Nelly Sachs

Les lèvres et les paroles contre les pierres et la fumée

Les métamorphoses du monde me tiennent lieu de pays natal. (Nelly Sachs)

Étrange, étrange destin que celui qui fit de cette fille de famille bourgeoise juive allemande assimilée, le seul prix Nobel de littérature jamais attribué à un poète juif encore à ce jour.

Nelly Sachs, prix Nobel de littérature le 10 décembre 1966, conjointement avec Samuel Joseph Agnon, sera allée tout près des mystères de la mort, mais comme Paul Celan, elle aura osé ne pas se taire. Elle est morte le jour de l’enterrement de Paul Celan, de fatigue de vivre et de survivre. Tous deux étaient les deux grands poètes juifs de langue allemande, ceux qui témoignèrent dans la langue des bourreaux. Comme lui, elle aura connu une existence d’après le déluge et comme lui, elle ne pourra jamais combler la béance du désastre. Si on peut survivre à l’horreur, on ne peut survivre à sa mémoire.

De la petite fille rangée à la poétesse du désastre

La petite fille rangée bien au chaud dans sa famille juive berlinoise savait-elle qu’elle serait la mère douloureuse du peuple juif parti en fumée ? Savait-on que sans Sema Lagerlöf, une des grandes œuvres poétiques de notre temps n’aurait pas été transmise ?

Rien ne la prédisposait à ce cela, elle insouciante et heureuse dans une vie soyeuse et douce.

Née à Berlin le 10 décembre 1891, elle devra à son père grand amateur de littérature et de musique le fait d’être baigné dans les livres. De santé fragile, elle fréquentera surtout des écoles privées, ainsi à l’écart des autres.

Elle écrivait aimablement, ne savait du judaïsme que ce que son milieu bourgeois et assimilé voulait bien en savoir. De toute façon on n’était pas comme ses juifs pauvres et incultes de l’Europe Centrale, rien ne pouvait nous arriver tant les valeurs européennes étaient les nôtres. Cela ne pouvait être.

Le ciel ne pouvait pas tomber sur la tête d’aussi bons citoyens allemands. Mais l’histoire déroulait ses anneaux de serpent.

Dès 16 ans en 1907, elle écrivait donc et s’était liée d’amitié épistolaire avec Selma Lagerlöf, après la révélation du roman « La saga de Gösta Berling », l’année précédente. L’écrivain suédoise rendue mondialement célèbre par « les merveilleux voyages de Niels Olgerson » va se lier avec cette jeune fille romantique et exaltée.

Dans la vie de Nelly Sachs se trouve aussi une zone obscure qui sera celle de son amour pour le « fiancé défunt » qui la marquera à jamais.

Son premier véritable livre fut en 1921, à trente ans, un recueil « Récits et légendes », ses nombreux poèmes circulent dans les milieux littéraires allemands. Imprégnée de courant idéaliste, de Novalis, et de mysticisme latent, sa poésie était en attente d’une véritable cause, d’un objet digne de ses élans. La mort de son père en 1930 la laisse enclose dans l’amour de sa mère.

Puis vint la nuit nazie, ses lois antisémites, la persécution. De 1933 à 1939 elle se plonge par force et solidarité dans le monde juif. Ses écrits ne pouvant paraître que dans les revues juives, elle découvre le monde de ses coreligionnaires. Puis dès 1939 l’étau de la mort se resserre.

Elle doit se terrer à Berlin, dans sa propre ville natale. Pendant trois ans cette jeune fille choyée va connaître la peur, la nuit aux aguets. Cette mort qui rôde quotidiennement, elle apprend à la connaître, à la reconnaître. Comme une grande partie des juifs allemands, elle n’avait pas vu survenir, depuis 1933, la montée des périls. Prise dans la certitude de son assimilation réussie, elle ne se considérait sans doute pas comme une représentante de ce peuple dont elle ignorait la culture. Les humiliations quotidiennes, les douleurs, la souffrance, la haine aussi qui monte devant l’indifférence « des spectateurs », ses amis chrétiens, ses voisins, vont transformer son être et sa vie.

Elle ne doit sa vie qu’à l’amitié de Selma Lagerlöf et peut s’enfuir en Suède de justesse le 16 mai 1940 par avion, alors que les lourdes portes de fer de l’Allemagne se referment sur les juifs. Son exil durera toute sa vie, car elle demeurera toujours à Stockholm refusant de vivre en Allemagne.

« Je n’ai pas de pays, écrivait-elle, et, au fond, pas non plus de langue. Rien que cette ardeur du cœur qui veut franchir toutes les frontières ».

Dans ce chemin de l’exil dès 1940 avec sa mère, elle retrouve l’histoire de son peuple.

D’abord enfermée dans le silence, elle commence à reconquérir quelques paroles par l’étude de la Bible.

La Bible hébraïque traduite par Martin Buber en allemand, l’a totalement saisie. Alors elle s’imprègne des livres saints, Torah, Zohar, écrits des Hassidim (les sages). La langue de feu des prophètes et des patriarches l’a saisie et elle refait sa route vers le peuple d’Israël. Elle quitte alors les influences chrétiennes présentes dans ses premiers écrits.

Son écriture change totalement et elle donne une voix aux malheurs des juifs. Par solidarité, par redécouverte d’une culture enfouie, banalisée dans l’assimilation, elle devient celle qui crie vengeance et souvenir face à la haine et l’anéantissement. Exode et métamorphose, comme le dit le titre de ses poèmes parus chez Verdier. Métamorphosée, elle peut à nouveau écrire, la nuit exclusivement, et témoigner dès 1943.

Autant que l’histoire tragique d’un peuple, passe en filigrane l’ombre d’un homme, son fiancé, mort en camp de concentration, et dont jamais nous ne connaîtrons le nom.

Elle va vivre de traductions de poésie suédoise en allemand. Mais elle écrit fiévreusement de 1943 à 1945 ses premiers témoignages sur les mystères et les douleurs du peuple d’Israël. Elle est une autre, elle a une nouvelle langue poétique, elle a une voix en elle, une voix à suivre : parler pour les morts et les survivants. Parler pour son être cher. Parler pour son peuple. Ce n’est plus l’exil qui est dit, mais les drames de la Shoah. Et la nuit elle écrira.

« Éclipse d’étoile », son autre grand recueil est de 1949. Elle approfondit sa connaissance du judaïsme et des philosophes juifs.

Elle ne quittera plus la Suède où elle mourra le 12 mai 1970, grabataire, au bout d’elle-même. Sa poésie commence à se répandre dès 1950, ses drames religieux aussi. Son recueil « Dans les demeures de la mort » est rassemblé en 1946. C’est le véritable début de son œuvre et les bluettes de sa jeunesse sont reniées. Dès 1954 mais surtout à partir de 1957, elle se lie par correspondance avec son frère d’âme, Paul Celan : « Vous lisez mes choses, ainsi ai-je une terre ». Pourtant ils n’ont voulu se voir que deux fois en 1960, dans une auberge et sur un quai de gare.

La mort de sa mère en 1949, ses nombreux troubles dépressifs la conduisent à un nouvel exode intérieur dont elle ne peut sortir qu’en s’enfonçant encore plus profondément dans le mysticisme juif. Sa seule patrie reconnue sera celle-là.

Elle se considérera « lapidée par la nuit », et voudra chercher en convoquant toute la mémoire d’un peuple à comprendre le sens de la destinée, sur le devoir absolu de fidélité aux morts, sur le droit même de pouvoir parler en leur nom, rompant le silence de la mort comme on brise du pain à partager.

Les lèvres contre la pierre de la prière

toute ma vie j’embrasserai la mort,

jusqu’à ce que le chant de la semence d’or

brise le roc de la séparation.

La poésie comme un vol d’oiseaux

Son écriture est fragile comme une aile de papillon, car transparente, si légère que ses mots semblent fumée, sans véritable incarnation dans le langage. Ses poèmes sont des vols d’oiseaux qui passent. Tout est intérieur, parfois obscur à notre entendement car cela vient de l’au-delà des âges. Pure, si pure sa poésie, elle coule à la surface du monde, elle passe au travers de nos doigts et va se réfugier dans nos consciences. La poésie de Nelly Sachs est désincarnée et pourtant elle implose en nous. Comme l’air et la lumière si souvent présents avec la poussière dans ses poèmes, ses paroles viennent à nous.

Ces textes les plus immédiatement émotionnels sont ceux qui sont faits en mémoire des victimes du nazisme.

Certes elle n’atteint pas à la grandeur sacrée de Paul Celan, son ami, mais qui peut y prétendre ?

Elle fait elle une très grande place à la Kabbale. Le livre fondateur, le Zohar, livre des splendeurs l’accompagne à toutes les phases cruciales de sa vie. Elle revient au judaïsme dans les années suivant la montée du nazisme sous cette influence.

Quand elle sombre dans ses profonds états dépressifs, surtout en 1949 après la mort de sa mère toujours alors à ses côtés, la Kabbale la console encore.

Elle séjournera à plusieurs reprises en hôpital psychiatrique, en 1962 et surtout vers la fin de sa vie et à chaque fois c’est la lecture de la Bible et plus encore du Zohar et des récits hassidiques qui peut l’aider à continuer à lutter et à vivre.

Les clés essentielles de son œuvre sont à trouver au travers de la tradition juive.

Tout est salut dans le secret

et vit de souvenir

et la mort frémit d’oubli

La poésie de Nelly Sachs a deux niveaux : celui immédiat du lecteur pris par l’émotion, celui plus profond qui au fait de la tradition juive, comprend comment dans le travail des mots de Nelly Sachs a prolongé dans le présent tout l’exil d’un peuple.

Les mystères de sa poésie sont déduits des interprétations des commentaires hassidiques. Sable, poussière, lumière, langage, pouvoir des mots et des lettres, résurrection, constellations, irriguent ses vers.

Son approche de la tradition juive se fait, comme pour beaucoup de juifs de langue allemande (Rose Ausländer), au travers des récits hassidiques de Martin Buber et de sa traduction de la Bible, des écrits de Rozenzweig (traduction d’Isaïe), et de la présentation de la gnose juive par Gershom Sholem.

C’est par ce mélange de légendes édifiantes et de révélations des mystères que porte chaque mot, chaque voyelle, que Nelly Sachs bâtie sa conscience juive, fort éloignée des textes plus arides comme le Talmud ou autres.

Nelly Sachs, avec le sentiment de culpabilité des survivants, va écrire pour ses frères et ses sœurs exterminés. Elle empruntera à la bible ses figures archétypiques (Daniel, Moïse, prophètes et patriarches, …) qui lui serviront de boucliers et d’armes spirituelles. Sa langue va épouser un rythme propre, ses mots seront « d’une énigmatique pureté » désormais. Elle a fait sienne la pensée religieuse ; la connaissance profonde de Dieu réside dans la lumière et dans le verbe.

En plus de cette culture retrouvée Nelly Sachs découvrit une nouvelle façon d’écrire en allemand, une nouvelle oralité de la langue par la structure hébraïque plaquée sur l’allemand. Ce buisson ardent d’une langue si proche des origines va la brûler à jamais. Elle écrit des psaumes de la nuit qui ont une illumination prophétique.

La parole est dite, clamée, prophétique, allant vers l’autre. La poésie de Nelly Sachs est un questionnement. La poésie de Nelly Sachs est un souffle.

Là où le silence parle

naissance et mort surviennent

et les éléments se mêlent d’un autre mélange.

Sa double démarche de quête mystique et d’amitié épistolaire très longue avec Paul Celan jalonnent son parcours. Paul Celan l’admirait mais ne pouvait souscrire à sa religiosité, car pour lui Dieu était mort à Auschwitz. Qu’importe leur chemin parallèle fut beau.

En 1962 sa poésie s’infléchit profondément dans la mystique et le mystère avec son travail sur son recueil de toute la fin d e sa vie « Ardentes énigmes » ou « Énigmes de feu ».

Elle se tend dans sa poésie vers une poésie cosmique, une religiosité cosmique également.

je t’écris…

Tu es revenu au monde

grâce au pouvoir magique des lettres

qui à tâtons à toucher ton être

la lumière paraît

et le bout de tes doigts irradie dans la nuit

image d’étoile à la naissance

des ténèbres comme ces lignes –

Une poésie contre la poussière

Contre la poussière, matière blême, Nelly Sachs oppose le divin de la lumière et donc l’univers des mots qu’il ne faut pas détruire avec la haine.

Ses derniers textes sont empreints d’ésotérisme, ils deviennent fermés sur eux-mêmes, ramassés et obscurs. Au bout de sa route Nelly Sachs s’approchait de l’autre côté de la porte, et ne pouvait en dire les mystères que sous forme cryptée. Sa foi en l’avenir lui vient de ses méditations qui se déplient progressivement dans sa vie.

Ardentes énigmes et déjà ce précepte :

« Mystère à la frontière de la mort. Mets le doigt sur ta bouche : plus un mot, plus un mot ».

Les lettres de feu devenaient un pouvoir magique comme l’enseigne la Kabbale et Nelly Sachs allait vers cette obscure lumière. La mort n’était pas la mort mais la métamorphose.

« Je te l’écris, tu es revenu en ce monde grâce à la force des lettres magiques ».

Cela ne pouvait être la disparition dans le néant, mais une autre vie pour elle. Elle attend l’avenir, l’au-delà. Elle vit dans la résurrection, cette résurrection est sa poésie :

et bientôt on te retrouvera dans le sable

et tu seras l’hôte attendu qui vole vers les astres

et tu seras consumé dans le feu des retrouvailles

silencieusement…silencieusement

Elle croit aussi en l’État d’Israël qu’elle veut terre de justice :

« Terre d’Israël/maintenant que ton peuple/s’en revient des quatre coins du monde/pour écrire à nouveau les Psaumes de David dans ton sable/et au soir de sa moisson chanter/la parole d’accomplissement des veillées célébrantes/peut-être une nouvelle Ruth est-elle déjà là/en pauvreté tenant sa cueillette/au partage des chemins de sa migration ».

On a dit justement que pour Nelly Sachs, « Israël n’est pas qu’un pays : l’histoire juive se fait à toute heure et les prophètes sont aussi présents que la pluie ou le vent ».

La mort, obstinément présente dans son œuvre, n’arrête pas la vie qui doit être « ce voyage dans la contrée sans poussière ». « Dans la mort encore est célébrée la vie » est le titre d’un de ses recueils, ce titre dit sa pensée.

Nelly Sachs meurt le 12 mai 1970, le jour même de l’enterrement de Paul Celan qui venait de se suicider et dont on venait enfin de retrouver le corps.

Elle aura finalement capitulé devant le poids de la mémoire et de la douleur.

« J’attends dans un état de grâce le jour nouveau… »

Nelly Sachs allume des brasiers d’énigmes, la raison ayant failli et par tout un réseau de symboles elle crée une nouvelle cosmogonie de son peuple.

Ses prophéties, ses berceuses, ses messages d’ailleurs, sont sa poésie. Elle vole au-dessus du chaos du monde, une part dans la nuit, une part dans la lumière du firmament.

Les lèvres contre la pierre de la prière

toute ma vie j’embrasserai la mort

jusqu’à ce que le chant de la semence d’or

brise le roc de la séparation

Nelly Sachs sera ce chant.

« Deine Angst ist ins Leuchten geraten »- Ton angoisse est devenue lumière »

Gil Pressnitzer

Choix de textes

POÈMES DE NELLY SACHS (traductions personnelles)

« Il est des pierres qui sont comme des âmes » Rabbi Nachman »

À vous qui bâtissez la nouvelle maison

Quand toi, tu dresseras à nouveau tes murs -

Ton foyer, ta couche, et la table et la chaise -

Ne pends pas tes larmes, celles pour ceux qui sont partis,

Ceux qui n’habiteront plus avec toi,

Ni à la pierre

Ni au bois -

Sinon il pleurera dans ton sommeil,

Si court mais que tu dois encore accomplir. Ne soupire pas, quand tu fais ton lit

Sinon tes rêves se mêleraient

À la sueur des morts.

Ah, les murs et les objets quotidiens

Sont sensibles comme des harpes de vent

Et comme un champ où pousse la douleur

Et ils ressentent en toi ton alliance avec la poussière.

Construis, quand le sablier ruisselle

Mais ne pleure pas les minutes

Parties ensemble avec la poussière

Qui recouvre toute lumière

(Dans les demeures de la mort)

Ô les cheminées

Ô les cheminées

Sur les demeures de la mort si bien imaginées,

Quand le corps d’Israël monta dissous en fumée au travers de la fumée -

Comme une étoile qui devint noire

Le reçut le ramoneur

À moins que ce fût comme un rayon de soleil ?

Ô les cheminées !

Chemins de liberté pour la poussière de Jérémie et de Job -

Qui donc pour vous le conçut et le bâtit pierre à pierre

Ce chemin pour les fugitifs de fumée ?

Ô les demeures de la mort,

Si bien arrangées

Pour le maître de logis, qui sinon aurait été l’invité

Ô vous doigts

Gisants au seuil de l’entrée

Comme un couteau entre la vie et la mort -

Ô les cheminées

Ô vous les doigts,

Et le corps d’Israël en fumée monte en fumée !

(Dans les demeures de la mort)

Mais qui donc

Mais qui donc vida le sable de vos chaussures

Quand on vous força à vous lever pour mourir ?

Ce sable, qu’Israël était allé chercher,

Son sable d’errance ?

Sable brûlant du Sinaï,

Mélangé aux gorges des rossignols,

Mélangé aux ailes des papillons,

Mélangé à la poussière de nostalgie des serpents,

Mélangé à tout se détacha de la sagesse de Salomon,

Mélangé à l’amertume du secret de l’absinthe -

Ô vous doigts,

Vous qui avez vidé le sable des chaussures des morts,

Dès demain votre poussière sera dans les chaussures des hommes à venir !

(Dans les demeures de la mort)

Un enfant mort parle

Ma mère me tenait par la main,

Alors quelqu’un leva le couteau des adieux

La mère glissa sa main hors de la mienne

Afin que cela ne me touchât pas.

Mais très doucement elle effleura encore une fois ma hanche

Et là sa main saigna -

Depuis lors le couteau des adieux coupa

En deux la bouchée dans la gorge -

Il se dressa dans l’aube avec le soleil

Et commença à s’aiguiser dans mes yeux -

À mes oreilles percèrent et vents et eaux,

Et chaque voix de consolation me poignarda le cœur -

Lorsqu’on me conduisit à la mort

Au dernier instant je sentis encore

L’arrachement du couteau des adieux.

(Dans les demeures de la mort)

Vous les spectateurs

Sous les regards desquels l’on tuait.

Comme l’on sent un regard derrière soi

Vous sentez dans votre corps

Le regard des morts.

Combien d’yeux brisés vous dévisageront

Quand pour cueillir une violette vous sortirez de vos cachettes

Combien de mains implorantes et dressées

Dans les branches martyrisées

Des vieux chênes abattus ?

Combien de souvenirs poussent dans le sang

Du soleil couchant ?

Ô les berceuses qui n’ont pas été chantées

Dans le cri nocturne de la tourterelle -

Plus d’un aurait pu décrocher des étoiles

Et maintenant c’est la vielle fontaine qui doit le faire

À sa place

Vous les spectateurs

Qui n’avez pas levé de main de meurtrière

Mais qui ne ferez pas retomber de votre nostalgie

La poussière

Vous qui restez debout, là,

où elle s’est changée en lumière Quatre jours quatre nuits

Un cercueil fut ton refuge

Un restant de vie respirait - expirait -

Pour retarder la mort -

Entre quatre planches

Était étendue la souffrance du monde -

Dehors grandissait la minute pleine de fleurs

Dans le ciel jouaient les nuages

(Dans les demeures de la mort)

Obscur chuchotement du vent

Dans les moissons

La victime est préparée à la souffrance

Les racines sont silencieuses

Mais les épis

Connaissent beaucoup de langues maternelles -

Et le sel de la mer

Pleure dans le lointain

La pierre est une existence de feu

Et les éléments arrachent leurs chaînes

Pour s’unifier

Quand des nuages l’écriture des esprits

S’en vont prendre les figures d’origine

Secret aux frontières de la mort

« Pose le doigt sur ta bouche :

se taire se taire se taire »

(Dans les demeures de la mort)

tu te souviens

Tu te souviens de la trace de pas, qui s’est remplie de mort

À l’approche de celui qui brandit la hache

Tu te souviens des lèvres suppliantes de l’enfant

Quand il lui fallut apprendre la séparation de sa mère

Tu te souviens des mains de la mère qui creusèrent une tombe

Pour cette chose affamée à sa poitrine

Tu te souviens des paroles perdues par les esprits

Qu’une fiancée lança en l’air à son fiancé mort

(Dans les demeures de la mort)

Déjà ses bras autour

Déjà ses bras autour l’enlaçant de la consolation du ciel

La mère folle se tient debout

Avec les morceaux déchirés de sa raison déchirée

Avec la mèche de sa raison calcinée

Elle met en terre son enfant mort

Elle met en terre sa lumière perdue

Incurvant ses mains comme une jarre

pour l’emplir de l’air du corps de son enfant

pour l’emplir de l’air de ses yeux, de ses cheveux

et son cœur qui flotte -

puis alors elle embrasse l’être né de l air

et meurt !

(Dans les demeures de la mort)

il fut un

il fut un

qui souffla dans le shofar -

jeta sa tête vers l’arrière,

comme le font les chevreuils, comme les cerfs

avant de boire à la source.

Souffle :

Tekia

s’en va la mort dans un soupir -

shevarim

la semence du blé tombe -

Terua

l’air parle d’une lumière !

la terre tournoie et les astres tournoient

dans le shofar,

celui-ci souffle -

et autour du shofar brûle le temple -

et celui-ci souffle -

et autour du shofar se renverse le temple -

et celui-ci souffle -

et autour du shofar se repose la cendre -

et celui-ci souffle -

(Dans les demeures de la mort)

depuis longtemps

depuis longtemps sont tombées les ombres

maintenant on a oublié

ces coups silencieux du temps

qui emplissent la mort –

feuilles tombées de l’arbre de vie –

sont tombées les ombres de l’horrible

au travers du cristal des rêves,

illuminé par la lumière prophétique de Daniel.

Une forêt noire a poussé autour pour étouffer Israël

Chanteuse de minuit de Dieu

elle a disparu dans l’obscurité

devenue anonyme.

Ô vous rossignols par toutes les forêts du monde !

héritiers de plumes du peuple mort

poteaux indicateurs des cœurs brisés,

vous qui au jour vous remplissez de larmes,

vomissez, vomissez

cet horrible silence de la gorge devant la mort.

(dans les demeures de la mort)

Tu te souviens (version 2)

tu te souviens de la trace de pas, que la mort a emplie

à l’approche du persécuteur.

Tu te souviens des lèvres tremblantes de l’enfant

quand il dut apprendre l’adieu de sa mère.

Tu te souviens des mains de la mère, qui creusèrent une tombe

pour cette chose morte de faim contre sa poitrine.

tu te souviens des paroles devenues démentes,

qu’une fiancée lança dans l’air vers son fiancé mort.

(Dans les demeures de la mort)

Chœur des sauvés

Nous les sauvés

dans les os creux desquels la mort déjà tailla ses flûtes,

sur les tendons desquels la mort déjà frotta son archet,

nos corps se lamentent encore

avec leur musique mutilée.

Nous les sauvés,

toujours pendent les cordes dressées pour nos cous

devant nous dans l’air bleu -

toujours se remplissent les sabliers de notre sang qui s’écoule.

nous les sauvés,

toujours nous mangent les vers de la peur.

Notre constellation est enterrée dans la poussière.

Nous les sauvés

nous vous prions :

montrez-nous lentement votre soleil.

Conduisez-nous pas à pas d’étoile en étoile.

Laissez-nous très doucement réapprendre la vie.

Sinon un seul chant d’oiseau

le plein d’un seau à la fontaine

pourraient laisser se rouvrir notre douleur mal fermée

et nous chasser comme écume au loin -

Nous vous demandons :

ne nous montrez pas encore un chien qui peut mordre -

il se pourrait, il se pourrait

que nous nous désagrégions en poussière -

sous vos yeux que nous nous désagrégions en poussière -

Qu’est-ce qui encore maintient ensemble notre tissu ?

Nous devenus sans souffle,

Dont les âmes vers lui avaient fui le minuit

bien avant que l’on ne sauve nos corps

dans l’arche de l’instant.

Nous les sauvés

nous serrons vos mains,

nous reconnaissons vos yeux -

mais seuls l’adieu nous lie encore ensemble,

l’adieu dans la poussière

nous maintient avec vous ensemble.

(Chœurs d’après minuit)

nous les orphelins

nous portons plainte contre le monde :

on a abattu notre branche

et jeté dans le feu -

de nos protecteurs on a fait du bois pour se chauffer -

nous les orphelins reposons dans les champs de la solitude.

nous les orphelins

nous portons plainte contre le monde :

dans la nuit nos parents jouent à se cacher de nous -

derrière les draperies de la nuit

leurs visages nous regardent,

parlent leurs bouches :

bois mort nous fûmes dans la main d’un bûcheron -

mais nos yeux sont devenus des yeux d’ange

et vous regardent,

à travers les noires draperies de la nuit

ils vous voient -

nous les orphelins

nous portons plainte contre le monde :

pierres avons nous maintenant pour jouets

pierres qui ont des visages, visages de père et mère

elles ne se fanent pas comme les fleurs, elles ne mordent pas comme les bêtes -

et elles ne brûlent pas comme du bois mort, quand on les jette dans le four -

nous les orphelins

nous portons plainte contre le monde :

monde pourquoi as-tu pris nos tendres mères

et les pères qui disent : mon enfant comme tu me ressembles !

nous les orphelins nous ne ressemblons plus à personne au monde !

Ô monde

nous portons plainte contre toi!

(Chœurs d’après minuit)

Chœur des errants

Nous les errants,

nos chemins nous les traînons derrière nous comme des paquets -

nous sommes vêtus

d’un lambeau de pays où nous faisions halte -

nous nous nourrissons

avec la casserole de la langue, apprise sous les larmes.

nous les errants,

à chaque carrefour une porte nous attend

derrière elle un chevreuil, Israël des animaux aux yeux d’orphelin

disparaît dans ses forêts bruissantes

et l’alouette jubile au-dessus des champs dorés.

Là où nous frappons aux portes

s’arrête une mer de solitude.

Ô vous, gardiens armés de glaives flamboyants,

les grains de poussière sous nos pieds d’errants

déjà commencent à faire monter le sang en nos petits-enfants

o nous errants devant les portes de la terre,

d’avoir tant salué les lointains,

nos chapeaux sont épinglés d’étoiles.

Comme mètres pliants reposent nos corps sur la terre

et mesurent tout l’horizon -

o nous les errants,

vers rampants pour les souliers à venir,

notre mort sera posée comme un seuil

devant vos portes fermées à double tour !

(Chœurs d’après minuit)

Chœur des ombres

nous ombres, ô nous ombres :

ombres des bourreaux

fixées à la poussière de vos forfaits -

ombres des victimes

dessinant contre un mur le drame de votre sang.

ô nous démunis papillons de douleur

pris au piège d’une étoile, qui tranquillement continue de brûler

quand il nous faut danser aux Enfers.

nos montreurs de marionnettes ne connaissent que la mort.

Nourrice d’or, qui nous alimente

pour un tel désespoir,

détourne o soleil ton visage

afin qu’alors nous puissions sombrer -

ou bien laisse nous refléter

les doigts dressés de joie d’un enfant

et le bonheur léger d’une libellule

sur la margelle de la fontaine.

(Chœurs d’après minuit)

Chœur des morts

Nous transpercés par le noir soleil

de la peur -

échappés de la sueur à la minute même de l’agonie.

Les morts à nous infligés sont fanés sur nos corps

comme fleurs des champs fanées sur une colline de sable.

Vous qui continuez à saluer encore comme une amie la poussière,

vous sable qui avait parole, parlez au sable :

je t’aime. Nous vous disons :

les manteaux de poussière des secrets sont en lambeaux,

l’air que l’on étouffa en nous,

les feux où l’on nous brûla,

la terre on l’on jeta nos pauvres restes.

L’eau sortit de notre sueur

s’en est allée avec nous et commence à briller.

Nous les morts d’Israël, nous vous disons :

Nous sommes déjà plus loin d’une étoile

dans notre Dieu caché.

(Chœurs d’après minuit)

chœur de ceux qui ne sont pas nés

nous ceux qui ne sont pas nés

déjà la nostalgie nous prend

les berges du sang s’élargissent pour nous recevoir

comme rosée nous coulons dans l’amour.

les ombres du temps gisent comme questions

sur notre secret.

Ô vous, êtres d’amour,

êtres de nostalgie,

écoutez, vous aussi malades de l’adieu :

c’est nous qui commençons à vivre dans votre regard

nous dans vos mains, nous en quête de l’air bleu -

c’est nous cette odeur des matins.

Déjà votre souffle nous attire.,

dans les gouffres de votre sommeil nous allons

dans les rêves qui sont notre seul royaume sur terre

Là notre nourrice la nuit

nous élèvent,

jusqu’à ce que nous nous reflétions vos yeux

jusqu’à ce que nous parlions à vos oreilles.

Comme papillons

nous sommes prisonniers des guetteurs de votre nostalgie –

comme voix d’oiseaux trafiqués par la terre –

nous odeur des matins.

nous lumières à venir pour votre tristesse

(Chœurs d’après minuit)

Et tu es passé au travers de la mort

Comme l’oiseau en la neige

Toujours noir posant un sceau sur la fin...

Le temps a avalé

Les adieux que tu lui avais donnés

Jusqu’à l’abandon extrême

Au bout des doigts tout au long

Nuit d’yeux

Devenant sans corps

L’air a baigné - une ellipse –

La rue des douleurs

(Ardentes énigmes)

Dans la rue ils se heurtèrent

Deux destins sur cette terre

Deux courses de sang dans leurs réseaux d’artères

Deux respirants sur leur chemin

En ce système solaire

Sur leurs visages s’éloigna un nuage

Le temps n’était plus qu’un saut

Le souvenir s’y précipita pour épier
Lointain et proche ne furent plus qu’un

Du passé et de l’avenir

Jaillirent les étincelles de deux destins

Qui tombèrent séparés –

(Ardentes énigmes)

III

Dans ma chambre

Où sont mon lit

Une table une chaise

Et l’âtre

S’agenouille comme partout l’univers

Pour se sauver de son invisibilité

Je trace un trait

J’écris l’alphabet

Je peins sur le mur la sentence suicidaire

Sur laquelle immédiatement germent les naissances nouvelles

Déjà je retiens le firmament fermement ancré à la vérité

Alors la terre se met à marteler

La nuit se détache

Et tombe

Dent morte sous la morsure –

(Ardentes énigmes)

Tu es assise à la fenêtre

Et tombe la neige -

Ta chevelure est blanche

Et tes mains aussi

Mais dans les deux miroirs

De ton blanc visage

L’été s’est maintenu :

Paysage pour les prairies dressées dans l’invisible -

Breuvage pour les gazelles d’ombre dans la nuit

Mais disant ma plainte je plonge dans la blancheur, en ta neige -

D’où la vie s’éloigne très doucement

Comme à la fin d’une prière balbutiée -

Ah m’endormir en ta neige

Avec toute la souffrance du souffle de feu du monde

Pendant que les courbes délicates de ta tête

Déjà sombrent dans une nuit de mer

Pour une nouvelle naissance.

(Obscurcissement de l’étoile)

je tournais l’angle d’une sombre

rue voisine

là mon ombre se posa

sur mon bras

ce morceau de vêtement fatigué

exigeait qu’on le porte

et la couleur du néant déclara :

Tu es au-delà

(Ardentes énigmes)

obscur murmure du vent

dans les blés

la victime est prête aux souffrances

les racines sont silencieuses

mais les épis

savent beaucoup de langues maternelles -

et le sel dans la mer

pleure au lointain

la pierre est une existence de feu

et les éléments s’arrachent à leurs chaînes

pour la réunification

quand l’écriture des esprits des nuages

ramène les images des origines

à la frontière de la mort mystère

« mets le doigt sur ta bouche :

fais silence silence silence »

(Ardentes énigmes)

Ils parlent neige -

Avec ses quatre pans de monde

Le drap d’heures se replie

Guerre et amas d’étoiles blottis

L’un dans l’autre

Cherchent protection là où la nuit

Pleine de lait maternel déborde

Et de son doigt noir montre

Là où les découvertes guettent le passeur des âmes

Étincelles dans les ténèbres

Profondeur sous la neige

(Ardentes énigmes)

Et tu es passé au travers de la mort

comme l’oiseau dans la neige

toujours noir posant des sceaux sur la fin -

Le temps a avalé

les adieux que tu lui donnas

jusqu’à l’abandon total

au bout des doigts étendus

les yeux de la nuit

deviennent sans corps

L’air inonde - Une ellipse -

La rue des douleurs

L’enfer est nu de douleurs

Chercher

Sans mot dire

Chercher

Traversée de la nuit des corbeaux

Par tous les déluges

Et les époques glaciaires encerclé

Peindre l’air

Avec ce qui pousse derrière la peau

Pilote décapité par le couteau des adieux

Coquillage qui se noie

Su Su Su

(Ardentes énigmes)

mes chers morts

un cheveu de ténèbres

signifie déjà lointain

il pousse doucement au travers du temps ouvert

je meurs en comblant la minute

de mesure secrète

elle s’étire en bourgeonnant

mais derrière elle ils ont planté les langues de feu

de la terre –

une vigne qui délivre son vin à la flamme

je coule à la renverse

(Ardentes énigmes)

au petit jour

quand est retournée la pièce de monnaie de la nuit

imprimée du sceau du rêve

et que côtes, peau, prunelles

sont poussées vers leur naissance -

quand chante le coq à la crête blanche

l’effroyable instant

de la pauvreté sans Dieu est là

un carrefour est atteint -

Le tambour du roi a nom démence -

un sang apaisé s’écoule –

(Et nul ne sait comment continuer)

VIVRE SOUS LA MENACE

Le vœu le plus haut sur cette terre: mourir sans être assassiné.

Tu n’as rien mangé. Ce que j’ai eu tant de mal à rapporter à la maison. La bouchée ne passait pas, levée à la levure noire de la peur.

S’approchaient des pas. Forts. Où le droit s’était installé. Ils cognaient à la porte. "Tout de suite!" disaient-ils, "c’est à nous, le Temps !".

La porte était la première peau déchirée. La peau du foyer. Ensuite le couteau de la séparation taillait plus profond amputant aussi la famille de membres, de membres convoyés très loin dans le temps des conquérants. Dans le temps des doigts crochus et des pas forts.

Et cela est arrivé sur cette terre. Est arrivé et peut arriver. Et l’enfant avait des chaussures neuves et ne voulait pas s’en séparer. Et dans le regard du vieillard il y avait déjà de la cendre de l’extrait de Dieu.

Et j’étais attachée à un rêve. Un rêve de doigts et de pas me bourrait d’angoisse. Les rumeurs suçaient comme des sangsues.

Cinq jours durant j’ai vécu sans parole, accusée de sorcellerie. Ma voix enfouie chez les poissons. Enfouie en lâchant tout le reste du corps, pris dans le sel de l’effroi. Enfouie, la voix, parce qu’elle n’avait rien à répondre et que "dire" était interdit.

Et tous les yeux à ma rencontre avaient viré à l’hiver. Se détachaient; n’émettaient de regard que vers ailleurs, là-bas où le droit prenait le temps par la peau du cou.

Ma main, orpheline, désapprenait de réagir.

Vivre sous la menace : dans le tombeau ouvert, se putréfier sans mort. Le cerveau ne saisit plus. Les dernières pensées tournent en rond autour du gant noir qui camouflait le numéro d’entrée de la Gestapo et manquait coûter la vie. La sueur d’angoisse avait à rester invisible.

Non, le cerveau, depuis très longtemps, ne concevait plus. Qu’était-ce ? : "Goûter la vie ?" Courir avec les nuages ? Où ? Là-bas ? Avoir la vue du printemps ? Pour quoi faire ? Me détacher de ce pilori du temps où j’étais attachée sans autre dégel que la nostalgie.

Vivre sous la menace !

Et cela arrive sur cette terre ! Et peut arriver sur cette terre ? Tu as un air de dimanche dans tes habits neufs. Tu racontes bien à tes enfants des histoires de loups dont les victimes avalées se sortent sans dommage.

Il est arrivé beaucoup de miracles. J’ai lu ça. Mais comment les miracles arriveraient-ils jusqu’au petit tas d’internés qui tremblent dans les barbelés. Les miracles aussi sont gorgés d’angoisse. Ils vont échouer là-bas, chez le seigneur de la guerre, qui les taille comme une tranche de bon pain de la lune.

Nelly Sachs

(Traduit par Antoine Raybaud)

Bibliographie

Les éditions Verdier semblent entreprendre un vaste projet de traductions de Nelly Sachs.

Mireille Gansel en est la traductrice émérite grâce à sa connaissance profonde de la poétesse et de son temps.

Sont parus :

Éclipse d’étoile (1999)

Partage-toi, nuit : Précédé de Toute poussière abolie, La mort célèbre contre la vie, Énigmes ardentes (2005)

Exode et métamorphose (2002)

Brasiers d’énigme et autres poèmes traduits par Lionel Richard, Denoël 1967 (c’est par ce livre que Nelly Sachs aura été connue en France)

Présence à la nuit, Gallimard, 1969

Nelly Sachs et Paul Celan. Correspondance (20 avril 2000) l’Extrême Contemporain : Élieédition bilingue l’Extrême Contemporain :