Lokua Kanza

Les terres noires du songe

L’Afrique peut nous tomber dessus par ses tintamarres et ses cataractes, ses sons bigarrés. Mais elle peut aussi s’approcher de nous comme une effluve, comme une musique à la douceur de méandres.

Alors elle devient Lokua Kanza et le souffle léger de ses chansons. Depuis elle demeure entêtante et elle se dépose en nous pour longtemps.

"Les éléments fondamentaux d’une musique sont la magie et l’ivresse qu’elle nous procure, quand elle nous conduit jusqu’au point d’oubli du temps et de l’espace, quand elle devient message d’amour et transcendance des cultures ».

Ainsi Lokua Kanza nous souhaite bon voyage dans les eaux apaisées de sa musique du monde africaine.

"Les poètes sont comme des fleuves silencieux et calmes, leurs chants profonds s’enroulent en nous comme une onde", disait à peu près un ami, et la voix sinueuse et élégante de Lokua Kanza nous parle de ces contrées chaudes et tremblantes, de ces chants encore suspendus aux feux de veillée, de ces cris de la forêt si proche.

S’appuyant sur le vent de passage, Lokua Kanza marie les polyphonies pygmées aux saveurs du Brésil, l’âcre terre noire aux épices jaunes à la consolation des verts d’ailleurs.
Lokua Kanza est né en avril 1958 à Bukavu dans la province du Kivu à l’est de la République Démocratique du Congo, jadis Zaïre. Il est l’aîné de huit enfants élevés entre un père de l’ethnie mongo, de mère rwandaise et de père zaïrois.
Très jeune, il est immergé dans les chorales des églises, mais l’appel des rues et de la rumba zaïroise couvrira vite les cantiques.
Après des études plus que classiques au Conservatoire, il décide durant dix années d’aller humblement à la rencontre des anciens et des vieux maîtres.

II se fait ombre autour d’eux pour les accompagner dans les veillées et dans les fêtes. Sa connaissance de I’intérieur de l’écorce de la musique traditionnelle restera ancrée en lui.
Plus que dans son album à succès "Wapi Yo" trop tiré vers la "World Music", il faut retrouver Lokua Kanza dans la nudité de la scène, où ses feulements de fauve à l’affût de la musique, font tressaillir les gazelles qui sommeillent en chacun de nous.
Ses appels à l’amour et à la fraternité bordent toutes les langues et nous rappellent à l’évidence.

"C’est ma terre" chante Lokua Kanza et il s’ouvre à tous les continents et mange dans la main de tous les chemins.
Maintenant parisien depuis de longues années Lokua Kanza a su entrouvrir des portes avec sa sensibilité aux aguets, ne pas renoncer à sa langue lingala ou swahili, et comprendre toutes les autres.

Se voulant troubadour sans frontière, Lokua Kanza invente sa petite musique simple et actuelle, pont de lianes entre plusieurs mondes. Il sait se frotter aux autres musiciens (Richard Bona, chanteur-compositeur antillais Gérald Toto, des rappeurs...)

Transparence et fraîcheur, candeur et lucidité, cette musique ouvre les terres noires du songe.

"Toyebi Té" (Personne ne sait où il va"), dit Kanza, lui sait où il va avec sa douce voix, le vent léger de mélancolie en lui.

Gil Pressnitzer

Discographie

Plus Vivant
Toto Bona Lokua(2004)
Toyebi Té(2002)
Trois (1998)
Wapi Yo(1 995)
Lokua Kanza (1993)
Shadow dance