Pedro Bacán

Hommage

Extrait du livre "Être Flamenco" de Michel Dieuzaide
Photos Michel Dieuzaide janvier 1997

Michel Dieuzaide nous a autorisés à reproduire sur ce site les pages 119 et 120 de son beau livre, ses photos nous rappellent que "le flamenco est un art privé" et que l’on s’en approche avec respect et humilité.

"El Bacan"

0n dit El Bacan comme on disait La Callas.
Pedro BACAN est un homme rare.
Gitan de Lebrija, digne fils de la dynastie flamenca des PENA, une des plus fameuses en cette basse vallée
du Guadalquivir.
Sur ses larges épaules, il porte toute la culture flamenca qui ne veut pas se compromettre avec la mode.
Pedro est sûr de ce qu’il est. La richesse de son patrimoine est si profondément ancrée dans les sons qui jaillissent de sa guitare - qu’il s’accorde
toutes les audaces.
Pedro sait d’où il vient et, plus rare encore, sait où veut aller.
Depuis dix ans il voyage en France, en Suisse, en Italie, ou en Allemagne, et bien sûr dans toute l’Espagne.
Il raconte avec sa guitare les peines et la fierté du peuple auquel il appartient. Libre à vous de ne pas être intéressé, mais « respectez-moi, comme
je vous respecte ».

C’est cette affirmation reposant sur toute une culture, qui se devine à travers les arabesques folles et les échappées volontairement cassées des cordes pincées.
Animé de violents tics, d’une réelle souffrance, le visage est tendu, comme par peur de ne pas dire juste.

Pedro prend sa voiture et va lentement, de concert en concert, sans négliger le vin de telle région, la cathédrale de telle et le concert d’un pianiste
classique dans une autre.

Le temps n’a pas d’importance.

Pedro est enfoui dans une culture qui ne s’appuie que sur l’essentiel. Fort de cette certitude, il quitte souvent sa famille, reprend sa voiture, et part, avec sa guitare, dire aux autres des histoires graves.

Pedro n’aime pas l’avion. Il lui faut rester sur la terre car : "il doit y avoir dans ces carlingues volantes des sons noirs qui ne viennent pas d’une autre culture rivale, mais peut-être du néant, ou même de l’enfer…"

Michel Dieuzaide

notes :
Pedro Bacan faisait partie du clan des Peña Peña ou Pinini, sa soeur Inès poursuit cette lutte immémoriale contre les ombres et le feu. Il l’avait poussé à chanter en public malgré elle, après 38 années de silence. Il en était fier. Pedro Bacan un soir n’a pas roulé lentement, et il est mort sur l’autoroute de Séville en 1997 en revenant d’un concert. Sa sœur, "Inès, ma sœur", continue leur route commune, les notes de son frère enlacées sur elle.