Valéry Lorenzo

Oiseleur du temps qui s’enfuit haut dans le ciel

 
 

Diaphane Valéry Lorenzo semble suspendu au milieu de notre réel. Happé par les horizons de fuite, il doit être déjà en partance vers l’azur.
Il est la transparence incarnée. Son sourire flotte plus haut que le ciel.
Il pourrait passer dans cette vie comme un vol de goélands argentés, ou de sarcelles en instance d’hiver à venir.

Une des toutes dernières toiles de Nicolas de Stäel, avant que lui-même ne prenne son envol du haut des murs d’Antibes, s’intitule « Les Mouettes ».
Déjà l’horizon les happe, le ciel les noie et les précipite vers une ébauche d’éternité.

« L’espace pictural est un mur, mais tous les oiseaux du monde y volent librement ; à toutes profondeurs.», écrivait Nicolas de Staël.
L’espace photographique doit être ainsi pour Valéry Lorenzo, et ses oiseaux, libres, nuages d’absence, qui passent entre nous et l’infini.
Sans doute parce que certains ont dû nicher au fond de sa gorge, il sait rendre les instants immédiats où ils cisaillent l’azur en deux, où ils ajoutent leurs ombres à celles des arbres.

Un silence passe, ce sont des oiseaux.

Goélands, corbeaux, canards, cormorans, martinets, pigeons, ou autres, ils ne sont que traces, juste une trace, dans un ciel souvent vide. Comme si on avait vidé le ciel pour leur laisser place.
Ils sont les augures du temps à advenir. Bons ou mauvais augures qu’importe, car leurs vols ignorent les directions reconnues par les humains. Eux vont vers ce qui nous dépasse.
Les photographies entre le gris et le blanc, ne sont ici que pour témoigner qu’un bruit d’ailes est passé au-dessus de nous. Furtif, en allé, sans retour. Un doux coup de couteau dans la toile de l’air et des jours.
Ils semblent soit en attente sur les branches à guetter la respiration de l’arbre, soit à vouloir se dissoudre dans le blanc effarant des cieux, hors de l’horizon lui aussi en fuite.

Plus que le passage d’oiseaux, Valéry Lorenzo capte la buée de ces êtres bien plus hauts que nous, et que nous désignons par des noms qu’ils ignorent.
Un battement d’appareil photographique s’est mué en battements d’ailes.
Silence, un mystère passe dans les photos de Valéry Lorenzo, ne le troublons pas.

Gil Pressnitzer

 

Ombre

Les oiseaux de Lorenzo ne sont que signes, écriture fugitive abandonnée dans le ciel à qui veut apprendre à lire. Hiéroglyphes d’un monde en allé. Ces oiseaux-là nous disent plus, précisément parce que l’ombre les a un instant nourris de ses mystères et de ses savoirs, dans la lumière des cieux dont ils s’abreuvent sans cesse, loin des rugosités de l’écorce terrestre. Ils rayent le ciel d’une aile d’acier doux, écriture lente à l’encre libre de leurs migrations.

Jean-Pierre Delbouys, Bayonne, Juillet 2004