’est pas une recherche nombriliste, mais véhicule aussi la mémoire des peuples, leur résistance, leur personnalité.
Dans les œuvres de Michel Batlle, il y a comme des poings levés et fermés de résistance.

Ben 1985

Un talent affirmé et une vision obsédante

Il y a longtemps qu’on ne présente plus Michel Batlle. Il s’est affirmé et imposé, à travers les expositions qu’il a montrées au cours de ces trente dernières années (certaines très étoffées), comme un plasticien à la maîtrise consommée et un peintre aux dons très affirmés. Il se classe parmi les artistes les plus créateurs et les plus inventifs de notre région.

S’il est et se veut, pour sa part, en prise directe avec son époque dont il épouse les aspirations les plus généreuses, et souvent même les plus contestataires et les plus révolutionnaires (" Les Guerres Culturelles" -Carcassonne 1988), Michel qui se rattache au courant de la "Libre Figuration", se montre fidèle à lui même dans ses œuvres récentes, peintures et dessins, revêtant comme les précédentes, un caractère très anthropomorphique et puissamment expressionniste. Elles témoignent aussi de sa sensible évolution et de sa progression. Car, si jusqu’ici la figure humaine, très plastiquement transposée était l’élément central de la composition, elle s’inscrit, aujourd’hui, plus isolée et par là plus menacée, dans l’espace intemporel du tableau. Mais une telle impression n’est que passagère, parce que c’est l’énergie la plus vitale qui nourrit la dernière démarche de l’artiste.
Si, en effet, les têtes qu’il décrit, dans ses peintures et dessins, sont détachées de tout support, elles se révèlent à l’analyse et à la réflexion analogiquement entre elles.

A travers ses interprétations graphiques et picturales, obéissant à des éclairages bien plus complémentaires qu’opposés, il aspire, semble-t-il, à détecter et à cerner, au de là de ses métamorphoses, le secret visage de l’homme contemporain, en proie à de déchirantes contradictions. L’homme contemporain, son semblable, son frère auquel il s’identifie, en le situant au terme de sa quête comme l’initiateur et le maître d’œuvre d’un monde en gestation latente. Et un monde préludant par là à une future cosmogonie à l’image de son être profond.
C’est une telle impression qui se dégage pour nous, de la présente exposition de Michel Batlle qui revêt un caractère obsédant et souvent hallucinant.

Robert Aribaut avril 1999

Un tournoiement furieux d’idées et de formes, de lumières et de signes

Dans la peinture de Michel Batlle, des figures diverses se rassemblent ou s’affrontent, des traits acérés crépitent autour d’un foyer incertain ou se dissolvent dans une effusion de couleurs argileuses, des signes se chevauchent ou se contredisent, des formes géométriques s’affermissent ou se boursouflent jusqu’à devenir des ectoplasmes pernicieux. Toutes ces confrontations, ces oppositions forcées définissent les deux pôles de l’évolution humaine entre lesquels s’entretient une tension: le sauvage et le civilisé.

Pour Michel Batlle, il s’agit de prendre l’homme, repoussé sur ces deux extrêmes, comme seul point de mire et de s’en tenir fermement à cet objectif. Tout, dans ses toiles, découle de cet aller-retour à bien des égards, exigeant entre l’homme archaïque, barbare, encore marqué par " sa longue hérédité animale " et l’homme du rationnel et de la science, policé jusqu’au bout des ongles. L’un s’affirme dans la brutalité de sa nudité, l’autre s’efface derrière ses provocations technologiques. L’un nous darde de son regard raturé à vif, l’autre nous aveugle de ses certitudes accumulées.
Passant de l’un à l’autre, Michel Batlle désigne les points vulnérables et les emprisonne d’un filet de lumière.
Il combine la chair et la mémoire dans un même surgissement de gestes et d’incantations, de querelles et de rappels.
Il dresse l’inventaire des batailles et des alarmes du corps et de ses succédanés à travers une pratique très pertinente du temps. Tout cela est fait avec beaucoup de lucidité vis à vis des soubresauts de l’histoire et de la fragilité des images.

Ici, le questionnement des apparences, des rencontres et des déchirures, n’entraînent pas la peinture dans une compromission décorative ou une crispation formelle.
Dans son cheminement, inlassablement renouvelé, proprement poétique, Michel Batlle n’avance pas à tâtons et son énergie n’exclut nullement la vigilance. Même si ses tableaux font " feu de tout bois ", même s’ils révèlent un tournoiement furieux d’idées et de formes, de lumières et de signes, le propos reste étonnamment cerné, intelligemment traité et c’est cela qui permet à son travail de nous surprendre avec autant de force.

Didier Arnaudet In Flash Art – France 1985

Biographie et expositions

MICHEL BATLLE

Né le 3 avril 1946 à Toulouse, d’origine catalane par son père, réfugié politique de la guerre d’Espagne.
Il est le créateur en 1966 de la « Psychophysiographies » (relations entre le corps et l’esprit traduites par tous moyens graphiques, sorte de simulacre scientifique produisant des anatomies imaginaires par lesquelles il mêle l’art et le corps).
Il expose depuis 1964 ses premières peintures abstraites et expositions, date de la création de son atelier de la rue St Michel « Le Cratère », qui porte toujours ce nom, jusque 1973 environ.
En 1966-1967, il crée ses premières musiques expérimentales, concrètes et électroacoustiques (à la suite de l’aventure du rock du début des années 1960). De 1968 à 1973 il a tenu la chronique d’art à Sud-Ouest.
De 1966 à 1969 il réalise des gravures sur radiographies et des photos peintes. En 1970 il abandonne l’abstraction pour une nouvelle figuration expressionniste. De 1971 à 1975, il pratique les performances-painting et le land art en tant que parodie critique du nouveau marché de l’art international.
Dans les années 1980 à 1983, il créé la revue « Axe Sud » qui fait découvrir les nouvelles figurations et la sculpture anglaise. Il participe à la création du Frac. Dans les années 80 il organise les premières expositions hors d’Espagne de Barcelo et Plensa...
Son art est proche de la trans-avant-garde. Par la suite, il se détachera de tous courants, poursuivant une œuvre plus marginale et plus humaniste avec sa série des « Guerres culturelles ».
Il a suivi régulièrement la vie des arts plastiques à Toulouse de 1964
La fin du siècle le voit revenir au sujet unique du visage et du corps.
À partir de 2000, Michel Batlle se partage entre ses ateliers de Revel dans la région toulousaine et d’Agadez dans le Sahara au Nord Niger.
Atelier à Revel près de Toulouse et Agadez – Niger.

EXPOSITIONS PERSONNELLES À PARTIR DE 1964

Choix d’expositions depuis 1983

1983 - Galerie Art Actuel – Metz
1984 - Studenski Kulturni Centar – Belgrade
1985 - Galerie Axe Actuel - Toulouse - Malabar et Cunégonde – Nice, Le Parvis – Tarbes
1986 - Espace Bonnefoy – Toulouse
1987 - Galerie Axe Actuel – Toulouse, Tour du Tréseau – Carcassonne, Galeria 4 Gats - Palma de Mallorca
1989 - Galerie Agora – Marseille, Hôtel de Ville – Elne, Apteka Musée - Kiev –Ukraine
1990 - Les Moulins de l’Albigeois – Albi, Centre Bradford – Aussillon
1991 - Galerie Nominal - Marly-le-Roi
1992 - L’Evesquerie – Gimont, "Amer Indien" E.n.a.c – Toulouse, « Amer Indien » - Ville de Montauban
1993 - Château de Salses, Philbrook Museum - Tulsa I Oklahoma, Galerie MP3B – Paris, Le Colisée – Biarritz
1994 - Arterra - Rodez - Ville de Sérignan - "Poings de Chute" - Le Salon – Toulouse
1995 - La Clef I Epac - St. Germain-en-Laye, "Complaintes graphiques" - Canal Sud - Toulouse
"30 ans de Psychophysiographies" - Le Salon - Toulouse
1999 - Galerie Tiny Factory – Toulouse
2000 – « 33 questions sur l’art » - Grotte de Bedeilhac – Ariège
2001 - Sculptures - Maison des Trois vallées – Aspet
2001 - Institut Franco-Japonais du Kyushu - Fukuoka – Japon
2004 – Maison de la culture Roguet – Toulouse
2007 - Galerie EGP – Paris
2009 – Espace Apollo – Mazamet - Tarn
2010 - Musée de Rodez - Musée de Olot (Girona) Espagne
2011 – Espace Roguet – Toulouse

CHOIX D’EXPOSITIONS COLLECTIVES DEPUIS 1985

- 1985 – « 32,5" Biennale de Paris Off - Créteil – « 3 Peintres Français » »- La Cappella – Trieste
- Museo di Muggia – Italie
- 1986 - F.r.a.c. Midi-Pyrénées - Centre d’art de Labège – Toulouse
- « Irréductible Réalité » - Mostra del Larzac
- « Eclectica » - Pinacoteca di Capo d’Orlando’ – Sicile
- « Cent peintres en France » Fête de l’Huma - Paris La Courneuve
- Galerie du Faisan – Strasbourg, - « Mont Art 86 » – Barcelona
- 1987 - Galerie Daane – Amsterdam, "Comme chez soi" Galerie Lechanjour – Nice
- « Avant Travaux » - Musée Denys Puech – Rodez, « Le Sud Attaque ». Sète
- 1988 - Galerie Monique Sarradet – Carcassonne
- 1989 – « 1ere Biennale d’art contemporain – Cannes » - « 7 artistes » - Centro Sant Narcis – Girona
- 1990 – « Flor Inversa » - Musée des Augustins – Toulouse
- 1991 – « Festival de sculpture » - Beaulieu sur Mer
- 1992 – « ça bouge au nord » - Toulouse - "Festival Uztaro" – Menditte
-"Cloués nus au poteau de torture" Université du Mirail – Toulouse
- 1994 - "Plein Champs" Rieux Volvestre, " Avec ou Censure ?" - Carmaux I Toulouse
- Galerie Satellite – Paris, « Des Images pour la Paix » : La Villette - Paris - Rouen – Sarajevo
- 1995 - 1er Festival Garonne – Toulouse
- 1997 – « Lav’ Art » – Paris
- 1998 – « Terra Depicta » - Plateau du Larzac
- « Musica Plastica » - Château de Durban - Ariège, Le Centre du Monde – Nice
- 1999 – « Petites mémoires pour demain » Musée Ingres – Montauban
- « 170 eme anniversaire du Bassin » – Decazeville, « Art Jonction »– Nice
- « Dix ans d’acquisitions » Musée Denys Puech – Rodez

2004 - Musée Ingres Montauban
- 2010 – « Musée sans réserve » Musée Denys Puech – Rodez
- « 150 ans de l’Angélus de Millet » - Barbizon
- Festival Ap’Art - Saint-Rémy de Provence

ACQUISITIONS PUBLIQUES

Musée des Augustins – Toulouse
Musée d’art Moderne – Belgrade
Fond Régional d’Art Contemporain - Midi-Pyrénées
Pinacoteca di Capo d’Orlando - Sicile
Fond National d’Art Contemporain – Paris
Musée des Beaux arts – Rodez
Musée de Kiev – Ukraine
Philbrook Museum - Tulsa Oklahoma – USA
Musée de Sarajevo – Bosnie Herzegovine
Ville de Sérignan
Galerie du Château d’eau – Toulouse
Institut français du Kyushu - Fukuoka Japon
JiuXian Garden Museum – JiuXian – GuangXi- Chine
Museu Comarcal de Olot –Girona - Espagne

CREATION DE REVUES

1981 - " Axe Sud".
1986 - " Aborigènes & Exotiques"
1993. " Articide Circuit"

Site personnel de l’artiste:Michel Battle

Vidéos:Musée d’Olot (Girona, Espayana)