Autour de Christian Schmidt

par Henry Lhong

L’uomo che guarda - triptyque fermé

Place Saint-Marc. Venise. Il est deux heures.
Des hommes en noir déversent sur les dalles roses du maïs aux pigeons. Ils s’abattent. Une cloche sonne...

Dans le grand canyon du Colorado, un oiseau-mouche se cogne aux murailles rouges d’argile chaude.
Un cœur d’oiseau bat à toute vitesse dans l’arbre.
Je te souris...

Dans une crique de l’été. con corps plus nu qu’un coquillage joue avec des volcans sous-marins.
Roches râpeuses. Les algues entre tes cuisses me font mal. Les vagues les recouvrent.
Je te souris...

Quatorze heures cinq. Le dais palpitant des oiseaux vénitiens s’enlève d’un seul coup pour aller dévorer le gâteau crayeux..~ de la Salute. La vie bat partout au 500’ de seconde...

Sauf dans la vieille maison sur les quais, où l’on descend trois marches - un enfant entre « ciel » et « terre » joue à la marelle sur le ciment gris de la cour -.
Et une cartomancienne, surchargée de strass comme une pute de haut lignage, étale des figures à jouer qui nous ressemblent, et la dame de cœur rit toujours à gorge déployée.

La mémoire : un train de nuit traversant une galerie de glaces.
Allez vous y reconnaître dans ce déluge d’images tournoyantes s’écrasant sur les vitres, à travers un orage de souvenirs.
Pièges à supplices. Pièges à joies. Pièges à toiles. Pièges à vie.

Et tous ces noms, ces amours, ces visages traversent cette nuît gaufrée que surveille une chouette complice, la cartomancienne aux cartes délavées, les pigeons palpitants, l’oiseau-mouche narquois.

Les couloirs de la mémoire s’habillent de cartes postales, d’affiches, de tapis feutrés, des morceaux épars de choses abandonnées qui se tendent, peu à peu, pour faire un beau mur de matière.

Dans ce wagon de verre, le voyageur prend la nuit de vitesse, la toile en se tissant délave les images. Le train roule. Tout est bonheur.

Henry Lhong

L’uomo che guarda - triptyque fermé