Daniel Goyone

La courte échelle vers la lumière

Quand Daniel Goyone joue en trio, il le façonne en harmonies lumineuses.

Son piano aux lueurs bleues avec ses compositions transparentes et évocatrices, la voix étonnante de lyrisme de David Linx, ce chanteur belge plus immense que les plages de la Mer près d’Ostende ou ailleurs, et l’accordéon, parfois aussi la voix, de Daniel Mille qui est un chant à lui tout seul, où la tendre folie de Gurtu, chaque fois il s’agit d’une osmose de lumière.

Cette alchimie parfaitement dosée dans chaque type de trio ne pouvait conduire qu’à un cristal de lumière, un cristal de songes. La pierre philosophale de la chaude clarté rêveuse est atteinte.

Harmonie des mélodies et des rythmes, phrases en suspens, modes coulant de source, tout le miracle attendu est bien là. Et David Goyone, vieux complice de Claude Nougaro (le petit oiseau de Marrakech !), retrouve ses folklores du monde dont il tire toute la tendresse, le flou des suggestions. Il se penchait déjà sur les tapis volants du mystique Trilok Gurtu, aussi il continue son chemin à "Rythmer les harmonies et harmoniser les rythmes pour inventer des mélodies originales". Quelque part entre Jazz et musique classique, entre influences modales orientales et racines culturelles latines."

Sa musique est fortement modale et de son piano il tire des soieries, des colliers de notes qui résonnent, des caravanes de rêves qui s’en vont tracer une route pour nos oasis. Les rythmes les plus subtils le passionne. Le plus frappant chez Goyone est son sens de la mélodie, elle s’élève simplement sans être simple.

Sa musique est un fredonnement.

Ce trio sans batteur, bat dans le cœur secret des évocations, des imaginaires inattendus,de mondes émergeant des brumes de l’improbable. Poétique et chantant, voilà l’entrelacs de musique qui monte de cette réunion de rêveurs, de cette association de bienfaiteurs, qui font des soirées de notes, des aubes belles, des mers d’enfance où se baigner.

Daniel Goyone nous joue une histoire de bleu, couleur qui revient souvent chez lui. Ce bleu immense et au-delà de nous est plus que le ciel, plus que la mer, il est l’évocation même.

Quand Daniel Goyone écrivait "II y a de l’orange dans le bleu", il définissait déjà cette nouvelle terre bleue comme une orange, dans lequel vit son trio. Musique qui palpite, qui ondoie et que des titres de Goyone cernent bien : valse au bord de la nuit, charme des impossibilités, géométrie des nuages.

Tout le lyrisme des hauts navires à musique peut prendre le large. Une mélancolie aussi douce que la mousse des bois, amène à penser fort à Debussy en écoutant Goyone, toutes proportions gardées bien sûr. La même attirance pour un flou fluide, le goût des harmonies extra-occidentales, font vibrer pareillement leur musique.

La musique de Goyone est la somme de rêves partagés, elle est fragile et touchante, envoûtement de tous ces royaumes inconnus où gouverne la lune. Cette musique est une douce marée, jazz encore, mais déjà dans quelques chemins de traverses où silencieuses se balancent des toiles d’araignées de notes qui vous attendent pour mieux vous prendre. Il passe des manèges étranges dans ses étranges manèges.

La musique de Daniel Goyone est hantée, somnambule de tous les songes, murmure de tous les silences.

Daniel Goyone nous amène aux frontières, déjà vers d’autres rives.

Ce jazz est pour vous, si vous n’avez pas peur d’être dans le rêve des autres. Si la douceur de neige qui monte comme brume de sa musique vous happe.

Piano, voix, accordéon, ce drôle d’échafaudage devient la courte échelle vers la lumière.

Gil Pressnitzer

Discographie sommaire

Étranges manèges (Thierry Bonneaux, vibraphone, marimba, percussions, Chris Hayward, flûtes)

Haute Mer (1999) (David Linx, Ray Lema, Chris Hayward, Laurent Dehors, Daniel Mille, Idrissa Diop)

Il y a de l’orange dans le bleu (1995) (T.Gurtu, L.Dehors, L.Sclavis, M.Bertaux, J.Lignon, G.Pereira,F.Dubois, J.M.Phillips)

Lueurs bleues (1993) (T.Gurtu, R.Galliano, M.Bertaux, J.M. Phillips, F.Dubois, D.Beaussier)

Third Time (1989) (T.Gurtu, F.Lassus, R.Galliano, M. Bertaux, G.Dall’anese)

Daniel Goyone 2 (1986) (M.Bertaux, A.Ceccarelli, T.Gurtu, G.Dall’anese, R.Galliano)