Leon Parker

L’essentiel de batterie

En quelques disques en leader Above and below, Awakening et surtout Belief ou bien en partenaire éruptif, par d’innombrables concerts chauds comme la braise, et pas mal d’annulations aussi, Léon Parker a révolutionné l’art de la batterie et de la percussion.D’un caractère entier, mais d’une sincérité totale, il a avec une batterie plus que minimale, inventé de nouveaux rythmes et surtout une nouvelle musique qui est un jeu perpétuel, qui est en jeu tout simplement.En concert il semble s’en donner à coeur joie aux percussions, à la batterie, à la voix, et il nous invite à entrer dans la ronde joyeuse de sa musique, à nous déplacer dans sa musique, à être dans l’instant. Il nous donne une musique d’énergie souriante avec joie et spiritualité.

Ce fort personnage, parfois ombrageux parfois éclatant de rire, résida quelque temps à Toulouse par coup de foudre personnel et aussi las de l’incompréhension américaine, dans une école refuge de bien des talents : Music’Halle, de 2001 à 2003.Il est né le 21 août 1965 à White Plains, New York. Certains sont plongés dans la potion magique très tôt, lui, ce fut dans les tambours dès trois ans sous les auspices du grand-père. Et les tambours continuent à battre en lui. À 11 ans il sut qu’il ferait peau contre peau, à la vie, à la mort avec ses tambours. Il est tatoué de l’intérieur de la tête avec ces sons venant du centre de la terre.

Il connaît toutes les percussions habituelles et en invente bien d’autres. Ce qu’il a appris, il le sublime par son instinct, son inventivité étonnante.

Car Léon Parker n’est vraiment pas un batteur de jazz classique, il semble un dieu lare des percussions, protecteur des foyers qu’il allume et sa position près de ses fûts est celle d’un faune dionysiaque qui danse autant qu’il chante en transes.

Parfois debout, se servant de son corps comme caisse de résonance, il s’amuse et saute d’une idée à l’autre, d’une baguette à un balai, il est la maître du tempo.Il se veut sauvage et naturel, lui qui possède une des meilleures techniques possibles de la percussion. Il apprend de tout ce qui passe, de tout ce qui demeure.Partenaire exigeant qui pousse au bord de la rupture ses amis d’un soir (ah son récent trio avec Giovanni Mirabassi !), il se comporte souvent en leader.Il a joué avec tant de musiciens qu’il a tissé la mappemonde du jazz : James Carter, Stefano Di Battista, Tom Harrell, Herbie Hancock, Brad Mehldau, Sheila Jordan, Elisabeth Kontomanou, Giovanni Mirabassi, Madeleine Peyroux, David Sanchez, Jacky Terrasson, Mark Turner, Steve Wilson surtout.Ses relations tumultueuses avec Jacky Terrasson depuis 1993 sont dignes d’un soap opéra avec ses ruptures et ses retrouvailles en 2006 et 2007.Longtemps il a joué avec un matériel de batterie réduit à presque rien, et sa créativité, son imagination remplaçait toutes les cymbales, les charlestons, les caisses claires, les fûts.Une cymbale, une seule, une caisse claire, une grosse caisse, pas de toms ou un seul, pas de hit-hat, et derrière, trônant en majesté hilare, le batteur le plus intriguant du moment, Léon Parker. En concert il ne jouait souvent que de la seule cymbale. Mais tout le swing du jazz était en crue, car à lui tout seul il est le réchauffement climatique du jazz.

Un long bout de chemin avec Jacky Terrasson, une personnalité forte qui fait parfois la terreur des organisateurs, et voilà en pleine lumière un véritable homme-orchestre compositeur, percussionniste de génie qui fait avancer le jazz. Ses maîtres sont Ben Riley et surtout Roy Haynes.
Léon Parker est un homme libre, un inventeur de sons qui refuse les cérémonies mortuaires de retour aux racines, tout en étant fidèle aux racines (Art Blakey, Mongo Santamaria…). Il veut perpétuer un jeu basique, essentiel comme un tambour d’Afrique, une vérité retrouvée où toute mélodie est rythme.
Léon Parker a pris le parti d’élargir son espace de musicien plutôt que l’espace de sa batterie. Sa technique n’est pas voyante, sa musique elle, est chatoyante."Jouer ce que j’aime, sans se mentir, sans mentir" proclame-t-il, et il essaie de faire une musique simple ouverte au monde. La voie de l’improvisation sera sa voie sacrée. Sa recherche d’une vérité le conduit à une approche mystique de la simplicité. "The simple life", dit un de ses albums, et la vie simple coule le long de ses percussions.Léon Parker cherche l’essentiel, et à partir d’une bribe de mélodie, d’un lambeau de rythme, il bâtit des couleurs, des évidences, des sources fraîches de musique.
« Ma musique s’adresse à ceux qui sont ouverts »
Et lui, Léon Parker est branché en prise directe sur les vents du monde, surtout ceux des mers chaudes d’ailleurs, car un parfum entêtant des Caraïbes, une odeur d’Afrique, se mêlent aux bruits de la rue de New-York.
Dans son minimalisme recherché, il va vers les premières sources de la musique, aux débuts du son. Il veut faire de la magie sonore où tout devient incantation, musique des tripes et des tribus. Homme d’une vie simple, amoureux de l’Europe et de ses couleurs, il a fait de la batterie et des percussions un corps à corps avec les flots du rythme.

Un jazz élargi à la planète fait se lever tous les rythmes qui courent le long de la planète bleue. Comme Steve Coleman, dans une autre approche, il crée une musique nomade avant tout vivante. Musique plurielle s’il en ait.
Batteur conceptuel, il essaie d’approcher la sève sous l’écorce des tambours, et préfère retrouver les percussions qui vibrent plutôt que d’être un simple batteur, fonctionnaire du temps.

Grand sorcier des sons, il prépare ingénument des arcs-en-ciel pour le jazz.

Gil Pressnitzer

Discographie

Discographie restreinte mais indispensable:

*"Terra Furiosa" avec Giovanni Mirabassi et Gianluca Renzi, 2008*"Back to my groove" avec Elizabeth Contomanou 2007* "Paradise" avec Tom Harrell, 2001* The Simple Life 2001* "A Paris …" avec Jacky Terrasson,2000
* Duo 1999 (avec Charles Hunter)* "Awakening" 1998* "Art of Rhythm"avecTom Harrell,1997* "Four for Time", avec Steve Wilson,1996* "Belief" 1996* "Dreamland" avec Madeleine Peyroux,1996* "Above and Below" 1994
* "The Departure" avec David Sanchez, 1994