Christian Schmidt

Ma biographie

... Tu me dis qu’il serait bien que pour cette dixième exposition chez « Protée », on fasse (tu fasses) l"effort d’un petit catalogue et que, dans un catalogue sérieux a toujours une "biographie".

Lorsque mes amis m’offrirent la plaquette que tu connais, déjà se posa la question de la « bio ».

Si elle pouvait être écrite drôlement par un journaliste du « Canard » qui aurait un peu de tendresse mais cela ne s est pas trouvé.

De toute façon, pour la plupart : des peintres, c’est une assez morne énumération qui n’apprend pas grand-chose.

Matisse ? ou Grünewald ? Lieu et date de naissance ? Vous savez ? Quel collège ? Quels prix obtinrent-ils ?

Posez-vous ce genre de questions à propos des peintres que vous aimez et vous verrez bien que leur biographie n’a (pour nous) que peu d’importance.

Alors, ma biographie !...

J’aimerais ici raconter une anecdote.

Aux "Jacobins ", il y a quelques années, était montrée une superbe exposition « Picasso » proposée par Jacqueline Picasso.

J’allais au vernissage, accompagné de ma petite-fille, Céline, qui devait avoir huit ans. Souhaitant créer un « souvenir », je vins la présenter à Jacqueline Picasso qui, gentiment, lui dit : « tu es belle ; si Picasso t"avait connue. il t’aurait peinte."
Et Céline de répondre : « Mais, Christian me peint. »

J’étais un peu confus mais, Jacqueline, en souriant la félicita.

Sur le chemin du retour, j’abordais, volontairement, le cruel examen des gloires respectives.

« Tu sais, Céline. Picasso est un peintre immense. célèbre dans le monde entier.
- Et toi, tu n’es pas célèbre dans le monde entier ?

- Non.

- Alors, tu es célèbre dans quel pays ? »

Mon piédestal devenait tabouret.

« Au moins, tu es célèbre dans toute la France ?

- Tu sais, Céline, dans le monde de la peinture. ce n’est pas aussi simple. »
Alors, avec un rien d’agressivité dans la voix :

« Mais alors, tu es célèbre jusqu’où ? »

Alors. est-ce qu’une « bio » répondrait à cela ?

Je veux bien redire que je suis né le 18 octobre 1919 au Maroc.

Et mon père disait : « Faire naître un cheval dans une bergerie n’en fait pas un mouton pour autant ».

Ensuite, rien de bien passionnant jusqu’à la prise de conscience du peintre hypothétique,

Mais, la guerre - la résistance - la déportation - retour – mariage, un petit garçon aux cheveux blonds, boudés qui ne me connaît pas.

Alors, on veut faire « l’artiste » ?

En attendant on dessine des robes, on « fait » des vitrines, on décore des maisons.
Ce n’est pas le Pérou !

Du journalisme aussi, dans des journaux intéressants qui ne durent guère mais qui nous donnent l’occasion de lier des amitiés dans tout ce qui comptera dans le journalisme à Toulouse.

Un mariage se fait, un autre se refait.

Le maire de Toulouse, Monsieur Badiou, m’offre une bataille : celle de défendre la brique de Toulouse.

En ce temps-là, les Toulousains n’avaient pas encore reconnu l’importance du "Viure al pays" et les commerçants trouvèrent que la « foraine » faisait « village » - que des magasins dans des arcades, ça ne faisait pas « parisien ».

Mais cela a été passionnant de réussir cette transformation.

Et puis, en 195O, un concours s’offre à l’école des Beaux-Arts.
Me voilà : prof.

Un atelier s’ouvre grâce à l’hospitalité d’un merveilleux vieux monsieur, grand ébéniste, Maurice Alet, dans l’impasse des Trente-six-Ponts.

Que vous dire d’autre ?

Des amis qui vous tiennent la tête hors de l’eau - des voyages – beaucoup de voyages brinquebalants mais enrichissants.

Et puis la vie d’un peu tout le monde. Des expos qui « marchent », de mieux en mieux.

Maintenant. il faudrait raconter aussi l’aventure du Centre Culturel que j’ai été amené à créer et à diriger et puis aussi parler de la direction pendant trois saisons du Théâtre Daniel-Sorano, aidé par une équipe qui. aujourd’hui encore a la responsabilité du Centre Culturel.

Mais, tout cela serait trop long à raconter.

Alors que mettre dans une « bio » ? Les récompenses. les prix obtenus ici et là.
Malgré la gentillesse des organisateurs, avec le recul du temps. que reste-t-il de tout cela ?

Quelques toiles sur un rythme en douze.

En 1971, un lundi, je quitte le Centre Culturel, un petit coup de blues.

Le vendredi de la même semaine, toujours en 1971, Laurence Izern m’offre d’entrer dans sa galerie.

Voilà. aujourd’hui, nous y sommes encore.

À la fin d’une "bio", il reste une date à écrire :

Attendons.

Christian Schmidt

Texte écrit pour le catalogue de l’exposition à la Galerie Protée

Portrait presque
rêvé d’une amie
alliée -1992