Felix Mendelssohn

Octuor à cordes, Op. 20

L’eau claire de la jeunesse

On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans disait Rimbaud, et encore moins à seize ans. L’Octuor en mi bémol majeur op.20 achevé par Mendelssohn le 15 octobre 1825, à l’âge de seize ans, est une œuvre miraculeuse.
D’une incroyable maturité, ce chef-d’œuvre enchantait Schumann, "ni dans les temps anciens, ni de nos jours on ne trouve plus grande perfection chez un maître aussi jeune". D’une grande maîtrise formelle et d’une richesse thématique remarquable, jamais encore une œuvre de musique de chambre n’avait rayonné à ce point de jeunesse, de fougue et de passion. Plus que Mozart, Mendelssohn pouvait être considéré comme un enfant prodige, notamment dans le domaine de la musique de chambre, tant ses premiers essais étaient déjà d’une maturité insurpassable.

Rarement sa musique déferlera ainsi bouillonnante et fraîche, bondissante et imprévisible.

Tendres sauvageries, ces mouvements de houle en musique sont incroyables car l’adulte ne censure point le chérubin, papillon amoureux de la musique.

Cette musique n’a pas de précédent dans la musique des autres ni même dans la sienne, exceptée l’ouverture des grottes de Fingal, et le songe d’une nuit d’été (1826), qui retrouveront cette joie très mozartienne de s’enivrer de sa propre musique et de laisser les notes galoper librement. Mendelssohn s’ébroue à l’aube de sa musique, cette innocence il ne pourra plus l’égaler ni la retrouver.

Vraiment c’est une illumination, comme plus tard, mais à vingt ans, en écrira Rimbaud.

Mendelssohn avait tendu des toiles d’araignée aux clochers de la musique et il dansait.. Conscient de sa grande réussite, Mendelssohn, peut-être un peu nostalgique, plaça sa vie durant son Octuor op.20 au premier rang de ses œuvres de jeunesse

On ne peut l’analyser sereinement car elle touche au miracle

On ne peut que constater sans l’expliquer, cette présence forte de la lumière dans cette œuvre, sa pulsation forte, ses rebondissements incessants.

Cette musique est jeune, tout simplement jeune et belle.

Elle rayonne.

La partition ne parut qu’en 1848, après la mort de Mendelssohn. Quand Mendelssohn le jouait il tenait la partie d’alto. jamais il ne la retoucha pour ne pas briser le charme de sa perfection.

Octuor pour quatre violons, deux altos, deux violoncelles,

en mi bémol majeur op. 20

Quatre mouvements composent cette œuvre :

1-Allegro moderato ma con fuoco (modéré mais avec flamme)

2-Andante3-Scherzo, allegro leggierissimo4-Presto

Pendant plus de trente minutes Mendelssohn aura le souffle de faire avancer une musique ardente, parfois coupante même, comme dans le premier mouvement avec ses vagues qui déferlent plusieurs fois recommencées.
Le mouvement lent préfigure le climat de légende et de ballade médiévale qui se retrouvera plus tard aussi chez Schumann. Tableau d’une douce mélancolie aux souvenirs déjà passés, ce mouvement annonce un an plus tard Le songe d’une nuit d’Été, et ses ombres errantes.
Le monde fantastique de Mendelssohn s’exprime pour la première fois dans ce « scherzo féerique », s’appuyant de vers de Goethe eux aussi fuyants et ondoyants.
Le finale surprend en quittant les climats de tous les mouvements précédents, en s’inscrivant dans une course joyeuse où chaque thème précédent reviendra saluer.
« La main d’un maître anime le clavecin des prés » cette citation de Rimbaud peut résumer cette œuvre.

Gil Pressnitzer