France Léa

Notre petite amie particulière

en ces temps difficiles,
je vous souhaite d’aimer plus que jamais
ce qui ne se vend ni ne s’achète
.(France Léa)

Celle-là quand vous lui prêtez une oreille elle vous prend l’âme. Pas « comme ces gens à qui l’on donne jusqu’à l’épaule et qui vous prennent juste le petit doigt, et en plus ils vous le mordent !»
Elle vous balance doucement sur des rêves et soudain vous éclatent à la figure des puits débordants de nostalgie.

Au travers de ses contes, de ses chants, elle déroule sa pelote de tendresse. Cette pelote finit par être plus grande que ce tout petit bout de femme, mais elle ne la masque pas, car France a encore des lacs enfouis de larmes et de douceurs. Elle chante, campée debout sur le comptoir de ses chansons, tout le manque de tendre qui gèle la terre.
Déçue par le manque d’amour, alors elle fait le mur des chagrins et passe de l’autre côté. Et ses mots tiennent chaud et font mal aussi.

La grâce m’est venue parfois de pouvoir chanter les cailloux sur lesquels j’avais buté, les transformer en sketches, en chansons, en poèmes...faire sourire et rire de ce qui m’a fait souffrir dans cette forêt de l’ogre qu’est toute vie. Égarée, moins errante aujourd’hui, le chemin ayant pris sens, je suis retournée sur mes pas, revoir par où j’étais passée, non par nostalgie, mais pour saluer, remercier le passé de m’avoir conduite là ou j’en suis aujourd’hui. J’ai ramassé dans ce passé revisité avec toute la lumière advenue mes cailloux préférés. France Léa.

Elle se plante devant vous et raconte ses comptines du quotidien de l’amour. Parfois elle s’assied, contient un fou rire ou des perles d’émotion. Elle ne tourne plus avec un accordéoniste et c’est dans sa guitare qu’elle va chercher ses câlins. Elle parle et parle, et sans liaison sa belle voix est devenue chant. Puis elle brise ce trop-plein d’émotion par la pirouette des travers de notre vie ordinaire, et de la condition féminine, des amours en porcelaine.
Le bord des larmes et ses fous rires c’est son petit pays, son micro-climat à elle aussi.

« Avec France Léa, on est ému, on retient son souffle pendant une heure. Une heure d’un texte qui n’a pas de caillou, pas une éclisse, pas un cahot. L’humour, la tendresse, la pureté de France Léa au service d’un grand texte.»
(Jacques Bertin)

Maman, je suis en mer est une des plus belles chansons jamais écrites sur le deuil d’une mère, elle en a tant d’autres. Cheveux courts et cœur sur la main, elle fait trempette dans ses chagrins, dans les nôtres. Elle se méfie du bonheur toujours en train de claquer la porte, c’est d’ailleurs disait un ami, à cela que l’on s’aperçoit qu’il existait quand il s’en va.
Elle sait ces moments-là ou l’on se retrouve pâle dans les linges de l’incertain et que l’on ne trouve pas sa place dans la chair de la nuit. Ces moments où l’on guette, où l’on se guette face au vide du silence et suppliant pour un bruit, au moins un bruit, là-dehors, là-dedans.

Les "Charlie" et les "Louise" regardent par-dessus son épaule et tout son miel à partager. Elle crie contre l’égoïsme, la non-communication entre nous. Et surtout les amours qui se cassent la gueule.
"Nos choses, on croyait les avoir, elles nous ont eues !" dit-elle en se posant sans cesse cette question : Es-tu contente de ta vie ?
Peu importe la réponse qu’elle va parfois chercher chez Rilke. Elle a tant de locataires en elle, et en l’envers de sa tête tous ses petits vélos qui roulent dans ses lucioles, qu’elle doit s’en libérer sur scène en faisant l’innocente.
Les spectacles de France Léa donnent toujours envie de la prendre dans ses bras et de la consoler d’avoir tant dévoilé ses sentiments.

"Cachez-moi ce chagrin que je ne saurais voir" semble dire le monde, France pleure la mort de Truffaut et de la tendresse. Elle semble alors obscène pour tous les cons contemporains qui, comme elle le dit, ne savent dire que "Passe-moi le sexe".

Aimer c’est sa faiblesse, France Léa ne sait faire que cela, elle fait des bulles de chansons qui éclatent en nous. La chanson c’est comme ça, ça pleure ça rit aux éclats.

"….Je ne peux pas en voir trop à la fois. Un arbre m’apaise. Une forêt m’affole.
Combien de fois ai-je eu envie, en pleine rue à vitrines, de voir un pré !
Un pré, rien d’autre. Le ruisseau en bas du pré, ça serait trop le même jour.
Demain le ruisseau. Aujourd’hui le pré."

France Léa est notre petite amie particulière qui nous réconcilie avec les petits bonheurs, on ne les laissera pas passer cette fois.

Gil Pressnitzer

Choix de textes

Je t’imagine

Je t’imagine quelquefois
dans ton drôle de chemin de croix
et tu tombes pour la troisième fois
j’ai peur pour toi

Je ne fais plus la fermeture des bars
mais l’ouverture des boulangeries
je donne mes rendez-vous dans les squares
je suis dans de beaux draps, passé minuit
je mange du croissant quand tu bois
des doubles whiskys sans coca
j’aime un homme qui ne te ressemble pas
avec lui j’ai refait ma tête
comme on viderait un grenier
ça sert à quoi de tout garder
je te laisse deux de mes années
fais-en des cocottes en papier

Je t’imagine quelquefois
dans ton drôle de chemin de croix
et tu tombes pour la troisième fois
j’ai peur pour toi

on a joué jusqu’à bout de souffle
qui a peur de Virginia Woolf
à tes pieds je déroulais ma peau
mes rires sonnaient comme des sanglots
je te noyais serrant mon cou
tu m’entraînais dans tes remous
on passait la nuit à toute bière
j’ai touché le septième enfer
le salaud et la fille perdue
c’est un scénario que j’aime plus
je te laisse le souhait de dire guignol
du temps où je n’étais que ta folle

Je t’imagine quelquefois
dans ton drôle de chemin de croix
et tu tombes pour la troisième fois
j’ai peur pour toi

j’ai plus envie de me foutre en l’air
j’ai pas besoin d’un dernier verre
vivre ce n’est plus un fardeau
c’est exactement ce qu’il me faut
vivre cela me va comme un gant
j’aurai du y penser avant

Je t’imagine quelquefois
dans ton drôle de chemin de croix
et tu tombes pour la troisième fois
j’ai peur pour toi
j’ai peur pour toi

Discographie

France Léa en public. CD, Scalen’disc.1991
Le chemin qui marche. CD, L’autre Label.1993.