Situation de la peinture à Toulouse

par Garance Thouzelier

Au début du XXe siècle, la situation artistique de Toulouse semble difficile. En effet, la politique artistique locale est mauvaise, les galeries sont vraiment peu nombreuses, les salons très traditionnels et l’enseignement des Beaux-Arts est académique.
En outre, les collectionneurs avertis sont rares et les amateurs d’art mal informés sur ce qui se passe dans la création contemporaine. Face à une telle situation, certains artistes de Toulouse créent un peu dans "l’ombre", entre eux, et ils se retrouvent dans l’impossibilité d’exposer leurs oeuvres et de faire parler d’eux. Que ce soit les galeries ou les salons, ils refusent toute nouveauté et instaurent un traditionalisme.

Lorsque éclate la Seconde Guerre mondiale, nombre d’artistes décident alors d’émigrer aux Etats-Unis ou dans le Sud de la France. Cela favorise les échanges entre toute création, toute connaissance et stimule les artistes.
L’activité artistique ralentit un peu mais évolue dès la fin de la guerre, avec l’apparition de nouveaux courants. Les artistes d’horizons divers se mélangent, participent aux manifestations culturelles et se retrouvent ainsi dans les galeries et les Salons toulousains: le Salon des Artistes Méridionaux et le Salon des Artistes Occitans, instaurés dans les premières décennies du XXe siècle.

Après la Libération, un intense bouillonnement a lieu à Toulouse, généré par les créateurs eux-mêmes. Dès 1950, les jeunes artistes passent du Figuratif à l’Abstrait et de nombreux groupes se forment.
Les élèves de l’Ecole des Beaux-Arts s’insurgent contre l’aspect régionaliste dans lequel l’artiste de la ville a tendance à s’installer. C’est ainsi que Jacques Fauché, Pierre Igon, Jousselin, André Marfaing et Robert Fachard forment le
groupe "Huit peintres et un sculpteur".
Ils ouvrent le Salon "Présence", auquel participentMaurice Boy, Jean Hugon, Daniel Schintone et Pierre Saint-Paul entre autres. Leur objectif est de démontrer que la peinture existe à Toulouse et au cours des années suivantes, ils
réfléchissent aux problèmes posés par l’art abstrait et l’art sacré.
Charles-Pierre Bru, fervent défenseur de l’abstraction (Esthétique de l’art abstrait, 1955), et Robert Aribaut, futur critique d’art à La Dépêche du Midi, permettent à ces artistes de confirmer leurs conceptions avec l’organisation de "Rencontres 54".

Cependant, certains artistes (Hugon, Jousselin, Marfaing, Saint-Paul) quittent déjà Toulouse pour la capitale, plus ouverte à la création moderne. Un autre groupe se forme après la guerre: le groupe "Le Chariot", à l’initiative de Yankel et Christian Schmidt qui proposent une figuration expressive.
Certains poursuivent la diffusion de leurs idées en devenant professeur à 1’Ecole des Beaux-Arts de Toulouse, comme Jacques Fauché et Daniel Schintone.
Ce bouillonnement engendre une évolution au sein des initiatives privées et publiques de la ville. C’est alors qu’apparaît à Toulouse une activité culturelle qui ne cesse de progresser, favorisant la promotion des artistes, la diffusion des connaissances et la sensibilisation du public.

Henry Lhong crée les salons "Art Présent" et "Signatures", déstabilisant ceux des "Artistes Méridionaux" et des "Artistes Occitans" qui sont attachés à un certain traditionalisme.
Il crée également la galerie L’Atelier, un foyer d’animation et de diffusion qui prouve qu’il est possible à Toulouse de montrer les différents courants qui existent à ce moment-là, notamment avec le large éventail de "La peinture à Toulouse en 1964".
C’est l’époque où le nombre de galeries d’art ne cesse d’augmenter chaque année: jusqu’en 1960, il existe six galeries d’art importantes à Toulouse (Chappe, Chappe-Lautier, Maurice-Oeuillet, du Taur, At Home et La Joie de Lire), mais de 1960 à 1975 plus de quarante galeries ouvrent leurs portes.
Certaines de ces galeries marqueront cette période par leur volonté de faire connaître l’actualité artistique: L’Atelier, déjà cité, la Galerie Andrieu, Le Biblion, et surtout la Galerie Protée.
Il y a également Terre d’Ocre de l’artiste Mat, à Bonrepos-Riquet.
En revanche, d’autres galeries d’art sont plus éphémères et disparaissent avant la fin de la période étudiée. Les galeries d’art s’ouvrent à toutes les tendances, l’artiste se libère et s’individualise puisqu’il peut désormais présenter son oeuvre dans une exposition personnelle.
Parallèlement à ces galeries, un Centre Culturel municipal est créé en 1965 et la direction est confiée à Christian Schmidt. Celui-ci s’investira dans un rôle de diffusion de l’art moderne et d’information.
Le Centre Léonard-de-Vinci, créé en 1969 par Liberto Pérez, participe également à ce renouveau. Avec l’arrivée du conservateur Denis Milhau, le Musée des Augustins connaît également des modifications: il met l’accent sur la fonction d’information, avec la présentation de nombreuses expositions consacrées à la création moderne en Europe et aux Etats-Unis, la restauration des installations et une nouvelle politique d’acquisition pour enrichir les collections.
Evidemment, avec la prolifération des lieux artistiques, le phénomène d’expositions connaît un accroissement significatif accompagné de l’augmentation du nombre de visiteurs.
L’exposition arrache l’oeuvre au cocon de l’atelier pour la soumettre a i’opinion publique, et l’artiste ne peut ni prévoir ni influencer les effets de son oeuvre. Ce que l’on appelle "l’accrochage" est la mise en scène d’un lieu qui organise la présentation des supports (peinture et sculpture dans cette étude) au point de constituer le propos même de l’exposition.
Celle-ci «représente le moyen de communication artistique le plus ancien,
Celui qui rencontre le plus vif succès mais demeure paradoxalement le plus équivoque aux yeux du public, des artistes et des critiques. Il semble que "l’exposition d’art contemporain tout temps été subversive ».
En effet, le public toulousain n’est pas prêt au départ à recevoir les nouvelles expressions des arts plastiques, cela est dû au retard que connaît la ville rose et aux difficultés de circulation de l’information.
Les critiques d’art de La Dépêche du Midi et les acteurs de la vie culturelle vont remplir cette fonction: ils vont essayer de combattre cette réticence et de combler le déficit dans la connaissance de l’art vivant.

Garance Thouzelier