Gil Pressnitzer

Poèmes

Entre le temps des hirondelles
Et le lever des chauves-souris
J’ai vécu toutes mes maladies d’enfant
Dans mes lignes de la main
J’ai vu passer au loin les routes du poivre
Et le futur de tes draps traçant les parallèles des instants
Un bol de lait dans la cuisine
Des guêpes contre la fenêtre
Je n’en sais pas plus maintenant que j’ai rejoint
Des chevaux absents sous les feuilles
La vie aura été cette salive
Pourquoi cette eau qui se fige
Cette mort fabriquée souffle dans souffle
Ces hannetons ivres de mai
Ne savent rien de toi
Entre la grange et le pré les paroles sont à sécher
Ma peau arrachée aussi
Et ma mère dans le sommeil fatal
Je reste dans l’haleine de mon ignorance
Je sais si peu sur moi
Entre l’ombre et la terre
Je cherche où m’oublier

***

Les murmures

Nous les murmurants nous sommes murmures
murmures de notre sang mêlé et qui tressaille
abandon au fleuve des jours et leurs fils de laine douce
et puis cette sensation d’être seuls et vivants
entre nous

La mort sommeille à nos côtés
et nous ne la réveillons pas
nous murmurons
trop à faire
à épeler tous nos noms
et les répandre en poudre magique autour de nous
bivouaquer avec l’amour sorti du sac
rosées des longues nuits
ce qui était vain est devenu pain
la voix rauque écharpe de soie
murmures du front bas des cieux faisant escorte et sentinelle
les mains se nouent
paix sur nous
les choses inutiles sont versées
nous les regardons flotter comme papillons perdus
au temps ôté, au temps compté

Les murmures de tous les enfants qui sont en nous
bercent jusqu’aux nuages
apaisent nos tremblements
bientôt nous serons nous aussi murmures
nous les murmurants
si imbriqués qu’un seul souffle
passera à la surface de la terre
face aux grands vents se cachant
pour nous laisser place
urgence supérieure de notre paix
l’herbe pousse tendrement entre nous
nous murmurons
et le monde résonne

***

Automne en marge

La pluie de mon enfance a voulu grandir
elle s’est éloignée de moi
les parapluies des jours se sont dressés
les chiens sont rentrés muets pour fuir les nuages
il cogne du temps sur mes épuisements
maintenant adulte la pluie ne me reconnaît plus
elle tourne en rond
et moi je fonds dans l’immanence
je neige comme je peux
entre mémoire et frontière
j’attends le laisser passer
je manque à l’appel
les barbelés du temps sont mes tremblements
les traces de pas mènent vers le fossé
ne pas se retourner
visages fermés comme écluses
la grêle est intacte
l’automne est sans raison
il pleut il pleut
ces pluies tombées par cœur
grandies trop vite
il pleuvra souvent mais je ne reconnais plus la pluie
moi enfoncé dans les pluies d’autrefois
on ne reconnaît que l’invisible
même délavé ce matin

***

En souvenir de moi

En souvenir de moi
Laissez votre fenêtre ouverte
Il se peut que je revienne
Porté par la pluie traversière
Dans l’amitié des nuages
En oubliant les échardes de la vie d’avant
Et votre si incertaine tendresse
On ne sait la patience du vent
Qui vous tient la main
Et notre poids d’oubli
Et puis là-bas je n’attends plus la musique

En souvenir de moi
Laissez cette hirondelle sur les fils des jours
Elle n’ira pas plus loin
Et les jours raccourcissent
vous souvenez – vous de mon front plein de brumes
il ne voulait que vos genoux
par la porte du fond j’ai glissé
je pourrais revenir dans les trous des larmes

En souvenir de moi
Ne cueillez plus les coquelicots
J’en fais partie dorénavant
Au chant des acacias
Mes lèvres modulent leurs feuilles

Et puis là-bas j’ai trop froid de vous
La nuit n’est plus la nuit
Sans vous

Souvenez-vous de moi
en souvenir de moi
Comme odeur de terre après orage
Feuille morte tremblante juste avant le sol
Herbe folle dans vos têtes

En souvenir de moi
Restez ouverts
Je reviendrai peut-être

***

Traverse-moi

Porte-moi dans tes bras jusqu’au néant
coule-moi profond dans l’eau sans appel du monde
jusqu’à l’oubli sidéral
Caresse-moi jusqu’à m’éparpiller
traverse-moi plus fort que le vent
mélange-moi comme fleuve et mer
blé à la terre
sang contre sueur
sois cette migraine de part en part
cette vrille qui retrace mes frontières
lâche-moi dans tous les fossés
plus loin que leurs pièges
viens cogner tes os contre les miens
tes dents contre mes échardes de verre
passe par-dessus mes douves de chair en colère
secoue mes fagots de mots inavoués
mes mensonges en moisson fanée de mes greniers secrets
je n’ai plus à entretenir mes mystères
j’étouffe dans mes prisons tissées de peurs lourdes
sois l’orage qui casse mes vieilles tuiles
fais claquer mes voiles jusqu’à la déchirure
lézarde les murs et fend les portes
fais de moi des éclats de poussière montant très haut
brise-moi avant que je ne me désagrège
traverse-moi traverse-moi
mais
Porte-moi dans tes bras jusqu’au néant

***

Sur les rails des guirlandes

Sur les rails des guirlandes
la demi-lune fait un pas de trop
et tombe à plat
au bout de mes bras
je porte ta tête siège de gravité
je n’ai plus que cela de toi
le reste m’a échappé
dans le foulard de ton corps
d’autres se sont blottis
il me reste à jouer contre les murs au rebond du temps
et surtout ne plus perdre
ne plus te perdre
dans ce cercle de douleur il n’a plus personne
forgés par le feu
nous préférons nous éteindre
au bout de mes bras
je porte ta tête ornement des rues bleues
une radio en bois fait refluer les ondes en toi
au bout de mes bras
je porte ta mort
au bout de mes bras
je porte ma mort
elle pèse moins que nous

***

Invitation

Rejoins-moi
Si je meurs
Dedans notre ailleurs
Là où la lumière est brisée
et l’étoile pâle
Échos des fêtes au creux des blés
Et du reste des murmures
des consciences penchées dans les fossés
Je te promets si tu viens
que nous serons toujours chutes de feuilles
Allongées dans le bleu
Avec les herbes du passé qui sifflent entre les doigts
Les jours sont partis juste après nous
Ils avaient tant attendu
sur ton ventre chaud ma tête enfin posée
Dans notre petite chambre désertée
une lampe toujours allumée
pour que les passants nous croient toujours vivants
Dans quelques bars près du port
Nos mémoires en terrasse pour un café éternel
Tous ces orages encore à venir
seront nos soleils
Nous aurons chaviré l’un dans l’autre
Tant pis pour l’oubli du nom des hommes et des étoiles
Celui de la neige nous suffit
Ce vent sur les survivants
Cette tranche de pain sur notre sang
Au tournant dans l’attente
nos chiens sont morts
viens
efface mon passage
prépare le tien
remonte les draps des nuages sur nos têtes
il faut dormir maintenant
pour chaque ombre laissée là-bas
pour nos tombes dans les yeux de ceux qui restent
nos destins étaient nos tatouages
la peau ne nous sert plus
juste par un trou secret pourront venir les chats
et nous veiller
enfin
nous pouvons dormir ensemble

***

Retrouvailles

Un jour un jour
Nous serons l’un contre l’autre dans la même goutte d’eau
À nous raconter tous nos sortilèges
Serrés l’un contre l’autre nous verrons le temps tomber dans une cruche bleue
Une cruche d’eau, une cruche de lait
Et les frontières contre le mal sont dressées
Il n’y aura qu’une seule nuit pour tout partager
La soif sera loin et le pain contre nous
De ta robe chanteront les grillons invisibles
De lèvres en lèvres de bouche en bouche
Passeront nos mots de passe
Il faudra faire attention
Quelques larmes de plus et tout déborderait
Et l’on noierait la libellule bleue qui partout nous accompagne
La boîte à secrets est tombée par terre brisée
Lentement s’écoulent des pianos et des mains d’enfant
Je vois le déluge de lune entre tes genoux
La lumière devient lucide et me parle de toi
Tu ne regarderas pas derrière toi dans la vitre d’eau
Mort et miroir ont le même espace
Ne lâche pas cette main qui s’emmêle en toi
Un seul faux mouvement et l’ailleurs tournera en rond et viendra le rien dans un autre rien
Un jour un jour nous vivrons ensemble dans cette goutte d‘eau
La vie vue de ce vitrail sera jeune
Et fera trembler nos peaux
Le trou fait par mégarde dans le ciel laissera passer nos envers
Sous la voûte de tes reins je poserai un bouquet d’asphodèles
Sur tes seins quelques coquelicots
Nous entamerons alors la grande battue dans la forêt de nos corps
Suis-moi dans la goutte d’eau le bleu coule déjà en nous

***

Gardez

Gardez pour moi un arbre seulement
le plus loin de vos routes
mon chemin passait ailleurs par les vergers d’étoiles
les transhumances des mains
Les lents balancements secrets des coquelicots
entre terre de sang et ciel affolé feront le reste
eux savaient pourtant
le monde mal recousu
gardez-le
d’un étage à l’autre je l’ai si mal parcouru
Je n’en ferai plus rien maintenant
le legs de mes étincelles fera juste un feu
quelques cendres contre l’oubli
ne les remuez plus
gardez-les
Sur le dos courbé du temps j’ai vacillé
tentant de faire du silence une très ancienne légende
avec la durée glissant entre les mains vides des absences
et moi toujours en suspension de mes poussières
érodé par le concret
je n’étais donc qu’une ombre passante qui parle
entre pierres sifflantes et inaccompli
nostalgie ouverte de part en part
ainsi j’ai avancé sur la mer et le désir
l’eau a coulé
le corps a fatigué
la nuit n’en finissait pas de mentir
des brumes d’enfance se lèvent encore
les cris des hirondelles seront là bien après moi
je n’ai toujours pas appris à voler
malgré la promesse des ailes d’un autre ciel
je n’aurai fait que semblant de partir
j’aurai juste tenté de devenir plus léger que la lumière
gardez-moi

***

Si d’aventure je meurs

Si d’aventure je meurs
Par distraction ou besoin de redevenir simple goutte d‘eau
Afin de passer en profits et pertes tourments et songes
et ne plus vouloir répondre au vent
Il faut bien passer son chemin
même celui qui jamais n’aura touché terre
oublier l’amour avant même le repos
yeux grands ouverts sur les lèvres qui me furent tendues
Doigts gourds voulant faire des colliers d’étoiles
nuits vidées comme coquillages après ma mer
partir sans savoir ses traces
Mains nouées sur des ombres
Ni maintenant, ni plus tard

Il fallait partir léger nuage entre les nuages
je pars lourd de seins endormis contre moi
de regards qui ont fait veiller mon existence
et puis je ne croyais plus en mon enfance
ni que le jour revienne
et personne n’a su redire mon passé
je vois trop de sang dans chaque sourire

Si d’aventure je meurs
il faudra déclouer mon ombre en laisse
les vôtres aussi
le vent sous cette pierre
les aubépines sous vos corps
alors qu’est-ce qui sera plus proche de l’éternité
que mes mots inutiles
comme la nuit
comme la pluie
Ni maintenant, ni plus tard
Si d’aventure je meurs.

***

Passagers du givre

Passagers du givre nous faisons halte sur l’épaule des arbres
Essoufflés par nos abîmes
épuisés par nos amours de fumée
Meurtris d’avoir laissé nos corps se meurtrir sur d’autres corps
Depuis nous voyageons sans eux
Plus légers mais sans appui sur la terre veule
un léger vent et nous allons n’importe où
nous regrettons souvent notre glaise et votre sueur
les caresses incertaines et les mensonges enveloppants
Un jour nous pèserons à nouveau
et laisserons nos griffes sur toutes les peaux
alors le givre fondra et brisera notre château de glace
une flaque derrière nous pour vous souvenir qui nous fûmes
D’ici là créons nos cristaux nos nervures
emprisonnons une feuille en témoin des saisons
le temps s’égouttera peu à peu
nous aussi.

***

L’eau courante

Quand la mort viendra par-dessus mon épaule
je n’aurai pas tari toute mon eau
toute ma sueur
il restera bien des flaques de désir
de peurs inconsolées
d’éclats de lune tombant de mes poches
mais la menue monnaie de mes sentiments
aurait encore pu racheter la terre
ton image feu follet de ma vie
dansera même après moi
là au bout de mon ombre
mes mains cesseront juste de trembler en pensant à ton visage
elles auront eu le temps de tracer de lents signes silencieux
nous irons habiter là-bas plus tard
L’eau courante qui coulait entre nous
ira se jeter en toi
elle dira longtemps ma trace et mon odeur
les brins de paille seront tirés au sort
pour savoir qui devra chercher l’autre
sous tes écorces se cachent mes étoiles
je ne serais pas parti
juste devenu cours d’eau
et sur ton front cette fraîcheur est encore un peu de moi
n’ajoute aucune larme
j’étais déjà tout prêt de déborder
plus léger que vous les pesants
je flotte au-dessus de la brûlure des bougies
m’oubliant contre tes tempes

***

Au fil de soi

Le monde était couchant
les hirondelles en braille sur les fils
l’absence n’était plus à plaindre
je ne pouvais plus être aussi soudain que mon enfance
et la terre empoignée n’avait plus de vérités
alors sur mon nom je faisais couler des fontaines
puis je les posais par les cheveux
par les mailles
par les cendres
je me tenais à distance de moi
À bout de bras
un ciel dans un coin d’ombre
un infini dans l’oubli
dans l’armoire aux linges pliés d’obscurité
le parfum de très vieilles femmes penchées sur mon sommeil
en nouant des présages dans les draps
Le bois qui craque sous les jambes nues en désordre
la solitude qui monte la rampe
le bol de lait glissant entre la table et les mouches
Je veux redevenir une seconde de mon souvenir
au fil de soi
au fil de l’eau
ne plus avoir peur des larmes non partagées
ne plus refuser de voyager sur la poussière
être la tendresse du puits et du seau
à nouveau premier venu
rien d’autre
et ce châle de la pluie qui va effacer le monde
rendre à chacun ses blessures
ses fables d’enfant
à qui répondre de sa patience
des arbres existant avant nous les déracinés
toujours en allées et venues vers l’ailleurs
on reste on n’est que bruissements de feuilles
pierres dans la tête ne sachant plus nommer les hirondelles
draps sur les nuits corps ouverts à l’insomnie
mains non ouvertes
et puis hier est tombé là où meurt tout pressentiment
depuis je suis mort et je vous aime

***

Sous le piano

Sous le piano de ton corps
des notes abandonnées d’hier et de demain
des chemins creux faits des herbes folles de l’attente
des cicatrices qui résonnent encore
des entailles inconsolées
et qui ne doivent pas être refermées
tu ne pourras guérir dans le terrain vague de l’oubli
note à note il faudra remonter la boite à musique du passé
se souvenir de la dernière étoile
de la dernière caresse
côte à côte nous détournerons la mort véritable
vers le fleuve des autres moins vivants que nous
nous savons que la mort recommence
mais entre l’éclair et le tonnerre
il y aura quelques secondes
d’amour
Sous le piano de ton corps
les jouets que nous n’eûmes pas vraiment
le cheval à bascule de tes reins
la toupie de ta bouche
la marelle de ton sexe
et les soldats de plomb des heures lourdes
il reste les touches d’ivoire de ta peau
une musique revenue de toi parle encore
ton enfance passée dans des fleurs écrasées
des parfums de toi jadis et que je reconnais
nous respirons en secret tes comptines
Sous le piano de ton corps
nous sommes tous deux et nous pleurons

***

Moineaux

Moineaux de ma jeunesse
Dans les interstices des châtaigniers, de leur état originel
plus vieux que les pierres
je pouvais frôler l’espace et vous regarder en vibration
faisant mouvoir l’air autour de nos états de matière
moineaux de l’absence
essentiel de mes limites de respiration
vous étiez l’entre - d eux de mes séparations
moineaux plus libres que moi
sans étoile jaune au cou
la conférence sur les fils électriques parlait de frontières
là-bas sans doute l’Espagne
ici la boue et la dénonciation rampante
épure du ciel vous étiez mes questionnements
ma fronde vers le ciel
moineaux hors de la nasse des solitudes
de quelle nature étiez vous ?
instants suspendus dans l’éclat du silence
mon passage étroit vers l’enfance
moineaux limite entre toutes choses
ma jeunesse fut par vous assemblée
ma fin circonscrite
le monde à nouveau palpable
Moineaux mon infini virtuel
en équilibre sur le feu de cheminée

***

Le point du jour

Balancement des enfances au milieu des orties
Jusqu’à faire trembler le ciel sur sa tige
C’était la menthe qui courait le long de nos genoux
Le préau de notre vie étendue à sécher sur les fils à linge
Et ces dimanches à la lumière répétitive
Sans aucune promesse d’invisible
Aujourd’hui où tout m’échappe
Je n’ai pas trahi ces matins aux herbes folles
Et l’odeur tenace de l’inachevé
Sous les fougères passaient les indifférences
Dans la forêt la tension de la vie qui grimpait aux arbres
Tendresse du lait sur la table noire
Et le craquement contre les dents des groseilles volées contre le quotidien
C’était le temps des halos de lune
Et de nos amours à feu doux
Nous étions devenus buée
et farine sous les mains
fruit et bouche à la fois
Et j’échangeais les dieux mortels contre une figue
Et l’araignée faisait le point du jour

***

Histoires non dites

Nous linges pliés devant la porte de nos jours
dénouant les heures vouées aux draps d’oubli
nous attendons que l’on vienne avant la pluie
nous verre brisé
Claquant aux rêves comme fenêtres sous le temps adverse
nous portons notre peau pour inventer les passants
et leurs histoires d’ombres doubles
Course flottante vers demain
gué vers la salive des mots des histoires non dites
et ces pierres qui ont poussé entre nous
avant je voyais ton corps à perte de vue
imposture du dedans
imposture du dehors
ton corps pour vêtement
Le presque a mangé l’encore
le miroir se prend pour l’au-delà
et la lumière doit être ravaudée jusqu’à la chair
rejoindre alors les
flaques de mémoire
en sautant par-dessus la marelle du silence
silence dans les rangs de l’enfance
vu de notre vie tout est oblique
les morts ont plus de recul
Fumée du milieu de nous qui trace son alphabet incertain
le réel était dans ces histoires non dites
un peu d’eau sur les os
Nul ne nous protège de nos ombres
Voix blanches ricochant sur la lune étendue
buée verticale de nos nuits
les histoires se disent sur d’autres planètes
là où l’on dort replié sur les nuages

***

On passe et le temps nous regarde
ancré dans l’indifférence polie
Nous aurions du traverser la lumière,
caresser la tête des arbres et leurs souvenirs bleus
Mais nous n’étions qu’en équilibre incertain
dans le certain des jours qui coulent hors de nous
nous n’avons rien fait pour nous lover dans l’espace et la rumeur du vent
on est resté que pour quelques visages
quelques corps comme pierres chaudes
alors les oiseaux ne nous comprennent plus
Pas plus la mésange que l’hirondelle
les instants de vos noms ne reviennent pas vers nous
brèves sont vos mains sur nous
ombres ajourées d’oubli
on reste pour ce qui va venir
on le croit mais on passe
on rouvre les yeux et on n’a plus de nom ni de formes
c’était quand déjà votre épaule contre nous ?
il va falloir tout ranger
sang et lait
étoiles et poitrines de femmes
dévétu de chaleur
d’existence même
on passe
insomnie de votre peau
nous battons la nuit
on rate toutes les marches en dormant dans le temps
sachant que l’on meurt on ose encore aimer
on passe pourtant
le rêve sur la main
le bois mort dans nos fleuves

***

L’encre et la lampe

Je laisse derrière moi quelques traînées
de poussière de papillon
Moi
à peine cogné à la lampe de la vie humaine
belle et triste à la fois
moi
contre la vitre froide des adultes
si loin de mon pays natal envolé
quelques amis sauront lire dans ma poussière
le mystère des nombres écrit en braille sur la nuit
je laisse ma signature sur vos tempes
mes ailes consumées sous la porte
la tapisserie de vos visages près du puits
Je laisse ma transparence dans l’air
quelqu’un la ramassera plus tard
L’encre et la lampe seront mes témoins