Thomas Bernhard

En poésie comme en enfer

Une écriture, non pour lire et non pour mourir
une écriture par-dessus l’herbe et par-dessus les morts
Une écriture par-dessus moi et une écriture par-dessus toi
une écriture de mon froid impénétrable…

(Thomas Bernhard, 1961).

Thomas Bernhard porte le sceau du scandale sur son front et sur chacun de ses mots. Il avait fait sienne cette phrase de Benjamin Fondane : Crier toujours jusqu’à la fin du monde.
Et Thomas Bernhard aura hurlé, crié contre les lâchetés, les mensonges, surtout ceux de sa mère patrie si haïe, l’Autriche qui n’aura jamais fait vraiment son examen de conscience, se faisant passer pour la victime du nazisme, alors qu’elle en fut aussi le berceau et le thuriféraire ardent.

Bien avant la trilogie éclairante « Welcome in Vienna » d’Axel Corti, montrant que les anciens démons nazis et antisémites étaient toujours présents, bien après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, car aucune remise en question n’avait été effectuée, Thomas Bernhard a porté le fer rouge de ses livres et de ses pièces sur « la métastase du fascisme » toujours vivante en Autriche.

« Il y a aujourd’hui plus de nazis à Vienne qu’en 1938 », écrira-t-il dans une de ses pièces de théâtre, Place des Héros.
Ainsi la Carinthie autrichienne, si proche de Salzbourg la ville près de laquelle il passa son enfance, est encore le berceau de l’extrême droite autrichienne. Comme Ilse Aichinger, puis Elfriede Jelinek, il met à nu l’Autriche comme une comédie du monde, une comédie amère et pitoyable. Cela a pu choquer, comme la vérité jetée en pleine face. Et Thomas Bernhard demeure, avec les précités auxquels on peut ajouter Christine Lavant, et bien sûr Ingeborg Bachmann, comme l’honneur d’une nation qui est encore à renaître, toujours engluée dans son passé. L’Anschluss des esprits est toujours à l’œuvre maintenant.

Et pour Thomas Bernhard le monde allait d’une catastrophe à la prochaine.

« Être autrichien est mon plus grand malheur» dira-t-il.
Cette plaie purulente, il l’exorcise dans son écriture de façon radicale, avec rage et désespoir. Jamais il ne peut pardonner à son pays d’avoir décrété même en 1938, à l’époque de l’Anschluss, que tout était pire que le nazisme. Ainsi banalisé, le mal continue à courir. Seul une sorte de terrorisme verbal le fait reculer. Thomas Bernhard fut ce terroriste.

Ainsi, avec une sorte de plaisir haineux, il instille son venin dans les bonnes consciences en attaquant l’État, l’Église, la culture autrichienne et les Autrichiens. Il ne pouvait supporter cette « apathie », ce conformisme étroit et criminel qui sévit aujourd’hui encore. Ses invectives incendiaires brûlent encore la chair de l’Autriche.
Ce grand imprécateur aux accents de prophète biblique aura avec ses outrances souvent, dénoncé cette Autriche nazie et cette Autriche catholique qui se complétèrent si bien.

Mais il existe un autre Thomas Bernhard presque inconnu en France, le poète, le très grand poète, qui dès son enfance écrira des poèmes, puis pendant plus de dix ans, de 1951 à 1962, s’y consacrera exclusivement.
Ce versant tragique et superbe de son œuvre nous aura été révélé en français par la publication de Sur la terre comme en enfer, recueil de poèmes traduit magnifiquement de l’allemand et présenté par Susanne Hommel, collection Orphée, en 2012.

Et pour les non-germanistes ceci aura été une révélation, eux qui n’avait qu’une image exacerbée de Thomas Bernhard. Dans ces très nombreux poèmes, lui qui les tenait en haute estime, s’estimant même supérieur à Rilke ou à son idole Georg Trakl, on peut découvrir certes le style précurseur de ses écrits à venir, mais aussi un versant inconnu, mystique, proche de Christine Lavant, mais sans la foi, et aussi de la violence désespérée de Paul Celan, qu’il aurait pu connaître auprès de son amie Ingeborg Bachmann. Pavot et mémoire de Paul Celan est paru en 1952.

Et à la lecture de ses poèmes, on se prend à regretter son basculement exclusif vers la prose en 1962, par dépit et blessure devant le refus d’un éditeur, mais aussi par révélation un jour que sa voie était ailleurs. « Gel » sera le titre commun à la fois au recueil de poèmes non publié et à son premier roman. Car les passerelles entre ses deux versants sont perceptibles : écriture sèche et violente, nostalgie de la terre et de l’enfance, de l’automne, évocation du grand-père et de la mère, mur de bêtise des bourgeois, solitude absolue au monde, présence de la nuit...

Seule l’œuvre poétique sera ici évoquée, qui comprend plusieurs recueils : Sur la terre comme en enfer (1956), In hora mortis (1958), Sous le fer de la lune (1958), Gel (1961), tapuscrit de 144 poèmes.
Œuvre sombre et amère d’un grand poète. Parfois hermétique sous sa fausse apparence de simplicité, elle révèle une grande part du mystère de l’écrivain Thomas Bernhard, sur lequel jamais il ne voudra s’expliquer.
Ainsi :
Dans le jardin de la Mère
mon râteau ramasse les étoiles
celles qui sont tombées, alors que j’étais loin.
La nuit est chaude, et mes membres
déversent les flots de l’origine
. (adaptation personnelle).

Ou :
Trois mille ans après que le père
soit mort sur la colline, moi, le vent,
crâne brûlé, moi, le Nord,
les lettres de Virgile, les discours de gros paysans
trois mille ans après le père
Je passe par mon pays, malade,
Je frissonne dans les lits de septembre
. (adaptation personnelle).

Entrer dans cet univers de mots c’est s’approcher au plus près de l’écrivain Thomas Bernhard.

Loin de ce « silence qui tous nous rend malades, le silence faiseur de maladie »

Une vie entre rage et survie

Et pourtant ma parole est la parole de ce vent,
qui souffle sur les prés immémoriaux
lui qui apporte les abominations des déserts et de la nostalgie
des palmiers ivres
vers la ferme de mon père
. (« Fragment d’une ville en train de mourir »)

La vie de Thomas Bernhard est une suite de traumatismes qui le conduiront à cet être écorché vif, et vitupérant ses imprécations et ses désespoirs dans ses écrits et sa façon d’être.
Bâtardise, pauvreté, déménagements incessants avec la perte de la nature, les deuils de sa mère et de son cher grand-père, le même internat nazi puis catholique, son pays perclus de lâchetés et de mensonges, haines incessantes… Et sa parole en portera le gel amer.

Thomas Bernhard est né le 9 février 1931 à Heerlen, Maastricht, Pays-Bas, car sa mère Herta Bernhard avait précipitamment quitté l’Autriche pour accoucher « d’un enfant illégitime » hors de l’Autriche réactionnaire et déjà de race pure.

Il est pleinement un enfant de l’histoire nazie, qu’il n’aura de cesse courageusement de dénoncer.
Baptisé catholique, il ne le pardonnera jamais.Le père de Thomas Bernhard était le charpentier Alois Zuckerstätter, qu’il ne verra jamais. Celui-ci,son père biologique, meurt en 1940, à Berlin d’un empoisonnement au gaz, sans doute un suicide.
Sa mère doit travailler comme femme de chambre pour subsister.

En automne 1931, Herta Bernhard amène son enfant à ses grands-parents maternels à Vienne. Bernhard a ensuite déménagé avec ses grands-parents à Seekirchen à Salzbourg. C’est là qu’il découvre la nature qui va irriguer ses poèmes, et dont la perte sera une tragédie.
Il passe donc sa jeunesse à Salzbourg, principalement sous l’aile aimante de son grand-père, Johannes Freumbichler, écrivain reconnu. Celui-ci l’initie au violon et l’encourage à écrire des poèmes.
Mais la situation matérielle reste précaire. Pourtant c’est la période la plus heureuse de sa vie, et son enfance entre forêts, vent, collines, le marquera à jamais. La séparation l’amènera à une tentative de suicide par pendaison à 7 ans.
Le suicide restera d’ailleurs en filigrane dans sa vie, à 19 ans, à 26 ans, à 40 ans.
Il dira « Il n’y a que la curiosité qui me maintient en vie. »

Au début de 1938, sa mère se remarie avec Emil Fabjan, qui travaille comme coiffeur à Traunstein en Allemagne. Il part alors vivre en Bavière, fief du national-socialisme triomphant.
Le 13 mars 1938, l’Allemagne nazie annexe l’Autriche déjà austro-fasciste. En 1939, Thomas Bernhard entre dans les jeunesses populaires (jungvolk). Et en 1941-1942, il est envoyé dans un centre d’éducation national-socialiste pour enfant en Thuringe où il est humilié, battu. La mère, qui ne peut continuer à garder son fils avec elle, qui de plus est en difficulté à l’école, l’envoie alors en 1943 dans un pensionnat nazi à Salzbourg. Un internat appliqué à former les parfaits aryens.
Salzbourg étant bombardé, il revient en Bavière en 1944, puis en 1945 il retourne dans « L’Autriche libérée », et retourne dans le même internat, maintenant devenu internat catholique, mais aux méthodes inchangées, la croix chrétienne prenant la place du portrait de Hitler, et le salut hitlérien remplacé par les prières, donc tout autant « centre d’extermination de l’esprit ».

En 1947, Thomas Bernhard arrête le lycée et entame un apprentissage dans une épicerie pour connaître la vraie vie active. C’est en travaillant dans le froid qu’il contracte une grave pleurésie purulente et est envoyé à l’hôpital au début 1949. Son état étant désespéré il est placé à la morgue et reçoit les derniers sacrements Il survit pourtant, mais ne peut quitter les hôpitaux qu’en 1951. Mais jamais il ne guérira vraiment. Il sera opéré à nouveau des poumons en 1967, et séjournera de nouveau à l’hôpital en 1978, apprenant alors que son état est incurable.
Entre-temps son grand-père meurt en 1949, sa mère l’année suivante à l’automne de 1950 d’un cancer.

Il apprendra ces deux décès par hasard dans le journal.
«... Si nous avons un objectif, je pense, c’est la mort... » (Perturbation).

Cerné par la mort, il se met à lire énormément et à écrire au sanatorium et dans les hôpitaux, des poèmes essentiellement. « L’écriture devient sa vie ».

Et surtout en 1950 il rencontre Hedwig Stavianicek dans le Grafenhof sanatorium de Saint-Guy. Elle, qui avait les 35 ans de plus que lui, sera sa grande amie et sa compagne pendant presque 30 ans, elle qu’il nommait « son être vital ».
Bernhard commence sérieusement à étudier la musique, de 1951 à 1957 au Mozarteum de Salzbourg et aussi au Conservatoire de musique et d’art dramatique de Vienne, ainsi que la mise en scène. Dans le même temps, il travaille comme journaliste pour plusieurs journaux, principalement comme collaborateur indépendant au journal « Demokratischen Volksblatt ». Et les scandales vont commencer suite à ses articles très critiques attaquant vigoureusement l’hypocrisie typique de l’Autriche prise dans une sorte de prison fondée sur la religion et le refus d’abandonner les valeurs nationales-socialistes.

Jusqu’en 1961, il écrit essentiellement de la poésie. Il publie en 1963 son premier roman, Gel et abandonne la poésie. La suite est connue, de romans en pièces de théâtre iconoclastes, provoquant d’immenses scandales. Lui comme un prophète biblique dénonce, enfonce le fer dans la plaie :« Tout le monde a peur/Tout le monde/Tout le monde/Tout le monde/dans cet État ne domine plus que la peur ».
Son dernier coup d’éclat sera la pièce « Heldenplatz », la place des héros, d’où Hitler prononça son discours, et où il met en scène un personnage juif qui se suicidera sur cette place, désespéré de voir que rien n’a changé 50 ans après l’annexion nazie :
Les gens peuvent écrire et parler comme ils l’entendent
La haine du Juif est la nature la plus pure, absolument non faussée
de l’Autrichien
.

Thomas Bernhard restera comme celui qui aura pourfendu l’hypocrisie, violemment, presque de façon maniaque, mais avec une infinie lucidité. Son cycle de 5 œuvres autobiographique (qui paraîtront entre 1975 et 1982) : l’Origine, la Cave, le Souffle, le Froid et Un enfant, éclairent son parcours.
Il est aussi celui qui modestement aura redonné vie à l’œuvre de Christine Lavant en publiant ses poèmes, et aussi à Ingeborg Bachmann en 1986, dans son roman « Extinction ».
Thomas Bernhard est mort le matin du 12 Février 1989 à Gmunden, en Haute-Autriche, à 58 ans des suites de son affection pulmonaire contractée à 19 ans. Sa dernière nuit coïncide avec le 40e anniversaire de la mort de son grand-père, John Freumbichler, tant aimé par lui le misanthrope atrabilaire. Pour son enterrement, Bernhard avait demandé que son corps soit enveloppé d’un linceul blanc, que son cercueil soit en bois tout simple, sans rien dessus, « à la manière des Juifs orthodoxes ».
Seuls trois membres de la famille seront présents à l’enterrement.Son cercueil sera mis au côté de celui de Hedwig Stavianicek, l’amie et la compagne de toute sa vie, au cimetière de Grinzing à Vienne. Les médias ne seront informés que plusieurs jours après l’enterrement.

Par une disposition testamentaire, signée chez un notaire à Salzbourg le 9 février, deux jours avant sa mort, il exigera que toutes les représentations, toutes les publications et toutes lectures de ses œuvres soient interdites en Autriche. Le testament précise aussi que « Bernhard ne veut rien à voir à faire avec l’État autrichien et interdit tout rapprochement de son travail ou de sa personne avec lui. »

Cette interdiction sera levée en juillet 1998 à l’initiative, plus ou moins heureuse, de sa fondation privée.
«Nous avons à rendre compte de rien d’autre que le fait que nous sommes malheureux. »

Thomas Bernhard poète du fouet des mots et du feu de l’amertume

« Je veux entendre la langue de poissons
et le langage du vent,
le même que le langage des anges. »

Lui qui écrivait « Je ne pense pas au lecteur, je pense à son courroux », ici c’est plutôt le courroux de Dieu qui est invoqué sous forme de psaumes dans In hora mortis, comme en écho au poème Psaume de Georg Trakl. Et passe le vent dans ses mots, l’amertume, la dureté.
Ce que l’on pourrait parfois confondre avec une simple poésie mystique s’adressant à Dieu dans le droit fil du catholicisme, est plutôt un cri blasphématoire, une étreinte féroce contre Dieu, sans espoir de consolation aucun. Son combat avec Dieu n’est pas un acte de foi car devant un Dieu aux abois:

« Je T’ai vu comme quelqu’un qui se noie
la gueule ouverte
au-dessus du monde
».

Alors seule l’accusation est possible devant le monde infernal, sur cette terre comme en enfer donc.
« Je T’ai vu,
Ton visage est le visage de l’enfer. »
Poésie de débâcle et non pas de génuflexion.

Elle est avant tout une poésie de fracture, marquée au fer rouge par le nazisme, l’internat catholique qui ne valait guère mieux selon lui, et surtout la bâtardise, car jamais il ne connut, ni ne vit son père à qui il ressemblait pourtant trait pour trait.
« Étranges sont les voies nocturnes de l’homme», disait Trakl qui fut son astre noir, lui aussi venant de Salzbourg.
Sombres et étranges sont les poèmes de Thomas Bernhard qui sont aussi les voies nocturnes de l’homme. Ses poèmes semblent codés, cryptés derrière une banalité affichée. Ils se veulent « faits de chair et de sang.»
Dans une langue toute en tension, souvent lapidaire voire télégraphique, se voulant simple et directe sans métaphore, débarrasée de cette certaine mièvrerie propre à la poésie autrichienne (Stefan George, Rilke lui-même, Hoffmannsthal…) qui ici est bannie.

Pourtant elle chante avec un certain lyrisme, une étrange beauté. Et la mort semble surplomber chaque vers. La neige aussi, le vent, la nuit, et le sourire de sa mère, transpercent cette parole qui se veut rêche, nue, froide.
Ce n’est pas comme pour Paul Celan une poésie d’après le désastre, mais pourtant une poésie réduite à la déréliction. La langue est arrachée et réduite à des phrases cinglantes ou mélancoliques. La poésie de Thomas Bernhard, comme son théâtre, mais plus que ses romans, est oppressante, directe, sans consolation aucune. Elle est douleur, cri jailli du désespoir et des entrailles, et des profondeurs de l’existence humaine.

Sa poésie est une chute dans les ténèbres, et le seul coin de paradis est le sourire de sa mère.
À la même époque que l’écriture de ses poèmes, Thomas Bernhard suivait des cours de musique et de mise en scène au Mozarteum de Salzbourg, et la musique affleure dans sa poésie. Il sait jouer des répétitions, des anaphores, des assonances.
Cette sorte de musique obsédante dans son écriture semble une sorte de Requiem sur la «dégradation de l’être en même temps que de l’univers. »

Et des images récurrentes passent, l’hiver et les tombes neigent sur le solitaire, le soleil boit les douleurs, l’enfance ne franchit pas le seuil de la maison, ni les bras du père enfui dans le silence et l’oubli.
De mon père je m’enquiers
auprès de la tête de mort dans la forêt...

Cette quête du père,ce souvenir du grand-père fraternel, de la mère évanouie dans un sourire, traversent ses poèmes. Les villages clos dans leurs portes noires semblent renvoyer comme étranger celui qui veut entrer et qui ne sait même pas qui il est. Le vent est toujours présent, souffle amer, souffle de révélation, et qui pousse vers le néant.
Les arbres ne comprennent pas les êtres, mais en fait personne ne connaît personne dans l’univers de Thomas Bernhard.
...Personne ne t’aime
et quand tu meurs
ils enfoncent ton mal du pays
et le rentrent dans la terre...

On ne revient pas chez Bernhard, et aucun arbre, aucun ciel, aucun oiseau, ne consolent.

Le sang goutte comme rosée dans ses mots, et la mort pousse de partout.

Les morts comme des herbes amères vous regardent.

Ses mots nous apprennent la nuit. Et l’obscurité enveloppe sa poésie.
Ce poète inconnu des lecteurs francophones, et qui passa tant de temps à corriger ses poèmes de Sur la terre comme en enfer, tant il les considérait comme essentiels, était donc un poète considérable.

Sa poésie de jeunesse n’est pas la forme réduite de son œuvre à venir, mais le lieu où l’on pourrait cerner son mystère, son soleil noir. La nature qu’il prétendra détester plus tard et ne jamais célébrer dans ses romans, coule là tout entière.

« Que ferai-je, quand je n’aurai plus de nouvelles sortant de l’herbe ? »

Vraiment « Étranges sont les voies nocturnes de l’homme».« ...et pourtant, ma langue est la langue du vent,
elle souffle sur la prairie comme la plus ancienne date et
apporte les horreurs des déserts et de la nostalgie.
.. » (Thomas Bernhard)

Gil Pressnitzer

Source :
Sur la terre comme en enfer
, recueil de poèmes traduit de l’allemand et présenté par Susanne Hommel, collection Orphée, éditions de la Différence, 2012.

Site de la Fondation Thomas BernhardSite Thomas Bernhard en anglais

Choix de textes © Thomas Bernhard

Aucun arbre Une cause pour John Donne Aucun arbre
ne te comprendra,
aucune forêt,
aucun fleuve,

aucun gel,
ni glace, ni neige,
aucun hiver, toi,
aucun être,

aucune tempête
sur la hauteur, aucune tombe,
ni Est, ni Ouest,
aucune larme, douleur –
aucun arbre…

traduit par Susanne Hommel

Lettre à la mère

Tu viens dans la nuit, quand la bonne offre ses seins
et que le pommier est vide
et les étoiles détruisent mon nom,
Tu viens, quand le ruisseau cesse de porter le deuil et que
ses paroles
gèlent dans ma fenêtre
et les moutons devant mes rires s’enfuient dans le coin
de la bergerie,
Tu viens, quand le centre du monde
crache un courant de sang avec un gémissement,
Tu viens, quand le champ est nu et que les yeux
des poissons brillent, verts,
Tu viens, quand personne ne vient, quand la bonne qui me donnait le sein
se cache de ma gloire,
quand elle fait scintiller ses cheveux dans la lumière
lunaire comme des millions d’années,
Tu viens, quand ils me battent, sans connaître ma prière,
que je dirai en commençant ainsi : « Je suis
poussé par l’obscurité... »
Tu viens toujours, quand je suis fatigué. Je te rembourse
ma vie avec l’angoisse,
qui se décompose sur ta pierre tombale insensée
au-dessus du grand mensonge de l’automne.

traduit par Susanne Hommel

Souvenir de la mère morte Dans la chambre mortuaire repose un visage blanc, tu peux
le soulever
et le porter chez toi, mais mieux, tu l’enfouis dans la tombe des parents, avant que ne vienne l’hiver et qu’il ne couvre de neige le beau
sourire de ta mère.

traduit par Susanne Hommel

Ébranlement

J’irai de l’autre côté et je hurlerai, je hurlerai fort
j’appellerai mon père et je ferai un aveu,
je me lèverai dans le feu et j’enfoncerai mes mains brûlantes
dans la gorge de la neige.

Je chasserai les fleurs hors des champs
et je casserai les branches de mes buissons
pour l’ébranlement de la mort.
Je donnerai une lettre à mon deuil et le
recommanderai à Dieu
et je lui dirai qu’il est la vie comme aucune vie,
le deuil dans le crépuscule des villes des pères !

J’irai de l’autre côté et je ferai savoir d’où
je viens
et vers où je vais. J’irai là où personne ne pourra me rattraper.
Je porte des chaussures crottées. Aucun gel
ne pétrifiera mon cœur
face à l’incertitude des Dieux lugubres !

traduit par Susanne Hommel

Réveille-toi
réveille-toi
et écoute-moi
je suis en toi, mon Dieu
réveille-toi
et écoute-moi bien
je suis seul avec Toi
réduit en cendres depuis longtemps
et mort dans la pierre
dont ne jaillit pas d’étincelle
réveille-toi et écoute-moi mon Dieu
je suis déjà fatigué du gel
et triste
car ma journée s’étiole
et que ne reviendra plus jamais
ce qui fut
oh Seigneur
j’ai froid
ma douleur est sans fin
ma mort viendra bientôt.

In Hora Mortistraduit par Susanne Hommel

Tu ne sais rien, mon frère, de la nuit

Tu ne sais rien, mon frère, de la nuit,
rien de ce tourment qui m’épuisait
comme la poésie qui portait mon âme,
rien de ces mille crépuscules, de ces mille miroirs
qui me précipiteront dans l’abîme.
Tu ne sais rien, mon frère, de la nuit
que j’ai dû traverser à gué comme le fleuve
dont les âmes sont étranglées depuis longtemps par les mers,
et tu ne sais rien de cette formule magique
que notre Lune m’a révélée entre les branches mortes
comme un fruit du printemps.
Tu ne sais rien, mon frère, de la nuit,
qui me chassait à travers les tombeaux de mon père,
qui me chassait à travers les forêts plus grandes que la terre,
qui m’apprenait à voir des soleils se lever et se coucher
dans les ténèbres malades de ma tâche journalière.
Tu ne sais rien, mon frère, de la nuit,
du trouble qui tourmentait le mortier,
rien de Shakespeare et du crâne brillant
qui, comme la pierre, portait des cendres par millions,
qui roulait jusqu’aux blanches côtes,
au-delà de la guerre et de la pourriture avec des éclats de rire.
Tu ne sais rien, mon frère, de la nuit,
car ton sommeil passait par les tronc fatigués
de cet automne, par le vent qui lavait tes pieds comme la neige.

traduit par Susanne Hommel

Je ne connais plus de route

Je ne connais plus de route qui conduise au loin
je ne connais plus de route
viens m’aider
je ne sais plus
ce qui va m’advenir
cette nuit
je ne sais plus ce qu’est le matin
et le soir
je suis si seul
ô Seigneur
et personne ne boit ma douleur
personne ne se tient au pied de mon lit
et n’enlève mon tourment
et ne m’envoie vers les nuages
et vers les fleuves verts
qui roulent jusqu’à la mer
Seigneur
mon Dieu
je suis livré aux oiseaux
au battement de l’horloge qui se brisant
meurtrit mon âme
et consume ma chair
ô Seigneur mon verbe contient les ténèbres
la nuit qui bat mes poissons
sous le vent
et les montagnes du noir tourment
ô Seigneur entends-moi
ô écoute-moi
je ne veux plus supporter seul
la nausée et ce monde
aide-moi
je suis mort
et comme la pomme je roule
dans la vallée
et j’étoufferai
sous le bois de l’hiver
ô mon Dieu je ne sais plus
où me conduit mon chemin
je ne sais plus ce qui est bien et mal
dans les champs
Seigneur mon Dieu dans les membres
je suis faible et pauvre
mon verbe se consume en tristesse
pour Toi.
In hora mortis (1958) – Traduction d’Odile Demange

Devant le village

Les visages, qui émergent des champs, me demandent
quand le retour.
Mon cri ne dérange pas l’hirondelle,
perchée sur la branche cassée. Sombre
est mon âme, que le vent mène
à la mer, pour sentir l’odeur du sel de la terre.
Ma légende est mortelle.
Sous l’arbre, qui ressemble tant à mon frère,
je compte les étoiles du batelier.

adaptation personnelle

Il y a un autre monde derrière les arbres

Il y a un autre monde derrière les arbres,
le fleuve m’apporte les plaintes,
le fleuve m’apporte les rêves,
le fleuve fait silence, quand je rêve le soir dans les forêts
du Nord...

Il y a un autre monde derrière les arbres,
que mon père a troqué contre deux oiseaux,
que ma mère a ramenés dans un panier,
que mon frère a perdu dans son sommeil, quand il avait sept ans
et si fatigué...

Il y a un autre monde derrière les arbres,
une herbe, qui sent le deuil, un soleil noir,
une lune des morts,
un rossignol, qui ne cesse de se plaindre
du pain et du vin
et du lait en grandes cruches
dans la nuit des prisonniers.

Il y a un autre monde derrière les arbres,
ils descendent vers les villages en longs sillons,
vers les forêts des millénaires,
et demain demandent après moi,
après la musique de mes infirmités,
quand pourrit le blé, quand rien d’hier n’est resté,
de leurs chambres, de leurs sacristies et de leurs salles d’attente.

Je veux les abandonner. Avec personne
je ne veux plus parler,
ils m’ont trahi, le champ le sait bien, le soleil
me défendra, je le sais,
je suis venu trop tard...

Il y a un autre monde derrière les arbres,
là-bas il y a une autre fête foraine,
dans la bouilloire des paysans nagent les morts et autour des mares
fond doucement le lard des rouges squelettes,
là-bas aucune âme ne rêve plus de la roue du moulin,
et le vent ne comprend
que le vent...

Il y a un autre monde derrière les arbres,
le pays de la putréfaction, le pays
des commerçants,
laisse derrière toi un paysage de tombes,
et tu seras anéanti, tu dormiras cruellement
et boiras et dormiras
du matin au soir, du soir au matin
et plus rien tu comprendras, rien du fleuve rien du deuil ;
car derrière les arbres
demain
et derrière les collines
il y a un autre monde.

adaptation personnelle

Devant le pommier

Je ne veux mourir, avant d’avoir vu la vache
dans l’étable de mon père,
avant que l’herbe n’aigrisse ma langue
et que le lait ne change ma vie.
Je ne veux mourir, avant que ma cruche ne déborde
et que l’amour de ma sœur ne me fasse souvenir,
combien notre vallée est belle,
où ils battent le beurre
et découpent des signes dans le lard pour Pâques...
Je ne veux mourir, avant que la forêt n’envoie ses tempêtes
et que les arbres disent l’été,
avant que la mère ne vienne dans la rue avec son fichu rouge,
derrière la charrette qui cahote, où elle pousse
son bonheur : pommes, poires, poulets et paille -
Je ne veux mourir, avant que ne se referme la porte, par où
je suis venu
devant le pommier –

adaptation personnelle

Retour

Cela sort de la plaine,
tous ils sont étrangers, l’arbre et la maison,
la terre se balance devant moi, des sombres repaires
je vois comment les nuages de la grâce se meuvent...
les vallées se coulent dans le vert,
où s’échinent les vieux paysans.
peu à peu les fermes deviennent petites.
Bientôt il fera bon et il sera le soir,
Bientôt je serai là-bas, plus que le ruban
des collines et la lisière lointaine,
les clochers et leurs dômes à bulbe
qui se répandent dans le bleu – quelle heure !
Ô merveilleux moment!
aucune pensée ne revient...
Le monde là-bas n’était pas bon.
et il chemine sans fin dans mon sang
et à nouveau je ressens combien il était malade,
comme mon âme chancelle vers le retour...
va-t’en ! va-t’en ! l’obscurité tombe comme des écailles.
Ainsi se lève l’homme de sa tombe.
Le foin, le repos – j’ai le droit d’entrer -

Cela devrait être ainsi pour toute la vie !
adaptation personnelle

Psaume 9...Je vais aller sur le bord,
au bord de la terre
pour goûter l’éternité.
Je remplirai vos mains avec de la terre
et que mes paroles parlent
les mots qui deviennent pierre sur ma langue,
pour reconstruire Dieu
le grand Dieu,
le seul Dieu.
(Psaume 9)
adaptation personnelle
Appel
Le temps s’est éteint
O Seigneur
ma parole qui devint amère
et sombre
Seigneur
trop sombre pour la Terre
éteinte est ma douleur
Ma faim bue jusqu’à la lie
et mon cœur dans les nuits
qui sont déchiquetées
avec la charrue des chansons
le temps est sans fin,
mais empli de la détresse des rêves
qui ne veulent pas de moi
sur ma pierre des agonisants.
adaptation personnelle

Poème pour l’heure de minuit

Mon désespoir vient à minuit
et me dévisage comme si j’étais mort depuis longtemps
noirs les yeux et fatigué le front avant que l’on butine ses fleurs,
le miel amer de ma tristesse
tombe en gouttes sur la terre malade
qui souvent me tient éveillé dans les nuits rouges
Pour voir la mort sans repos de l’automne.
Mon désespoir vient à minuit
des rêves confus du soleil et de la pluie,
avant je disais, quand je faisais l’éloge de tout
et je suis étranger à ma porte et à ma peur
plusieurs milliers d’années tombent des murs froids
et m’apportent un morceau de l’hiver.
Mon désespoir vient à minuit
la vallée s’est transformée, la lune flotte dans les prés,
la faucille brisée du soir en colère s’adosse
sur le rebord de la fenêtre et me regarde.
Je sais parfaitement que je suis fracassé
comme cette faucille, nul ne me trompe maintenant,
même par le flot de son verbiage
et tombe avant le matin.

Sous le fer de la lune
adaptation personnelle

Le jour des visages
Demain c’est le jour des visages. Ils vont
se lever comme poussière
et éclater de rire.
Demain c’est le jour des visages
Qui sont tombés dans le champ de pommes de terre. Je ne peux
pas nier que je suis
coupable de cette pulsion de mort.
Je suis coupable!
Demain c’est le jour des visages, qui portent
ma douleur sur leur front
qui possèdent ma journée de travail
Demain c’est le jour des visages, qui dansent comme de la viande
sur le mur de l’église
et me montrent l’enfer.
Pourquoi faut-il que je voie l’enfer? Dieu n’a-t-il aucun autre moyen ?
Une voix: Il n’y a pas d’autre moyen! Et de cette façon
Il mène le jour des visages
Il mène en enfer.
adaptation personnelle Dans le jardin de la Mère

Dans le jardin de la Mère
mon râteau ramasse les étoiles
celles qui sont tombées, alors que j’étais loin.
La nuit est chaude, et mes membres
déversent les flots de l’origine,
Fleurs et feuilles,
l’appel du merle et les ricanements du métier à tisser.
Dans le jardin de la Mère
Je marche pieds nus sur les têtes de serpent,
qui à travers la grille rouillée me dévisagent
avec des langues de feu.
Je sais, que les âmes sont dans les buissons
de mes pères,
dans le blé
et la douleur de mon père
et dans la grande forêt noire.
Je sais, que leurs vies, qui se sont effacées
de nos yeux,
dans les épis ont un refuge,
Et dans le front bleu du ciel de juin.
Je sais que les morts
Sont les arbres et les vents,
la mousse et la nuit,
et qu’ils posent leurs ombres
sur ma tombe.

adaptation personnelle

Sauvage pousse la fleur de ma colère

Sauvage pousse la fleur de ma colère
et tout le monde en voit l’épine
qui se pique dans le ciel
que le sang coule de mon soleil
il pousse la fleur de mon amertume
de cette herbe
qui lave mes pieds
mon pain
O Seigneur
la fleur vaniteuse
qui s’étouffe dans la roue de nuit
la fleur de mon blé Seigneur
la fleur de mon âme
Dieu me méprise
Je suis malade de cette fleur
qui fleurit rouge sur mon front
par-dessus ma souffrance.

In hora mortis (1958) –adaptation personnelle

Dans un tapis d’eau Dans un tapis d’eau
je glisse mes jours,
mes dieux et mes maladies.
Dans un tapis de verdure
Je glisse mes rouges souffrances
mon bleu du matin,
mes villages jaunes et mon pain au miel.
Dans un tapis de terre
je glisse ma fatalité.
Je glisse dedans ma nuit
et ma faim,
ma douleur
et le navire de guerre de mon désespoir,
qui passe au travers d’eaux par milliers
dans les eaux du trouble
dans les eaux de l’immortalité.
adaptation personnelle

Souffrance
Je meurs du soleil et
du vent et des enfants, qui se bagarrent pour le chien, je vais mourir
un matin, qui ne pourra être aucun poème, seulement triste et vert et sans fin
sera ce matin... Mère et père sont debout sur le pont et croient encore,
que je viens de la ville, et ne m’apportent rien d’autre
que leurs printemps en ruine dans de grands paniers et me voient
et ne voient pas, car
je meurs du soleil.
Un jour, je ne verrai plus les buissons, et l’herbe prendra
ma sœur tristesse. La voûte
sera noire et le ciel plus inaccessible
pour mon désespoir... Un jour,
Je verrai tout et beaucoup d’yeux s’éteindront
au matin...
Alors je suis de retour parmi les buissons de jasmin et je regarde le jardinier,

comme il ordonne les morts dans leur lit...
Je meurs du soleil..
Je suis triste, parce qu’il y a toujours des jours, et ils ne viennent plus...
Nulle part.

adaptation personnelle

Vers le cimetièrevont mes pieds
Vers le cimetière vont mes pieds,
des milliers d’années dans le cimetière,
dans la terre, vers le mortier des esprits
vers les doigts des Tsiganes.
Vers le cimetière vont mes pieds,
des milliers d’années dans le cimetière,
dans le vent,
dans les voix de la terre.
Vers le cimetière vont mes pieds,
des milliers d’années dans le cimetière,
dans le puits du bruit,
dans la chair,
dans les pierres, qui gisent sur les cœurs et les écrasent,
dans les cruches noires,
desquelles monte le vin
des bourreaux et des fossoyeurs
le vin des dieux des paysans.

adaptation personnelle

Bientôt viendra ma mort

Bientôt viendra ma mort
à travers les champs, exténuée,
quand sur l’herbe
se précipitent
de noirs corbeaux
et derrière la maison, l’arbre
ferme les paupières
dans la neige
et l’hiver si proche
les mots soufflent...
L’âme malade regardant autour d’elle
ne descend plus furtivement
vers le village.

adaptation personnelle

Aucun arbre et aucun ciel

Nul arbre, nul ciel
ne te consolera
même pas la roue du moulin
derrière les craquements du bois du sapin,
nul oiseau agonisant,
pas plus la chouette que la folle perdrix,
le retour est loin,

Toi aucun arbuste ne te protégera plus
des froides étoiles
et des branches en sang
Nul arbre, nul ciel
ne te consolera,
dans les couronnes de l’hiver éclaté
pousse la mort
aux doigts rigides
loin de l’herbe et des contrées sauvages
dans le verset de la neige fraîchement tombée.

adaptation personnelle

Claire est la mort dans le ruisseau

Claire est la mort dans le ruisseau
et sauvage dans la lune
et claire
comme pour moi l’étoile frémit le soir
étrangère devant ma porte
Claire est la mort
comme miel en août
si claire est cette mort
et elle m’est fidèle
quand vient l’hiver
Ô Seigneur
envoie-moi une mort
qui me glace
et que me vienne de la mer le langage
et le feu proche
Seigneur
la mort s’abat la nuit sur le tronc de l’arbre
et sur le sommeil de plus d’un merle
dans les ténèbres.

adaptation personnelle

Bibliographie partielle

Auf der Erde und un der Hölle (Gedichte) Otto Müller, 1957
In hora mortis, Gedichte) Otto Müller,1958
Unter dem Eisens des Mondes (Gedichte) Kiepenheuer & Witsch1958
Gel (Frost) – Insel 1963, Collection Du monde entier, Gallimard, 1967
Perturbation (Verstörung) – Insel,1967 - Collection L’Imaginaire Gallimard,1989
L’Origine (Die Ursache)- 1975 - Gallimard, 1981
La Cave (Der Keller) - 1976 - Gallimard, 1982
Le Souffle (Der Atem) - 1978 - Gallimard, 1983
Le Naufragé (Der Untergeher) - 1983
Le Froid (Die Kälte) - 1981 - Gallimard, 1984
Béton (Beton) - 1982 - Gallimard, 1985
Le Neveu de Wittgenstein (Wittgensteins Neffe) Folio 1992 Gallimard,
Le Naufragé (Der Untergeher) – 1983
Minetti, portrait de l’artiste en vieillard, théâtre L’Arche, 1983
Déjeuner chez Wittgenstein – 1984- L’Arche, 1990,
Maîtres anciens (Alte Meister) - 1985 - Collection Folio (1991), Gallimard
Extinction (Auslöschung) – 1986 - Collection Folio (1999), Gallimard
L’Origine : Simple indication – Gallimard, 2007
Récits 1971-1982 : Trois Jours – L’Origine – La Cave – Le Souffle – Le Froid – Un Enfant – Marcher – Oui – L’Imitateur – Les Mange-pas-cher – Le Neveu de Wittgenstein et l’entretien d’André Müller avec Thomas Bernhard. - Quarto, Gallimard, 2007
Simplement compliqué (Einfach kompliziert, théâtre) - L’Arche, 1988
Place des Héros (Heldenplatz), théâtre - 1988 – L’Arche, 1990,
Mes prix littéraires (Meine Preise) – Du monde entier, Gallimard, 2010
Sur la terre comme en enfer (Gesammelte Gedichte), recueil de poèmes traduit de l’allemand et présenté par Susanne Hommel, collection Orphée, éditions de la Différence, 2012.