Vladimir Holan

Le poète du reclus

Le passant de Prague

Ce qu’a été ta vie ? Tu as quitté connu pour inconnu.

Et ton destin ? Il ne t’a souri qu’une fois

et tu n’étais pas là...

Vladimir Holan aura vécu dans l’isolement et le bannissement volontaire. Il a côtoyé l’abîme de l’abîme, celle de l’horreur apportée par les hommes. Les murs, il les aura vus se dresser alors il a mis un mur en lui, un mur autour de lui. Si quelqu’un en ce siècle passé a pu toucher du doigt le tragique de la vie et du monde, c’est Holan qui parle du fond de l’abîme des abîmes. Sa lourde part d’ombre sur les épaules, la colère et l’invocation dans la voix, Holan fut un des arbres immenses et sombres qui jalonnent la route des humains quand ceux-ci veulent bien lever la tête. Holan aura habité dans le royaume noir de sa douleur, cela valait mieux pour lui « que de fuir en avant ou en arrière ». À hauteur de la réalité la plus banale, à hauteur des objets.

L’humanité ne fut rien pour moi...

je vécus pour l’homme

et son drame

Comme pour ses compatriotes Dvorak, Janacek, Smetana il portera en lui l’insondable brûlure de la perte de sa fille sa fille Katerina, morte en avril 1977. Il portera aussi la mort de la nation tchèque abandonnée aux Soviétiques par les occidentaux auquel il ne pardonnera jamais leur lâcheté.

« Dès que je reconnais l’homme, je me mets à sangloter. »

Il savait le poids de l’échec, la transfiguration des mots.

Nicolas Bouvier aura reconnu en lui un frère d’âme :

«. Retour d’un long voyage, alors que je me réinstallais dans une vie sédentaire, je suis tombé sur le recueil DOULEUR, tombé par exemple sur cette phrase : « Voici le moment où le lac gèle à partir de ses rives et l’homme à partir de son cœur » (L’Aube). Il ne m’en fallait pas plus pour savoir que ce petit bouquin d’un éclat si sombre et si fraternel serait pour moi un compagnon de vie, un guide-âme pour le jeune Aliboron que j’étais, la leçon d’irrationnel dont j’aurais toujours besoin, une morale de l’échec fredonnée par un homme qui, comme un sage japonais, savait mieux que personne que si la poésie pouvait véritablement atteindre le cœur de la cible, le monde disparaîtrait et les étoiles s’éteindraient comme chandelles soufflées ».

Aragon l’aura salué en préfaçant « Une nuit avec Hamlet. »:

« Quelque part dans les monts de Bohème, en ce cœur de l’Europe vit un homme qu’entoure une réputation d’ombrage. Les poètes sont comme les chevaux, ils ont la même fierté. Vladimir Holan, parlez à n’importe qui là-bas, on sait qu’il est le plus haut des arbres de la forêt tchèque, celui qui est le plus près de l’orage, et ses yeux reflètent naturellement les éclairs. » (Aragon).

L’homme de Prague, le reclus de Prague

Holan était totalement un Praguois. Il est né à Prague le 16 septembre 1905. C’est l’époque de la guerre russo-japonaise et sa mère lui donne le nom de Vladimir par sympathie pour la Russie. Il apprendra à haïr et les Russes et son prénom. Vladimir Holan meurt le 31 mars 1980, trois ans après la mort de sa fille. Il n’était sans doute ni réconcilié avec le monde, ni réconcilié avec lui-même. En étrange pays dans son pays lui-même, étrange étranger dans ce chaos organisé qu’était la Tchécoslovaquie, il végétera dans les noires années de fer de l’après-guerre, survivant de traductions et avalant les humiliations dans le silence de ses mots. Peu à peu son cercle s’élargit car il n’était point possible pour tous les rideaux de fer du monde de garder prisonnier une telle parole. En 1967, il est traduit pour la première fois en France par Dominique Grandmont puis vient la traduction de Hamlet l’année suivante. Le choc est immense la vénération immédiate.

Son œuvre poétique qui tendait vers l’universel finit par déborder des barrages de ses censeurs. Un culte s’installe autour de lui et cette lecture sacrée et secrète que faisaient ses lecteurs comme dans une catacombe finit par se disséminer. Les événements tragiques du bref printemps de Prague en 1968, en font un poète national, la voix de la résistance aux oppressions. Ses œuvres complètes commencent à être publiées et lues avidement.

Trop tard pour Holan qui ne tenait plus à la gloire et quand on lui parlait d’un possible prix Nobel, il se taisait encore plus profondément, ne croyant plus en l’espoir.

Il avait subi à la fois « le nazisme noir et le communisme rouge ». Il détestera viscéralement toutes les idéologies. Pour lui il n’y a pas de connaissance et nous ne vivons que l’illusion.

L’indifférence elle-même

peut dans un piètre sursaut

se mettre à espérer.

(Le rideau qui tombe).

Mais il ne veut pas témoigner comme un Grossman ou un Soljenitsyne. Son silence est encore plus terrible. Forcé ou voulu peu importe. Interdit de parole pendant plus de vingt ans, vivant, ou plutôt survivant dans une île de Prague, il accomplit dans la solitude une œuvre hantée par la désespérance, le dénuement et « la visitation de la folie ».

Il vivait reclus dans sa maison sur l’île de Kampa depuis les années cinquante et n’en sortira plus. Il lançait ses poèmes sur la ville comme de dangereux oiseaux noirs. Cette voix qui ne voulait pas s’éteindre faisait froid dans le dos, elle disait le purgatoire quotidien, les mains coupées de l’espérance.

Hors du monde bruissant un peu comme Pierre Reverdy et pour des raisons proches : interroger le ciel et lui faire rendre gorge de notre absence de foi. Il était pressenti pour être prix Nobel quand il a rompu tous les ponts. Là seul il traduit les poètes chinois de la dynastie Sung.

Peu à peu il s’enfonce dans le silence, retiré du monde dans son île-refuge de Kampa si près de Prague. Plus nocturne que la nuit, il reste seul. Ses derniers écrits sont ceux d’un démuni de l’âme et des mots. Il creuse et creuse le chaos et la nuit, la métaphysique et le trivial. Il doute et doute :

Seul Dieu n’a besoin de rien. Ni de nous, d’autant moins de lui-même.

Holan aura mâché et relâché ses mots avant d’en faire acte en poésie : « toute la réalité est nécessaire pour que l’acte devienne image ».

Et Holan portait douloureusement la réalité. Par des mots très simples mais ciselés par les vents se levant au milieu de ses nuits, il les rendait comme cristaux épars d’un désastre obscur. La plupart de ses poèmes sont ramassés, concis, brefs comme le souffle quand il vient presque à manquer. Écriture de granit, écriture essentielle, la poésie de Holan encore si peu traduite hélas, est un questionnement permanent, et qui n’espère aucune réponse. De lui on dit justement que « sa parole n’était que la partie émergée de son silence, son brasier intérieur ». (Dominique Grandmont). Ce tourmenté Sisyphe aura roulé les blocs aigus de ses mots, lourds des nuits blêmes, lourds des solitudes atroces.

Dans ma solitude démente, j’avais une bonne prise de terre pour recevoir et vivre toutes les horreurs de l’époque.

Sa lecture est étrange, troublante mêlant l’anecdote du jour à jour à la métaphysique. Ses poèmes semblent à la fois tendus à rompre et fragiles infiniment. Parfois blocs abstraits, parfois lyriques ; sa poésie est mouvement, galopade pour semble-t-il fuir les marécages de son époque. Les objets les plus contondants de la vie s’opposent à son abstraction : pierre, quotidien qui cogne. Sa poésie est tension extrême, affirmations cinglantes et doutes encore plus béants, aphorismes à la René Char, mais lui était resté lucide. Démuni et lucide. Il ne voulait pas être le grand héraut par une « grande poésie », la sienne reste immédiate et à hauteur d’homme.

Elle sort douloureusement de l’argile des jours. C’est l’écriture d’un homme seul qui s’enfonce volontairement dans le silence, ce silence qui ne console en rien de rien :

Le silence lui-même a quelque chose à taire.

Vladimir Holan pratique cette constante de la culture tchèque, l’ironie féroce souvent exercée contre lui-même, voir Kafka, Seifert.

La sienne est encore plus radicale. Pour témoigner de toutes ses contradictions Holan emploie bien des langues différentes, depuis la grossièreté jusqu’aux limites de la frayeur du langage ; Mots crus, mots magiques, peuvent apparaître presque ensemble. Il laboure furieusement la langue tchèque, il creuse, il creuse, la langue comme une tombe.

Une poésie amère comme l’absinthe

Vladimir Holan invite à une poésie de tous les mystères. Sa poésie est profondément amère, les invectives pleuvent, le désespoir coule à flots, le sang devient fumée...

« Comment vivre, comment être simple et ne pas manquer de parole ?

Toujours je n’ai fait que chercher le mot

Qui n’eût été dit qu’une seule fois,

Sinon le mot qui n’eût jamais été dit jusqu’alors.

J’aurais dû chercher des mots de tous les jours.

Même au vin non consacré

On ne peut plus rien ajouter. »

« La vie comme jeu cruel ?

Ou serait possible

Que ce soit l’ironie,

Plus forte que le destin ». Vladimir Holan

Ses deux grandes œuvres sont les recueils « Douleur » qui seront écrits pendant six ans de traversée de l’oppression et de peines intimes (il lui est interdit de publier, sa fille qui naît est mongolienne, le suicide le hante) et « Une nuit avec Hamlet » qui le fit connaître en Occident lui assurant le relâchement des persécutions staliniennes. Sa poésie porte les cicatrices de la deuxième guerre mondiale et de l’occupation communiste. Il ne s’en remettra jamais.

Moins que dire

et se taire à rien de rien

voilà ce qui nous attend...

Ses derniers mots furent paraît-il : « Disparus sont langage, musique, chant, rire et silence dans le rugissement du monde. » Il savait, il avait vu.

La traduction a beau être un nomadisme culturel elle s’arrête aux portes de la langue qui ne vibre pas en vous par ignorance. Il faut alors laisser la main à d’autres

« Parfois, comme dans ce jeu d’enfants où l’on crie : « froid, chaud, tu brûles », les poèmes de Holan frôlent ce miracle qui est d’avoir un pied encore dans les mots, l’autre, déjà, dans le silence. » disait Nicolas Bouvier.

Comment rendre compte du miracle sans s’écarteler soi-même ?

Chaque poème rend au feu ce que la lumière ôte à la flamme, aura dit Vladimir Holan.

« Un homme vit quelque part, dans un pli de la terre. Il écrit ces choses d’absinthe, belles et amères. Je vous dis de l’entendre, même si vous ne l’entendez pas.

Et ceux qui croient pouvoir tout bas en parler dans la nuit l’appellent génie... Et détournent les yeux. » (Aragon).

Gil Pressnitzer

Choix de textes

Traduction du tchèque par Patrick Ourednik

POUR TOUT ALLER

Un mur... un mur par amour du verger,

par haine de l’homme.

Du côté intérieur il y a plus d’arbres

que de fruits. Il y a à l’extérieur

plus de péchés que de cuisses.

Ce mur, bien qu’épais, bien que

haut et aigu, tente.

Pour tout aller, des vipères

guettent dans ses fentes. Un bon mur !

(L’Abîme de l’abîme)

LE MUR QUI SE BÂTIT LUI-MÊME

Éclairs dissipés, nuées excessives,

puis, en bas, la terre abasourdie

par le vent. Mais à l’endroit

le plus réceptif

se dresse le mur qui se bâtit

lui-même, et cela de telle façon

qu’il ne pouvait autrement.

Il n’esquive pas les soupçons

qu’il s’écroulera le temps venu,

vers l’omission inattendue,

de même d’ailleurs

qu’il ne s’oppose point à rester là

jusqu’à la lassitude... Mais

que de portes secrètes

pour les êtres au destin en retraite !

(L’Abîme de l’abîme)

MAIS OUI !

Non, plus un seul mot qui pourrait transparler le silence !

Mais il peut être que dans cette vallée de brumes

vous soyez en train de déguster par modestie

une caille, plus petite tout de même

qu’une perdrix... Votre seule salive toutefois

trahit que vous bouffez de l’homme.

(L’Abîme de l’abîme)

TROP (1)

Trop jeune pour oublier l’agonie

au moment des adieux.

Trop homme pour savoir

que rien n’est impossible à la parabole

quémandant sa métamorphose.

trop fuyant pour ne pas connaître

que les chimères elles aussi sont jalouses,

jusqu’à ce qu’on les détruise à cœur ouvert...

TROP (2)

Nous vivons trop court

pour pouvoir comprendre

que le corps ne veut plus rien...

Nous vivons trop long

pour pouvoir comprendre

les éclairs de l’esprit...

Parfois, nous nous hâtons...

FIDÈLE

Fidèle, oui ! Mais pourquoi

cherchons-nous de puis des millénaires

en vain le pareillement fidèle

prénom de la mort ?

Serait-ce plus intime après ?

NAVIGARE NECESSE EST

Que tu es surveillé,

consciemment ou non,

brutalement, avec amour peut-être,

durant la vie !

Oui la mort est fidèle,

mais elle se méfie...

ALORS ?

La vie comme jeu cruel ?

Où serait-ce possible

que ce soit l’ironie,

plus forte que le destin

ÉPITAPHE

L’humanité ne fut rien pour moi...

Je vécus pour l’homme

et son drame,

en ce lieu-ci

où l’être double attend

seul à sa trame...

Autres traductions

APRÈS LA SAINT-MARTIN II

C’était quelque temps après la Saint-Martin…

J’allais alors à Gahatagat,

sur le plateau… Je m’en allais, comme on s’en va

et qu’on ne sait même plus quel jour on est…

Il y avait longtemps que la neige tombait… Elle recouvrait tout…

Et d’un seul coup le vent souffla si violemment

que je dus baisser le visage

et j’aperçus soudain avec une âme toute petite

que, toujours en avance d’un pas,

j’avais devant moi une trace toute fraîche…

Il n’y avait pas alentour âme qui vive…

Qui donc pouvait ainsi marcher au-devant de moi ?

Oui, c’était bien moi qui marchais devant moi…

(Douleur)

Trad. Dominique Grandmont

Les maisons

Les maisons aux pieds fatigués

ont davantage d’escaliers.

Les maisons aux mains crispées

n’ont plus de balustrades.

Les maisons aux yeux qui s’aveuglent

ont davantage de lumières.

Les maisons aux cœurs qui éclatent

sont en ciment.

Les maisons de la mort lente

ont un night-club au rez-de-chaussée.

Trad. Dominique Grandmont

Là-bas

L’enfer, ou le présent ?

Et qu’y a-t-il avant ? Cela continuerait

à cause de nous-mêmes ? Ou bien

n’y a-t-il que folie commune, jusqu’au délice

d’une destruction protéiforme ? Combien

de serpents empêchent notre rencontre

dans la cendre, le sable et la poussière

du désert, lequel grandira

de toute incertitude ? Ah, il n’y a que dans la mère

que ce qui a été pleuré depuis longtemps

continue à verser des larmes…

(La Mère)

Traduction Clarice Cloutier, Benoit Meunier, J. G. Páleníãek

Comme des enfants

Présence d’une femme ! À tout moment ? Oh non !

Notre vécu commun peut être

un amour allant contre l’amour.

Seulement dans la douleur, nous sommes comme des enfants :

nous cherchons la mère. L’enfant :

il ne sait pas, et le voilà qui pleure !

Nous non plus, nous ne savons pas,

mais ce n’est qu’après que nous pleurons…

(La Mère)

Traduction Clarice Cloutier, Benoit Meunier, J. G. Páleníãek

Même si Dieu n’existait pas, si l’âme n’existait pas

et si l’âme existait et était mortelle,

et s’il n’y avait pas de résurrection,

s’il n’y avait plus rien après, vraiment rien,

alors la part que toi et moi aurons prise à une telle comédie

n’aura été que de pitié, pitié pour cette vie

qui n’est qu’un souffle, et soif, et faim,

accouplement, maladie et douleur... Un jour que je marchais au milieu des bruyères en fleur,

j’entendis la question que posait un enfant: Pourquoi?

et je n’ai pas su lui répondre. Et je ne pourrais, après tant d’années

pas davantage lui répondre même aujourd’hui

que la lune est en son milieu,

car à l’enfant jamais ne suffit la réponse, non plus qu’à l’homme la question. Quand mon enfance resurgit et me prend doucement la main

je me met à chanter.

Quand je pense à la couronne d’épines du Christ,

l’épouvante me fait me taire.

Quand mon regard se pose entre les ronces et que j’y vois un nid d’oiseau

je reste là, pour écouter.

Mais dès que je reconnais l’homme,

je me mets à sangloter...

En marche

Si l’on ne se sent pas perdu,
c’est qu’on l’est, perdu, à tout ce qui se passe en autrui
et se passera en soi-même.
Et perdu à cela, on écrit lettre et enveloppe,
on scelle et on souligne : À n’ouvrir qu’après ma mort !
Mais être perdu, et n’en plus pouvoir,
avoir déjà la lune en livre et la nuit seulement dans le lire,
méconnaître sa fin et ses contours,
ne pas être seul, mais être perdu,
c’est comme si sa propre douleur et celle d’un autre
enfantaient un troisième cœur.

traduction de travail Xavier Galmiche

Bibliographie

bibliographie en français:

Mozartiana (Mozartiana, 1963), traduit du tchèque par Yves Bergeret et Pelan. Éditions Fata Morgana, « Dioscures », 1991

Toscane (Toskána, 1963), traduit du tchèque par Yves Bergeret et Pelan. Atelier La Feugraie, « L’Allure du chemin », 2001,

Une nuit avec Hamlet (Noc s Hamletem, 1964), traduit du tchèque par Dominique Grandmont, préface de Louis Aragon. Éditions Gallimard, « Du monde entier », 1968

Douleur (Bolest, 1965), traduit du tchèque et préfacé par Dominique Grandmont, Éditions P. J. Oswald

À tue-silence (Na celé ticho, 1977), traduit du tchèque par Patrick Ouredník,Revue K, 1990,

L’Abîme de l’abîme (Propast propasti, 1982), traduit du tchèque par Patrick Ouredník,Éditions Plein Chant, « L’Enjambée », 1991

Pénultième (1968-1971, 1982), choix et traductions du tchèque de Erika Abrams, présentation d’André Velter.Éditions de La Différence, « Orphée » n° 49, 1990, épuisé.

Histoires, choix de poèmes, traduit du tchèque et présenté par Dominique Grandmont. Éditions Gallimard, « Du monde entier », 1977

Une nuit avec Hamlet et autres poèmes (1932-1970), traduit du tchèque et présenté par Dominique Gradmont, préface de Louis Aragon.Éditions Gallimard, « Poésie / Gallimard » n° 341, 2000.