L. Subramaniam

L’Inde dans un violon ou le violon dans le ciel

Parfois il se lève un musicien d’exception, d’une telle irradiation, que se trouve changée non seulement l’histoire de son instrument mais celle de la musique.Cet homme à la voix grave, c’est L.Subramaniam, dit « Mani » son diminutif pour ses amis, dont nous sommes fiers d’être.Pourquoi joue-t-il du violon, instrument poli et repoli par l’Occident mélangeant dans notre imaginaire, art raffiné et séduction du diable. Il faut savoir que le violon a été introduit en Inde du Sud, au début du 19ème siècle par les colonisateurs et après avoir eu la révélation des violoneux irlandais, les maîtres indiens ont fusionné cet instrument à leur culture.

Développé dans la région de Madras, dont est issu Subramaniam, cet instrument joué à l’indienne pour la conduite de l’archet et assis, a fait sa place en Inde, et il est redevenu par un retour de balancier de l’histoire, l’instrument de passage Orient-Occident. Il se donne avec passion à la « fusion », concept parfois nébuleux, mais qui chez lui est acte de fraternité, et de curiosité insatiable envers toutes les musiques du monde.
Ainsi Subramaniam a fait du violon de l’oppression réduit à un rôle obscur, le miroir profond et brillant de la musique de l’Inde du Sud. Par l’instrument de l’oppression il a fait un chant de liberté faisant de l’instrument des colonisateurs l’âme d’un peuple. Lui le tamoul a quelques idées précises sur l’oppression.

Dès l’âge de 6 ans, Mani est né le 23 juillet 1947 à Jaffna, il donne des concerts de violon au Ski Lanka. À l’âge adulte, il laisse de côté sa carrière médicale, pour aller toujours plus loin dans ce monde complexe et immense des ragas. Formé par son père et gourou V. Lakshminarayana, il a toujours été immergé dans un bain de musique dans la maison familiale à Ceylan. Il avait commencé par apprendre la voix, car l’art vocal était essentiel dans la musique indienne, alors que le violon n’était alors qu’un instrument d’accompagnement. Mais la volonté de vouloir ressembler à son père en fera un violoniste, et quel violoniste ! Maintenant il joue sur le violon de son père.L. Subramaniam, homme fervent, profondément croyant et aussi un esprit très moderne, et il a osé donner les premiers concerts avec sonorisation en Inde, allant jusqu’à électrifier son instrument.
Près de 150 enregistrements l’ont rendu célèbre, et pourtant chaque concert est un acte unique toujours neuf.

Alliant sérénité et magnétisme, il est reconnu comme l’un des plus grands aussi bien en Inde qu’en Occident. Son immense curiosité musicale fait de lui un pont entre les orients et les occidents.Son « Anthologie de la musique de l’Inde du Sud» chez Ocora, est encore la référence des musiciens occidentaux.Violoniste et compositeur, il est tout simplement aussi génial dans la musique de l’Inde du Sud, la musique carnatique, que dans Mozart ou Bach.Bien sûr, il est d’abord l’oracle de cette immense musique faite de tradition et d’improvisation, celle profonde et spirituelle de l’Inde. L’univers des ragas, avec ses méditations infinies et ses rythmes extrêmement complexes, ont rarement trouvé un tel maître en envoûtement pour nous les rendre proches.L. Subramaniam, Dr. Lakshminarayan Subramaniam officiellement, Mani plus simplement, est l’un des plus importants musiciens de l’Inde, le plus inventif certainement.

Apôtre de la rencontre des mondes de l’Orient et de l’Occident, ses nombreuses musiques de films (Salaam Bombay, Mississippi Masala, Little Buddha...) ou de théâtre (Le Mahabharata de Peter Brook) ont jeté de nombreux ponts entre ces univers. Yehudi Menuhin le considérait comme le plus grand violoniste de son temps, toutes musiques confondues.Il disait de Mani :« Je ne sais rien de plus inspirant que la musique créée par mon collègue Subramaniam. Chaque fois que je l’écoute je suis transporté d’émerveillement ».

Compositeur, interprète, il sait aussi être le partenaire de Herbie Hancock, Stéphane Grappeli, Larry Corryel, Stanley Clarke, Jean-Pierre Rampal, Tony Williams, Yehudi Menuhin et tant d’autres, lors de ses rencontres de jazz fusion.Le compositeur joué et reconnu de concerts de violon, de symphonies, par le Philharmonique de New-York, de Los Angeles, de Londres, c’est encore lui, et l’ayant entendu jouer pour son plaisir les sonates et partitas de Bach, je peux témoigner de sa compréhension aiguë et profonde de la musique occidentale. Son amour pour Jascha Heifetz jouant Bach, l’a amené vers la musique occidentale.Sa connaissance approfondie de la musique occidentale, aussi bien classique que jazz, lui donne une ouverture d’esprit unique. Il peut aussi passer de l’univers de du jazz à d’autres très différents. Il sait aussi faire entrer les autres dans son univers propre. L’improvisation est leur pain commun.
Mais plus que ses dons de virtuose c’est dans le mysticisme tendre de la musique indienne qu’il est incomparable. « Mani » allie la tradition la plus orthodoxe de cet art millénaire à l’imagination créatrice toujours aux aguets d’un homme de son temps. Il a voulu remonter jusqu’à sa source toutes le straditions carnatiques, comme la mer qui irait vers le fleuve.

Mais comme on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve, Mani ne veut pas jouer deux fois la même musique.

La musique est un vaste océan et plus on sait, plus on s’aperçoit qu’on ne sait rien ; c’est une quête éternelle. Ainsi un raga n’est pas seulement une succession de notes il y a un au-delà, une abstraction qu’il faut vivre - la saveur, la couleur, le contour. Ainsi Mani définit son art.
Aussi versé dans les sciences qui soulagent l’homme (il est devenu docteur en médecine traditionnelle indienne à Madras ), que dans les sciences des arcanes de la musique qui console de tout, il fait de sa musique une compassion de l’âme, un aperçu de l’harmonie du monde. Il a fait de sa vie une musique profonde et sincère.Musicien classique de l’Inde du Sud il met avec humilité et foi son génie au service d’émotions éternelles.

J’ai voulu remonter aux sources de la tradition carnatique, y remonter comme on remonte un fleuve. Retrouver son origine improvisée, pure et spontanée et pour cela j’ai dû transformer la fonction du violon pour qu’il puisse englober l’éternité du Temps. Et Subramaniam a réinventé le violon en élargissant sa palette. Il joue en l’honneur de Ganesh et de tous les hommes sensibles à la beauté intérieure. II joue souvent par pure amitié pour offrir toute l’Inde dans un violon et lui, habitué à tous les succès et toutes les foules, il peut aussi jouer dans des cadres modestes avec toute son immensité. Pour l’entendre, pour le recevoir, nul besoin d’être versé en musique, il suffit seulement d’être ouvert au monde sensible et Mani vous transporte vers une musique bonne et gaie : quelques bribes d’éternité offertes répandues comme pétales de roses. Et ces guirlandes de notes s’enroulent dans nos écorces.Homme simple, homme profond, L. Subramaniam est aussi un passeur, un médiateur d’harmonie. Sa richesse spirituelle se retrouve totalement dans la plénitude de sa musique. Ses concerts de musique traditionnelle, sont des moments rares, remplis de la sagesse de sa terre, et de la magie des sons.L.Subramaniam soulève partout dans le monde une immense ferveur et il croule depuis son plus jeune âge sous les récompenses et l’admiration de tous, « Paganini de la musique de l’Inde du Sud », comme on le désigne.

En Inde on dit « Violin Chakravarthy » empereur du violon. Il le fut à quinze ans !Pourtant il reste un homme profondément humble :»La musique est un vaste océan et nul ne peut prétendre le connaître entièrement. Plus vous savez, plus vous réalisez que vous savez peu. C’est une éternelle quête ».

Mais Subramaniam nous envoûte surtout dans les ragas de la musique carnatique, musique de l’Inde du Sud. Inventeur de couleurs de sons, créateur à la virtuosité inouïe, Mani apporte souffle et brillance, mais aussi fidélité totale à l’orthodoxie stricte de l’univers complexe de la musique indienne. Tout cela L.Subramaniam le possède au plus haut point. Mais il y ajoute un génie de l’improvisation stupéfiant.Il a su inventer une toute nouvelle technique introduisant la dimension du solo à un niveau supérieur. Une nouvelle façon de poser son corps assis de manière très étudié pour abolir toute rigidité, la liberté des mains, un jeu d’archet au plus près des cordes et qui glisse très vite, l’utilisation des doubles cordes et des pizzicati, tout cela a révolutionné la technique du violon. Mais seul Mani a cette agilité d’un demi-dieu courant après les ombres du son. Son violon est accordé suivant les micro-tonaliés, en musique modale, et donc le son est différent d’un violon occidental.

Après avoir quitté Los Angeles, endroit il fit ses études sur la musique occidentale, à la mort de sa première épouse en février 1995 et quelques drames familiaux, il est retourné peu après à Madras, ville où il fut réfugié en 1958, et il y a fondé une école de musique et dirige un grand festival de rencontres musicales, le « Lakshminarayana Global Music Festival » du nom de son père. La notion de musique globale recouvre chez lui l’amour de toutes les musiques. Sa femme est une des chanteuses les plus connues de cet univers que l’on désigne par Bollywood. C’est dire l’ouverture au monde de Mani qui ne méprise aucune musique.Subramaniam, « Mani », vient souvent jouer par amitié, par fidélité. Il est un des génies les plus stupéfiants de la musique, un des rares compositeurs ayant une connaissance absolue de l’Orient et de l’Occident. Sa dernière œuvre de septembre 2007 est hautement symbolique, elle s’intitule « The Freedom Symphony », la symphonie de la liberté.
Toujours épris d’amour et de fraternité Mani fait de sa musique un arc-en-ciel entre les peuples. À toutes ses extrémités on y trouve bien des trésors. Quand de sa voix grave, le violon sur le genou gauche, il dit de sa voix si grave « Good evening friends! », la route des Indes est enfin trouvée.Puis lentement avec des mouvements de la main il explique les ragas à venir. Tout est alors lumineux et les caravelles appareillent. La musique de Mani bondit, s’accroche aux dentelles des ornements, son violon semble vouloir scier les racines du temps tant il va et vient sur les cordes.

Mille doigts sont apparus pour dompter les cordes. L’archet est un cheval fou.
Mais ce n’est jamais de la virtuosité pure, mais toujours une quête spirituelle. Ce ne sont pas que cascades foisonnantes, que successions de notes qui s’envolent, mais un processus infini qui enroule le temps.Le violon de Subramaniam est tous les épices des Indes, une quête « astrale » qui n’en finit pas d’iriser par toutes les couleurs de sa musique, et qui englobe l’univers.
« Pour moi la vie est incomplète sans la spiritualité. On ne peut séparer la musique de la spiritualité. Où que vous jouiez, quoique vous jouiez, quelles que soient les circonstances, dès que vous commencez à produire des sons, tout disparaît et le son prend le dessus. Les vibrations, les sentiments provoqués par ces sons, vous transforment vous et le public. Vous êtes submergés, vous ne savez plus rien d’autre. Joie, bonheur, paix intérieure, sont immenses en vous. Vous oubliez tout, le quotidien et le reste, plus rien n’existe. Moi je serais un raté sans la musique. Je vis pour la musique, pour cette spiritualité. » Mani.Cette musique vécue comme une expérience mystique, comme une extase, est pourtant immédiate car sensible.Cette paix qui monte vers nous, est la musique de Subramaniam.

Gil Pressnitzer

Discographie

L. Subramaniam - Raga Hemavathi

L. Subramaniam: Three Ragas

Dista n t Visions

Pacific R endezvous

Electric Mo d es vol1 et 2)

All the World’ s Violins

L. Subramaniam an d Yehudi Menuhin in New York

Le Violon de l’Inde d u Sud (Occora France

L. Subramaniam - In Con c ert

Shree Priya

Global Fusion (avec Seetaa Su b ramaniam)

Conver sations (avec Stéphane Grap pelli)
Live at the Royal Albert Hall
Maestros Choice
The Southern Sky
Samarpanam
Kalyani
Free your mind
Sarasvati
In Praise of Ganesh
Distant Visions
India’s Master Musicians(Dr.L.Subramaniam & Ustad Alla Rakha)