Tommy Smith
Pure haleine d’Écosse
Tommy Smith est un saxophoniste écossais, né à Edinburgh en avril 1967, et il est toujours resté fidèle à ses origines, non pas à ses racines, mais à ses forêts vivantes. Sa mère, Brenda Ann Urquhart, pur malt écossais lui ouvre les paysages écossais et son père polonais le vaste monde et l’absence car jamais il ne le vit.Très vite enfant prodige il est tombé dans le jazzIl continue à vivre en Écosse, enivré de bruyères et de brumes, et tous les fantômes du jazz viennent secouer leurs chaînes dans la corne de nuit de son sax ténor. Encouragé à se saisir à douze ans d’un saxophone ténor, il ne le relâcha plus. Très tôt il se produit et enregistre. Ses études au fameux creuset du jazz de Berklee à Boston, le structure et il rencontre Gary Burton, le génial vibraphoniste avec lequel il joue en compagnie riens de moins que Steve Swallow, Adam Nussbaum.
À 18 ans il enregistre un disque avec son maître Gary Burton qui n’utilisait pratiquement jamais de saxophoniste dans son groupe. Mais l’originalité du son de Tommy Smith, totalement différent de celui des saxophonistes américains avec sa voix lisse, presque blanche, poétique, se marie à l’univers onirique de Gary Burton. Et la voie est ouverte pour Tommy Smith qui à moins de 22 ans signe dans la prestigieuse maison Blue Note. La suite est cousue de fil de laine d’Ecosse, et il joue avec Tommy Flanagan, Chick Corea, Bobby Watson, John Scofield, Eddie Gomez, Jack DeJohnette,...
Le fait de changer de producteur (Linn), oriente sa musique vers plus de rêverie que de jazz habituel. Ce fut la belle épopée des enregistrements de Reminiscence (1993), Misty Morning and No Time (1994), Azure avec Kenny Wheeler in 1995), et l’étrange Beasts of Scotland (1996).
Alternant le jazz pur et les recherches en musique classique du style « troisième courant », il se forge une personnalité qui va le conduire à produire lui-même ses Œuvres pour mieux les contrôler. Il va composer pour des pièces de théâtre, des ensembles symphoniques. Il va fonder le « Scottish National Jazz Orchestra », qui lui permettra de jouer ses musiques de plus en plus ambitieuses.
Compositeur encore plus que musicien il a écrit en 1991 une longue suite pour saxo et cordes,un Écossais à Paris, puis une suite L’hiver en Écosse pour l’école de jazz de Strathclyde. Il est à la fois saxophoniste, compositeur, pédagogue. Souvent il dirige l’orchestre national de jazz d’Ecosse pour rendre hommage à John Coltrane par exemple.
En 1994 deux suites pour sextet, Misty Morning and No Time, basées sur les poèmes de l’écossais Norman Mac Gray tentent de retrouver les brouillards et le temps suspendu de son pays.Enfin son dernier disque est un hommage lyrique aux animaux d’Ecosse, aigle, saumon, daim, loup et araignée sur des textes d’Edwin Morgan et des peintures de Neil Boyce.Cette œuvre est une des premières réussites du jazz panthéiste : tout y frissonne de nature, l’air et l’eau s’écoulent, la terre fume d’odeurs et la musique de Tommy Smith sent bon l’écume, la mer et les rochers.Là, son haleine, pure haleine d’Ecosse, s’élève haut sur les Highlands.
Mais avant d’être le barde-jazz ayant troqué la cornemuse pour un autre piège à souffle, le saxo, Tommy Smith était déjà l’auteur de 10 disques dont certains, Paris, Réminiscence avaient fait sensation.Surtout il était un enfant prodige, rescapé de bien des vertiges.
À moins de trente ans, il présente aujourd’hui un son unique, fait de fraîcheur et d’inspiration mélodique. Lui aussi, elfe voyageur à la Jan Garbarek, mais avec une bien plus grande authenticité, il sait faire lever dans sa musique la pâte chaude du jazz, écoutée aux portes des légendes. Sa formation de musicien classique lui permet de structurer tous les ruisseaux de musique, sourdant de lui.
Il reste peu connu en France, où il se produit rarement. Quand il le fait en quartet avec des musiciens français pour former le groupe Colours, animé par le pianiste-compositeur Loïc Dequidt, avec à la basse Christophe Hache et le très spectaculaire batteur Jacques Mahieux, il démontre que la beauté de son souffle et la poésie qui en émane ne se seront jamais autant fait la courte échelle.
Récemment il est venu en octobre 2009 à Jazz sur son 31, donné un concert de beauté somnambulesque avec le contrebassiste norvégien Arild Andersen. Ce soir là même la lune est venue l’écouter pantoise et muette d’admiration devant la fumée bleue qui montait de son sax jusqu ‘à elle.
Ce quartet, tout en couleurs pastel, est une rencontre pour ceux qui ont pu tutoyer la nuit profonde, accompagnés de ces flambeaux de lumière froide que sont Paris et surtout Réminiscence!
Gil Pressnitzer