Betty Carter

La reine des onomatopées ou le scat dans la peau

La grande Betty Carter a disparu en 1998, à 68 ans seulement, et le trou ne s’est pas refermé.
Et avec le recul et devant l’invasion des poupées siliconées, nouvelles chanteuses paraît-il du jazz, son absence devient prégnante.

Elle fut une figure légendaire du jazz vocal et un des enfants du "be-bop". Dès 1948, elle joue avec Charlie Parker, Lionel Hampton, John Coltrane, Miles Davis en 1958-1959 puis avec bien d’autres dont Ray Charles (1961).

"The Be-bop girl" fait partie des grandes, très grandes chanteuses de jazz, de ces enfants naturels de Bird et de Dizzie comme Sarah Vaughan ou Carmen Mac Rae. Elle est leur égale. Son caractère explosif, sa franchise "totalement soumise au chant et toujours directe à en être crue et violente" ne l’a pas aidée, et expliquent sa reconnaissance tardive par la communauté du jazz.

Ce petit bout de femme est l’un des derniers témoins d’un âge d’or. Devant cette impératrice du scat, on entend jouer intacte, pure, jeune et fraîche toute la fontaine du be-bop. Elle savait jouer du piano et avait appris le métier en bourlinguant avec Lionel Hampton, un peu son père en jazz, et qui l’avait baptisé Betty "Be-bop" Carter).

Betty Carter ne s’est jamais galvaudée et depuis plus de 45 ans, elle maintient intacte la flamme de l’improvisation vocale sans la froide perfection de certaines. Souvenez-vous de ces duos légendaires avec Ray Charles. Et pourtant elle a connu une longue période de non reconnaissance qui ne cessera vraiment qu’en 1980, quand elle signera chez Verve. Que d’années perdues !

Elle a toujours su ce qu’elle voulait et c’est elle qui capte les autres. Elle sait plier ses accompagnateurs à son rêve vocal, la section rythmique est juste une section rythmique, et elle, un cor ou un saxophone se jouant de tous les intervalles. À elle seule, elle était un feu d’artifice de notes, une myriade sonore.

Merveilleuse de présence sur scène, sans arrêt en action, elle est autant pleine de force vive que de blues"crasseux". Pas d’habitudes pour Betty, quitte à envoyer promener studio, maison de disques et le reste. Betty "Calamity" Carter est une femme fière et indépendante, pleine d’audace et donc très controversée pour son autoritarisme. Pourtant sur scène, comme une sirène elle glissait de musicien en musicien, les frôlant, les caressant, leur faisant jaillir des notes.

Généreuse, elle babillait comme une Alice au pays des merveilles du jazz, elle jouait, elle riait ses notes. Et jouant de son registre grave qu’elle faisait souvent chanter, elle faisait la marelle du jazz. Ses belles grimaces en chantant, aller chercher au plus profond de sa gorge des sons inédits. Elle avait le souffle long, l’âme vagabonde.

Elle savait où elle allait, où elle devait aller "straight ahead", et nul ne l’a fait dévier de son chemin. Comme son admirateur Miles Davis elle allait à l’essentiel avec un concentré de moyens.

« Mon combat fondamental reste et restera le jazz. »

Elle était un des derniers fauves du jazz, elle la grande Betty Carter, la dernière chanteuse du be-bop. Elle menait d’une main de fer ses musiciens et beaucoup auront tout appris avec elle, par exemple Jacky Terrasson, Cyrus A. Chesnut, John Hicks, Mulgrew Miller, Benny Green, Stephen Scott.

« Quand j’improvise je ne cherche pas une note, je cherche la note ».

Nous pensons que concert après concert, Betty l’a trouvée, cette note encore suspendue aux lèvres de Charlie Parker.

Quand elle chantait nous devenions ses complices, ses admirateurs amoureux de Betty.

Along come Betty..., immense velours noir du jazz.

Gil Pressnitzer