Jean-Luc Aribaud

Le jeu du double ou la brûlure fuyante

Et si le poème n’était rien d’autre que l’expérience du néant, de l’anéantissement ?

Et perdue d’avance pour le voyageur aux yeux brûlés qui désire coûte que coûte la mener à son terme ?

Il appartient à chacun de toujours s’approcher des artistes au travers du choix des titres qu’ils ont finalement laissé flotter sur leurs œuvres, après bien des tumultes et des repentirs.

À un moment les mots figés se sont trouvés en coïncidence avec leur être. Avant une séparation sans doute avec le temps, chaque artiste et œuvre ayant par la suite suivi un autre chemin.

Ainsi de Jean-Luc Aribaud que je connais à peine, si ce n’est comme cet homme discret entrevu lors de maints salons et surtout admiré comme éditeur courageux et fondateur de la Revue Noir & Blanc avec Philippe Dours.

Il faut seulement savoir de lui qu’il est né le 22 juillet 1961 à Mazamet, qu’il vit à Toulouse depuis 1980. Photographe et écrivain il partage son temps entre enseignement et expositions. Ses racines sont celles-ci : « Moi, fils d’ouvrier, enfant de ces quartiers périphériques - comme les comètes le sont avant de mourir dans le soleil. » Sa brève rencontre avec Thierry Metz le fortifiera dans ses combats et « le vengera ».

« Double je », titre d’un livre de photos, pose la double appartenance de Jean-Luc Aribaud entre les territoires du verbe et celui des images.

Dans quelques-unes de ses images règnent l’indécis et le flou de la réalité. La recherche du visage, né parfois avec un masque, semble émerger et vouloir retourner au noir. À peine entrevue et ne pouvant choisir entre la lumière derrière la porte et la pièce close à jamais, les femmes surtout et les hommes sont prisonniers de leurs ombres qui toujours les précèdent. Elles vivent sur le papier peint du réel, nous nous passons. Tout n’est que vibrations qui s’étirent comme ondes de passages.

Aribaud confie que devant le trop plein d’images de ses poèmes, il prit peur et devint photographe pour en retour « assainir sa poésie. »

Ce travail d’ascèse par l’image, de déversoir de scories, est un voyage au pays des ombres et du flou. Sa parole devient une appartenance aux « instants de rien », une simplicité tendue vers la parole juste. Là où va la main va l’œil, et là où va l’œil et donc l’image va la parole.

Aribaud tente d’établir une correspondance entre « les territoires intérieurs que dévoile le poème et ceux que la photographie essaye d’arracher au réel. »

Les ombres multiples

Ombres multiples lourdes de mémoires inabouties. Tous les regards sont en suspension, et le silence tombe goutte-à-goutte. Comme dans un poème de Reverdy la terreur campe dehors.

Aribaud parle « de témoignage d’une errance, d’une quête qui dans un corps trop longtemps écartelé entre ombre et lumière, désire déposer le souffle d’une nouvelle vie. »

Cette appartenance intime aux deux mondes de l’image et de la parole influe sur sa façon d’écrire de plus en plus dépouillé, et sa façon de photographier de plus en plus intégrée au vide.

Aribaud dans ces photos demande ce qu’il y a vraiment à voir dans une image, comment s’opère le mensonge du réel.

Ce personnage, qui s’enfuit et s’efface dans le gris et le blanc, n’est plus lui-même une fois que figé sur le papier.

Comment partager la même ombre entre ce qui est et ce qui fut ?

Comment rester sur le palier des choses ?

Les photos d’Aribaud sont en équilibre sur l’ailleurs. Lisbonne ou Garonne, chambres closes, toujours ce sont les écluses des visages qui passent qui nous attendent.

Quiconque les dévisage se brûlera de cette attente, de cette fantomatique transparence qui laisse à peine une trace sur le papier.

J’ai toujours cru au pouvoir de la poussière

à ces buées éphémères sur les vitres impassibles.

Tout le drame semble se jouer dans une seule pièce. Parfois une irruption de lumière au creux des mains stigmatisées, souvent un corps nu mais insaisissable. Un visage et le pont-levis d’un masque pour défendre l’accès plus avant.

Dans ce jeu du Je nous sommes au creux du monde.

Dans cet autre Je qu’est la poésie Jean-Luc Aribaud utilise d’autres armes pour faire rendre gorge à l’indicible. La parole.

Celle venue gelée depuis l’enfance, celle éblouie par le monde et déjà en deuil de celui-ci.

Je découvris, cette nuit-là, la partie occulte de l’ivresse que procure l’expérience du réel absolu : la grande solitude, ce désert où manque le poème qui seul peut approcher l’indicible et, parfois, le faire partager.

Cette expérience est semblable aux illuminations que prodiguait l’homme de Manosque, Jean Giono qui aux sons des concertos brandebourgeois de Bach, ou des Quatre saisons de Vivaldi (j’y fus très jeune dans ces soirées plus ou moins mystiques), nous faisait simplement contempler les étoiles, Aribaud fit lui-même cette expérience de sa nuit étoilée.

Celle du voyageur aux yeux brûlés et qui ajoute sa brûlure aux autres. Aribaud délaisse alors le flou pour la quête de la langue juste et claire. Lançant des prophéties contre la société qui nous abîme en cherchant « des causes et des réponses insensées », faisant des cadres de mots pour les peintres qu’il aime, célébrant l’amour. Il écrit « là ou la muse est ». Dans un visage de femme, ou dans l’oppression des jours. Dans les marges des cendres ou dans le plissement des corps chauds. Partout s’entend que l’on est l’oreille collée contre un ventre ou la terre le mal du monde souffrant, au loin et au près.

« Qui ne hurle pas, consent » écrit-il contre la dépossession du monde.

Et là son œil de photographe irrigue le concret de ses paroles. Le double « je » se résout alors.

Le combat avec la lumière

L’ombre coulée de mon poème

est une lame qui blesse la lumière.

Ce combat avec la lumière se poursuit dans les mots. Les mots sont devenus des armes.

Aribaud croit au poème.

« Et si le poème, tout simplement, existait dans la nature profonde de l’homme, enfoui, masqué par le raisonnable, le complexe et le commerce, éparpillé, désarticulé, mais là, comme sont présentes dans le grand cosmos les molécules de la vie, attendant qu’une foudre, une énergie de hasard les assemble ? C’est mon idée ; incomplète, maladroite, fausse peut-être, mais je veux y croire... Oui, je veux croire que la langue poétique fut la langue originelle qui précéda celle du commerce, qui nomma les choses pour elles-mêmes, par plaisir, sans la profanation de l’utilitaire, par respect de l’univers infini et de ses mystères.

... Le poème, j’en suis intimement persuadé, est le compagnon de route de la pulsion, du violent désir d’accouplement avec l’univers; mais en disant cette énergie brutale, en la déplaçant vers la part visible du monde, il la civilise, il l’offre en partage à la communauté. Il est créateur d’altérité, en cela, il s’oppose au « tout est à vendre »..., à cet autre pulsionnel dont se nourrit le grand marché. »

Aribaud tente d’écrire au plus haut du cri, au plus serré des images, au plus nu des mains.

Il semble ne pas vouloir se laisser emporter par « le grand feu de l’écriture », mais aller au plus profond du ciel et des humains, « la main tendue vers l’orage. »

Il s’avance dans les mots, dans sa langue maternelle : « La peur au cœur de la langue faisant avec la beauté le lit de mort de la vérité »

Jamais il ne fuit se voulant toujours « digne de sa lumière ».

Ainsi devrait trembler tout poète.

De cette peur inhérente à tout voyage il a appris à tendre la main aux autres voyageurs et il est aussi devenu passeur en tant qu’éditeur.

Mais nous parlerons du poète, avec ses oiseaux de mots sur l’épaule.

Aribaud dépose ses poèmes, à nous d’en ouvrir les portes. Avec lui la poésie devient « l’alibi le plus proche de la vérité »

Gil Pressnitzer

Choix de textes

ELLE (CHAIR À CHAIR)

Elle entoure le plissement des draps de gestes purs,

transforme l’herbe posthume de l’enfance

en broussailles impraticables:

et si j’étais le détour obligatoire,

l’alibi le plus proche de la vérité

elle dit,

et nostalgiquement resserre ses ailes bleues

et se penche sur le feu froid au pied du lit

et offre sa poitrine nue à la prochaine effeuillaison

et ramène ses jambes dans l’hiver de la préhistoire où gèlent nos ancêtres

et s’empare de la dernière mythologie disponible

entre les moustaches du chat

et occupe ma main tremblante

avec son berceau humide

comme on distrait un enfant

et miraculeusement dans le noir absolu

coud mes lèvres

qui cherchent des causes,

des réponses insensées.

(Les marges de cendres)

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ELLE, EN MOI

Je la revois dans les ravages du silence,

à cheval sur le miroir,

le remue-ménage des doigts dans la chaleur,

exaltant quelques passages de feu,

convaincue d’un seuil égoïste

où l’œil apercevrait la fêlure des temps.

Je la revois avec sa question inexprimable,

son traité de douleurs folles,

à chaque foulée de sexe,

plus dense de tous les secrets tus, s’orientant vers le lieu exact

où il fallait mourir.

(Les marges de cendre)

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Je me souviens de ce temps, enfant, quand les mots manquaient aux choses, lorsque les bruissements de syllabes n’avaient pas encore fait pour moi leur travail de recouvrement, n’avaient pas encore su nommer ce qui au fond, dans l’abîme intérieur, essayait de briller... Le point zéro de l’illumination fut une nuit du mois d’août, sur une minuscule route de la Montagne Noire. Nous étions une vingtaine d’enfants et trois moniteurs que la Voie lactée guidait vers ce théâtre du ciel où le soleil allait se donner en spectacle...

Comment dire l’ambiguïté de ce bonheur innommable? Ce creusement vertigineux que la nuit, les odeurs de pignes et de fougères installèrent en moi comme un double insaisissable avec lequel - je le pressentais déjà - j’allais devoir dialoguer et composer. Mais composer quoi et comment? Je découvris, cette nuit-là, la partie occulte de l’ivresse que procure l’expérience du réel absolu: la grande solitude, ce désert où manque le poème qui seul peut approcher l’indicible et, parfois, le faire partager. J’étais heureux, mais triste de tant de bonheur solitaire; et ce vide qui était aussi un trop-plein me nouait la gorge et m’étouffait. Je voulais offrir, mais j’ignorais le geste de donner.

Quelques années plus tard, alors que l’adolescence jouait déjà sa petite musique mélancolique, je fus touché de plein fouet... Mais à mon grand étonnement, la salve de mots qui m’atteignit referma la blessure enfantine. Un autre que moi avait vu une nuit identique à la mienne, et des ombres et des étoiles semblables l’avaient creusé, soulevé de terre, et il le disait et son dire me touchait précisément où gisait mon souvenir intime, me faisait trembler avec la même intensité que l’expérience initiale:...

Que ma joie demeure. Jean Giono. Des milliers de fois je me répétais cette merveilleuse petite phrase pour retrouver intacte la sensation originelle, pour bâtir patiemment une arche entre ma propre ténèbre et les autres, ceux avec qui le partage devenait enfin possible. Des portes de secours étaient désormais ouvertes. Le monde et les choses pouvaient me traverser, déposer en moi ce qui leur plaisait. Mais j’allais aussi être du voyage: des chemins inconnus attendaient mes pas de convalescent... mes semelles, aurait dit le premier voyageur que je rencontrais: Rimbaud Arthur, celui d’une autre nuit, sans fond, celle-là, bien plus vaste que la mienne et piquée « d’archipels sidéraux,... », que je n’avais su voir.

L’avertissement fut sévère: ainsi donc, la route était dangereuse et l’on pouvait périr d’avoir trop vu. Je le reconnais: j’hésitais, je faillis même renoncer... « Et si le poème n’était rien d’autre que l’expérience du néant, de l’anéantissement? Et perdue d’avance pour le voyageur aux yeux brûlés qui désire coûte que coûte la mener à son terme? »

Tant pis, pensais-je: le « je » en vaut peut-être... Et l’autre dans mon arène intérieure, insaisissable, maître du jeu, tapait du pied et réclamait son do. Il était né du vide, de l’écorchure, de ce coup de couteau mortel que lui avait donné le grand réel: il lui fallait son pain azyme, son poème quotidien. Ainsi était-il.

Je poursuivais ma route, tortueuse et pleine d’embûches: qui donc à ma place décida de mon avenir ? Ainsi, on m’imposa une section scientifique, chimie physique, et dès lors, je fus condamné à être, en poésie, un autodidacte. Aucun de mes professeurs ne croyait à la pierre philosophale, et celui qui m’avait fait découvrir l’homme de Manosque continuait son chemin, offrant simultanément remède et poison aux écorchés vifs, aux tailladés de l’âme.

À moi, dès lors, l’histoire de l’une de mes errances ! Le destin m’ayant greffé des ailes de papillon, je fus obligé d’en adopter le vol aléatoire. J’allais de lumière en lumière, de soleil en soleil...

Tous ceux m’ont fait, comme une mère et le souffle de la vie peuvent faire: je leur dois en grande partie ce que je suis, c’est-à-dire quelqu’un qui, «petitement certes modérément à contresens », comme dirai Jacques Roubaud, cherche, fouille, prend, donne, travaille la langue et accepte aussi, humblement, d’être travaillé par elle.

Postface de Jean-Luc Aribaud à « Brûlure sur la joue », prix Max-Pol Fouchet.

Je ne reconnais plus cette branche tachée de neige,

ni ce piétinement d’éternel,

là-bas, au bord de la falaise.

La voix a cessé de couler

contre la rondeur du fruit,

les petits cailloux de l’éther et de la sagesse

ont rendu leur naissance

à l’immensité opaque de l’hiver.

Et jusqu’à l’arrière-saison du cœur,

il y a aussi ce cri répété sans écho,

ce point sanglant d’extinction

par quoi se sont givrées le temps d’une éclipse

toutes les étamines de l’espoir.

Mais nous devons cheminer tout de même

comme ces aveugles patients,

comme ces bergers vertueux

par-dessus les cimes enragées.

Nous devons aller ainsi

jusqu’à cette aube d’un autre signe

où nos doigts engourdis

sentiront le frémissement de braise

d’une nouvelle langue.

(Instants de rien)

Avant que ne s’interrompe ce mouvement d’absurdité,

avant que la buée ne piège le dernier flocon de voix,

nous avons désir de laisser au monde

mille souvenirs, mille instants

qui furent ceux de nos lèvres amoureuses,

ceux de nos grandes colères aussi.

Forêts, collines, prairies et mers,

vous êtes notre testament,

notre pierre de gravure,

le dernier couloir d’orage

où se règlent les comptes du réel et de ses reflets.

Mais déjà monte une nuit et avec elle un silence

qui semble faire du monde entier

un grain de sable blanc et nu,

prêt à se déployer comme une aile fragile

vers un mystère qui ne cesse de s’épaissir.

(Instants de rien)

Ce que je dépose à bout de souffle

sur la toile endimanchée du soleil :

l’arôme d’un baiser, un jeu de quilles,

un peu de ce temps cavalier

qui traverse nos bouches

en oubliant de nous aimer...

Que faire de mieux - de plus-

lorsque dans le grand feu de l’écriture

hurle en jour à l’anatomie banale ?

Illusion. Image matrice des mensonges :

l’ombre coulée de mon poème

est une lame qui blesse la lumière.

(Une brûlure sur la joue)

Nous sommes cet éphémère,

cette neige nocturne tendue

entre l’inconnaissable du ciel

et la terre des morts.

Le feu. Nous cherchons le feu

lorsque l’eau seule conviendrait à nos nervures!

Et toute cette blancheur vue

à la lampe de notre orgueil,

sans joie, sans leçon préalable de ténèbres,

est un mal qui nous pousse au désert.

Quel renoncement! Quelle faiblesse dans ce combat d’être

de là, d’ici, de cette suite de petits éternels

entre l’indéchiffrable de l’herbe

et la nuée sans cesse recommencée.

Nous sommes. Nous le croyons:

double flamme qui nous sauve et nous fourvoie.

(Une brûlure sur la joue)

Il a suffi d’un acquiescement du jour

et la lumière du soir a crié un visage.

J’ignorais depuis toujours

comment extraire ces traits de ce venin d’ondes fixes,

de ces couleurs froissées que distribue la vie.

Je n’ai rien entrepris, rien tenté

sinon l’attente et l’oubli de ce rêve,

lorsque des mains enfantines effleuraient en jouant

l’autre moitié du monde.

Il a suffi d’un écart dans la trame des vieux murs,

d’un hiatus dans l’ordre des poussières

pour que le nu et le silence enfantent une figure

où nichent l’oiseau sage et le secret de son vol.

Je n’ai rien demandé, rien mérité,

je mange ce feu de lèvres et d’yeux

comme une caverne profonde

dévore les flammes et les ombres qui les commandent.

Une aube viendra, que je sais pleine d’effacements ordinaire

de paroles, de visages sans origines :

voyez et touchez cette brûlure sur ma joue.

(Une brûlure sur la joue)

XVI

Dans l’âme de quelques-uns l’automne distribuera encore son or, son ressentiment aussi

de n’être plus tenu par le chant d’amour de la parole.

Lequel d’entre eux saura dire l’épouvante de cette rupture,

de cet espace sans mesure où la nuit rude

viendra incinérer ce qu’elle a d’inachèvement, de fuite possible, de vertigineuse promesse?

Ils essaieront pourtant des géométries nouvelles, des lâchés de particules

pour rétablir le sens et la clarté.

Ils essayeront mais vaines seront

leurs ponctuations d’abîmes,

leurs voix en suspension.

Affolés devant l’énergie pure du réel,

leur souvenance abstraite bannira le rite des couleurs.

XVII

Une moitié des fleuves s’assombrira.

La part intacte épaissira leurs songes.

Ils engageront des sentinelles pour conserver ce qu’il leur reste de chimères,

d’années-cadrans les yeux contre la vitre froide.

Celles-là tireront à vue

sur leurs anciennes nuits de mai,

sur le peu d’arbres cachés sous les manteaux.

La blessure une fois apaisée,

ils régaleront leurs veilles inquiètes, de villes dépossédées:

New York, Paris, Londres, Berlin, blanches comme des mortes...

Sous l’idiome versatile des enseignes, leurs mues embarrassées de signes.

(Prophéties)

Paysages

Tu marches sur le flanc même du monde minuscule.

Fumée de rien, poussière de douleur

que tes mains disposent comme une calligraphie ancienne...

Au-devant de toi,

les épineux délimitent le pays de ta faim.

Voici l’étendue,

tapissée de grimaces et de visages recousus.

Nulle foudre, nul givre ne sauront te débusquer.

Ta terre est bien celle-ci,

brodée d’arbres à énigmes, inexplicable par les siècles de feu.

Des fleurs de miel ensemencent tes lèvres : ceci n’est encore qu’un projet

par-dessus la faille des nuits.

Mais si tu persistes,

les morts finiront par se taire.

Avance simplement dans la forêt obscure des flocons. Que les rues comme une toile tissée

portent chacun de tes pas

jusqu’au petit cercle bénit de la place.

Oh ! Dimanche de sel,

d’allumettes tristement frottées, dimanche de rien.

Comme jadis, tes mains gelées façonnent des houles d’aventures.

Oh ! Étendre, étendre encore le filin des doigts jusqu’aux cordes archangéliques du manège. Et que l’Indien de plume et de métal

t’offre enfin sa belle recette d’immortalité !

Te découvrira-t-on ainsi, pétrifié dans ton propre cri ?

L’horizon n’est plus pour toi qu’une nouvelle version du temps.

Tout commence ici,

dans le hublot parfait de la déraison.

C’est à l’arrière de tes yeux que se disciplinent les couleurs,

que s’agence l’espace entre deux arbres, entre deux fièvres.

Sur cette terre de rocs et de vignes persiste l’arche de tes empreintes.

Ne te retourne point.

Un seul regard jeté vers ce froid d’où tu viens et c’est une moitié de toi que la nuit

avalerait.

Puisque la cime désigne

le vœu prodigieux de l’éclaircie tu voleras jusque-là:

où la main intègre la meute des désirs, où l’œil n’est plus qu’un passe inutile dans la serrure flamboyante du vide.

Tu viens te blottir

contre la vague retenue des mots, la nuque rase, la gorge roide, comme s’il existait un or salutaire dans toute cette parade atomisée du gris et du chaos.

L’aube - tu le sais bien -

est apte à déloger tes manières de fou...

Écoute, regarde: la lumière s’apprête à te plonger dans le noir.

Bibliographie

POÉSIE

Dans les marges de cendres, avec Philippe Dours, N&B.

Les Mondes illimités, L’Arrière-Pays.

Celle qui attend, Filigranes.

Instants de rien, L’Arrière-Pays.

Une brûlure sur la joue, Le Castor Astral

Les langues noires, A éditions

Ecrire où la muse est, ouvrage collectif, N&B

POUR LES ENFANTS

La Nuit de la dernière lune, sur des illustrations de Bruno Richard, Zorba.

PHOTOGRAPHIE

Lisbonne, aux éditions du Château d’eau/AFAA.

La Garonne en Pays toulousain, ouvrage collectif, La Part des Anges.

Mes mains du bout de moi, sur des poèmes de Philippe Berthaut, Les Imaginayres.

D’une écluse l’autre, ouvrage collectif, N&B.

Forêtstyle, ouvrage collectif, N&B